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DOMINO – LA GUERRE SILENCIEUSE de Brian De Palma : la critique du film [Blu-ray]

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La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Domino
Père : Brian de Palma
Date de naissance : 2018
Majorité : 12 octobre 2019
Type : Sortie Blu-ray/DVD
Nationalité : Danemark
Taille : 1h28 / Poids : NC
Genre : Thriller

Livret de famille : Nikolaj Coster-Waldau, Carice Van Houten, Guy Pierce…

Signes particuliers : Domino est un film (très) malade mais saluons les efforts de Metropolitan pour permettre à tous les fans de De Palma de pouvoir le découvrir en Blu-ray.

LE RETOUR DE BRIAN DE PALMA

NOTRE AVIS SUR DOMINO – LA GUERRE SILENCIEUSE

Synopsis : Alors que l’Europe est sous la menace de terroristes, deux officiers de police traquent un tueur responsable de la mort d’un de leurs partenaires à Copenhague. Ce qu’ils ignorent, c’est que celui qu’ils poursuivent travaille pour le compte de la CIA.    

Sept ans que Brian De Palma n’avait plus tourné un long-métrage de cinéma, ses fans étant obligés d’en rester sur le douloureux souvenir de Passion, tentative de résurrection ratée en 2012 après déjà une première période de creux. Alors que l’on avait perdu espoir de revoir un jour le légendaire paternel de Scarface, Pulsions ou L’Impasse, revoilà De Palma qui fait un retour inattendu… par une petite porte. Une très petite porte même, ouverte du côté de la Scandinavie. Depuis longtemps maintenant, Brian De Palma n’avait plus la « carte » à Hollywood. Rejeté par le système après le désastre de Mission to Mars, le cinéaste était contraint et forcé de devoir s’échiner à chercher des financements où il le pouvait pour essayer de monter ses projets. Comme Passion qui était majoritairement franco-allemand. Comme Le Dahlia Noir avant lui qui était une coproduction américano-européenne. Ou comme Redacted qui était en partie canadien. Dépité alors que ses projets tombaient à l’eau les uns après les autres (Happy Valley puis Retribution avec Al Pacino ou le thriller d’action chinois Lights Out), c’est finalement du côté du Danemark que le metteur en scène a rebondi avec Domino, La Guerre Silencieuse, thriller sur fond de terrorisme porté par un tandem estampillé Game of Thrones : Nikolaj-Coster-Waldau et Carice Van Houten. Enfin, « rebondi » est un bien grand mot. Alors que Paul Verhoeven a bien négocié sa transition en Europe, De Palma rêvait d’un sort identique alors qu’il bénéficie encore d’une belle côté sur le vieux continent comme beaucoup de ses confrères honnis, de Verhoeven à Paul Schrader en passant par John McTiernan. Mais la porte de secours se transformera au final en un chemin amer.

Sur Domino, De Palma n’aura connu que des galères et l’expérience danoise aura vite fait de tourner au cauchemar. Une production très hasardeuse, un plan de tournage au goutte-compte qui l’obligeait à rester cloitré dans sa chambre d’hôtel en attendant la reprise, un cruel manque de capitaux, des techniciens non payés, des effets spéciaux au rabais, deux stars au bout d’un moment plus vraiment impliquées, une liberté artistique réduite et un final cut qui lui a échappé. A l’arrivée, Domino donne lieu à un résultat étrange, à une sorte de catastrophe malade de laquelle submergent seulement quelques scènes rappelant qu’il y a un certain De Palma aux commandes. Un De Palma aux allures de capitaine abandonné cherchant à sauver son navire en plein naufrage. D’un bout à l’autre, la patte du metteur en scène se rappelle au spectateur à travers plusieurs scènes évocatrices de sa grande époque giallesque. Des scènes qui citent ouvertement Blow Out ou Body Double, des scènes qui rappellent son amour de la mise en scène baroque, de l’imbrication d’informations, du jeu avec les cadrages et les écrans, ou avec les lumières criardes alors que la musique de Pino Donaggio semble revenir d’un de ses anciens must des années 80. Dans ces moments, Domino essaie de prendre de la hauteur, d’être stylisé, d’être du pur De Palma adressé à ses fans comme à tous les amoureux de cinéma. Mais ces élans de génie intermittents sont sans cesse contrariés, finissant comme des parenthèses lumineuses au milieu des ténèbres.

Car autour, tout se disloque. Des comédiens catastrophiques qui récitent des dialogues souvent tout aussi lamentables (on peine à croire que c’est le scénariste de l’excellent Kon-Tiki qui officie à l’écriture), un script réduit à ses clichés, un amoncellement de séquences fonctionnelles mises en scène avec le soin d’un vulgaire téléfilm voire pire, des passages qui flirtent honteusement avec le grotesque et face auxquels il est difficile de ne pas rire, des incohérences lunaires, des raccourcis de narration qui trahissent un remontage ayant littéralement massacré le film. A bien des moments, Domino ne passe pas et ressemble à une purge indigne tentant de forcer le passage. De Palma est-il définitivement perdu pour la cause ? Non. Car Domino est aussi la preuve qu’il y a encore du cinéma chez lui même s’il récite les gammes de ses meilleures œuvres d’antan. Cette preuve jaillit dans des scènes de tension qui redonnent à chaque fois de l’espoir envers le film. Mais pour une scène brillante, deux à peine sauvables pour un pauvre DTV de bas étage. Clairement, Domino est un semi-De Palma. Son meilleur visage lui appartient tant il est presque signé et frappé du sceau virtuose made in De Palma (l’arrestation du début, l’attentat à Amsterdam, la scène des arènes). Mais le reste est l’héritage d’une production chaotique et de producteurs calamiteux qui ont défiguré ce qui aurait pu être un très bon thriller d’action politisé observant frontalement un sujet d’actualité (le terrorisme de Daech en Europe). Bilan, Domino est un film porté pâle, renié par de Palma, charcuté pour atteindre péniblement les 1h28, et distribué discrètement sur les plateformes VOD et en vidéo. Un destin qui n’est pas sans rappeler celui de La Sentinelle de Paul Schrader. Il en reste un sentiment d’immense gâchis traversé de bribes excitantes mais noyées dans un projet sous-produit et qui n’avait clairement pas les moyens pour matérialiser les ambitions de son auteur. Regrettable. Espérons maintenant qu’il ne signe pas la fin de De Palma.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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