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FLIGHT (critique)

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Carte d’identité :
Nom : Flight
Père : Robert Zemeckis
Livret de famille : Denzel Washington (Whip Whitaker), Don Cheadle (Mr Lang), Kelly Reilly (Nicole), John Goodman (Harling), Bruce Greenwood (Charlie), Melissa Leo (Ellen Block), Nadine Velazquez (Trina)…
Date de naissance : 2012 / Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 2h18 – 31 millions $

Signes particuliers (+) : Un excellent Denzel Washington dans un drame intéressant qui arrive à cerner plutôt intelligemment les petits détails qui font son sujet : l’alcoolisme. Un film courageux sur une thématique rarement traitée comme sujet principal.

Signes particuliers (-) : Manque de profondeur, de force et d’intérêt. Un film mineur jamais transcendant, rarement bouleversant.

 

S’ENVOYER EN L’AIR vs DESCENTE AUX ENFERS

Résumé : Alcoolique et addict aux drogues, le Capitaine Whip Whitaker ressort pourtant héroïque d’un crash aérien. Alors que la situation était impossible, il a réussi par un exploit incroyable, à « poser » son avion, limitant considérablement le nombre de victimes. Mais héros d’un jour ne rime pas avec héros de toujours et l’enquête inévitable qui commence, va poser son lot de questions et de problèmes…

Mine de rien, on s’en pas forcément compte car son nom est toujours présent sans arrêt d’une manière ou d’une autre, mais ça faisait près de quatre ans que Robert Zemeckis nous avait lâché au cinéma. Le papa de Retour vers le Futur n’avait plus rien signé depuis Le Drôle de Noël de Scrooge avec Jim Carrey en 2009 ! Le cinéaste remet donc le lecteur sur play et signe son retour au film live au passage, lui qui n’a plus réalisé un seul film en prises de vue réelles depuis Seul au Monde en 2000, soit il y a déjà douze ans !! C’était faute de bon scénario que Zemeckis avait préféré le cinéma live pour se consacrer aux possibilités énormes qu’offrait l’animation. Mais voilà, le script rédigé par le scénariste John Gatins (Real Steel) l’a touché et convaincu de faire son retour, accompagné d’acteurs solides à commencer par la tête d’affiche sur qui le film a probablement dû se monter (même s’il s’agit là d’un très moyen budget d’à peine 30 millions) Denzel Washington, qui délaisse (le temps d’une parenthèse ?) le cinoche d’action bourrin dans lequel il vivait sa cinquantaine de façon plutôt épanouie depuis quelques années. Avec lui pour mener ce drame narrant la déchéance d’un pilote de ligne pris dans l’enfer des tourments de l’alcoolisme sur fond d’histoire d’enquête après un crash aérien, la charmante britannique Kelly Reilly, le toujours propre Don Cheadle et John Goodman, le « blues brother » ne tenant ici qu’un second rôle.

Flight, dont l’histoire rappelle lointainement un fait divers canadien (un pilote porté aux nues après avoir réussi un atterrissage en catastrophe alors que son avion allait se crasher, voyait son passé d’ex-criminel refaire surface et son image de héros de la Nation, être égratignée) débute comme un film d’action avec son impressionnante (du moins, c’est le but recherché) séquence de crash. Ceux qui ne savent absolument pas de quoi il retourne, penserons qu’il s’agit là d’un nouvel actionner denzelien mais pas du tout. Comme l’avion du Capitaine Whip Whitaker, Flight opère alors un virage brutal et va dérouler quasi-entièrement son récit dans le drame, offrant à Washington un rôle de composition tout en profondeur à la limite du rôle à Oscar… Si le film a vaguement un petit thriller avec l’enquête qui démarre pour déterminer de quoi il en retourne à la suite de cet accident de vol qui a coûté la vie à finalement seulement 6 personnes grâce au courage de son pilote, Flight va se focaliser sur la thématique des souffrances de l’alcoolisme. Perte des gens autour de soi qui déserte à force de promesses non tenues, absence de maturité et inconscience des dangers autour de soi, difficulté de s’amarrer à quelqu’un d’autre car comment faire confiance à quelqu’un qui ne cesse de vivre dans le mensonge, tentation permanente, incapacité à résister, descente avant de sombrer… Voilà, Flight est un vrai drame sur l’alcoolisme. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le cinéma n’a pas tant traité que cela cette thématique compliquée et délicate. L’alcoolisme est souvent un sujet complémentaire, traité en fond, par un personnage secondaire par exemple, mais rarement le seul sujet central et principal d’un film. Rio Bravo, par exemple, exceptionnel film de Hawks consacrait une partie de ses thématiques à l’alcoolisme par le personnage campé par Dean Martin. Un Singe en Hiver aussi mettait l’alcoolisme en avant mais l’on en retient plus les joyeux dialogues, l’humour et les personnages hauts en couleur que la partie dramatique de l’histoire. Dans ces deux cas pris parmi tant d’autres, ce n’était pas le seul ressort dramatique des films. Pour cela, il faudrait plutôt revenir sur des films comme le classique intemporel Le Jour du Vin et des Roses de Blake Edwards avec Lee Remick et Jack Lemmon ou Leaving Las Vegas de Mike Figgis. Deux drames durs sur l’alcoolisme auquel Zemeckis tourna le dos, les trouvant globalement ratés… Sans commentaire.

Sans commentaire car que dire de Flight alors ! Si l’on met de côté un Denzel Washington qui une de plus porte un film sur ses épaules avec une solide prestation propre et sérieuse (lui qui n’a pas besoin de remonter bien loin pour se remémorer comment un joue un alcoolique puisque son personnage dans le Man on Fire de feu Tony Scott l’était déjà), force est d’admettre qu’il ne reste pas grand-chose à se mettre sous la dent dans un film qui se complait à résumer, à paraphraser, à survoler son sujet en l’étoffant avec tout plein de truc mais dont rien ne reste au final. Tout sonne faux chez Zemeckis, tout est à côté de la plaque, manqué. Aucune puissance émotionnelle, aucune rage, aucune douleur viscérale, Flight semble être une série B dramatique tournée avec un total détachement étonnant, sans aucune implication et véritable envie de poignarder le spectateur d’émotions brutes.

Pourtant, le scénario de Gatins arrive à cerner l’essentiel de ce qu’il était intéressant de parcourir. Outre le revers de la médaille de la célébrité (une thématique adjacente censée renforcée la principale sur l’alcoolisme par un jeu de symbolisme : la descente à pic de l’avion est synonyme de la descente à pic, direction l’enfer, d’un personnage qui ne peut plus tenir en l’air et faire illusion et qui est sur le point de s’écraser brutalement au sol à force de mensonges), Flight parle de l’incapacité à décrocher, à se contrôler, des promesses non tenues, des gens qui vous fuient, de ceux qui ont trop peur de la suite pour venir s’accrocher à vous et surtout de cette impression de toujours « maîtriser » alors qu’il s’agit là du plus gros mensonges d’entre tous. De scènes comme celles avec Kelly Reilly ou celle à l’hôtel avant d’attaquer la partie judiciaire, sont très intéressantes, parfaites dans l’idée… mais pas dans l’exécution. Zemeckis est peut-être rouillé du film live mais son Flight, malgré un Denzel qui se donne, manque d’émotions pénétrantes, manque de force épidermique. Rarement viscéral, rarement prenant, il est trop clinique, trop distancé pour réussir à venir titiller ne serait-ce que du bout de l’orteil les films tout à l’heure évoqués et que Zemeckis critiquait. Tournant souvent en rond en répétant ses scènes pour bien faire comprendre l’idée de cycle infernal dont on ne sort pas facilement, Flight finit par lasser, par nous faire décrocher sans jamais réussir à trouver un écho puissant façon Le Poison de Billy Wilder. Le film se regarde comme un vague drame lointain, proprement exécuté mais sans plus. Pourtant, le cinéaste a essayé de ne pas faire lisse. Nudité, sexe, drogue, alcool, le film défie la censure américaine prude et ne cherche pas à faire dans le tout public gentillet non plus, mais il fait dans un tel classicisme avec son fond très hollywoodien de quête de rédemption d’un homme meurtri…

Flight est donc une « Denzel Washington performance ». L’acteur fait la route en solo pendant que son cinéaste essaie de construire un film sur les fondations d’un tiraillement moral en évitant d’être trop moralisateur… avant d’y tomber les deux pieds dedans dans un final à l’américaine. Glops ! Le résultat est au final un film correct, parfois intéressant mais jamais un grand drame bouleversant. Quand Zemeckis confie avoir vu Le Jour du Vin et des Roses et Leaving Las Vegas seulement pour se rappeler ce qu’il ne fallait pas faire, il aurait mieux fait de perdre un œil. Car malheureusement Mr l’artiste, jamais votre film n’atteindra ne serait-ce qu’un dixième de l’aura du chef d’œuvre de Blake Edwards ou du film de Figgis.

Bande-annonce :

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