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CREED III de Michael B. Jordan : la critique du film

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Nom : Creed III
Père : Michael B. Jordan
Date de naissance : 2022
Majorité : 1er mars 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h57 / Poids : 35 M$
Genre : Drame, Sport

Livret de Famille : Michael B. JordanTessa ThompsonJonathan Majors, Phylicia Rashad, Mila Davis-Kent, Wood Harris…

Signes particuliers : Un troisième opus magistral, à la hauteur des deux précédents. 

Synopsis : Idole de la boxe et entouré de sa famille, Adonis Creed n’a plus rien à prouver. Jusqu’au jour où son ami d’enfance, Damian, prodige de la boxe lui aussi, refait surface. A peine sorti de prison, Damian est prêt à tout pour monter sur le ring et reprendre ses droits. Adonis joue alors sa survie, face à un adversaire déterminé à l’anéantir.

 

TOUJOURS UN SANS-FAUTE 

NOTRE AVIS SUR CREED III

Et la franchise Creed vola de ses propres ailes. Jusqu’ici, la saga maintenait une attache de spin off avec son aînée Rocky. Pour la première fois, Stallone est absent. Totalement. Creed est Creed, juste Michael B. Jordan. La figure tutélaire Stallone n’est plus là, place à une nouvelle histoire émancipée (à ce titre, on n’explique franchement pas le sous-titre –la relève de Rocky Balboa– complètement anachronique du film). Troisième volet d’une néo-franchise qui a déjà placé la barre très haute avec ses deux premiers opus (excellent Creed, formidable Creed II), Creed III marque également un autre acte de naissance, celui de sa star en tant que metteur en scène. On se souvient que Stallone en son temps avait lui-même mis en scène Rocky (Rocky II, III, IV et Rocky Balboa). A son tour, Michael B. Jordan imite son « mentor » en prenant à son compte la réalisation de Creed III après Ryan Coogler et Steven Caple Jr. Et avec quel talent !

Comment est-ce possible ? Comment une saga peut-elle être meilleure d’opus en opus tout en ayant volé très haut dès le départ ? Aujourd’hui, on peut parler de trilogie Creed. Combien de trilogies peuvent se vanter d’être constituées de trois grands films ? Peu. Même Le Parrain, l’une des plus emblématiques de l’histoire, n’a pas cette chance (bien sûr, on pourrait citer Retour vers le futur, Indiana Jones, les Before de Richard Linklater, Star Wars, peut-être les Spider-Man de Sam Raimi et quelques autres). Bref, une chose est sûre, on imaginait mal comment Michael B. Jordan pouvait surpasser l’excellence de ses deux aînés, comment Creed III pouvait se hisser plus haut que Creed I et II. Et à défaut d’y parvenir, il les égale. C’est déjà énorme.

La grande question était de savoir comment réinventer une saga qui non seulement a conscience du danger de se répéter elle-même, mais qui, de surcroît, doit composer avec une autre saga préexistante qu’elle ne doit pas copier non plus ? C’était tout le défi que Creed III devait affronter et il n’était pas mince. Certes, on pourra toujours émettre deux-trois petites réserves sur le film (il aurait pu être plus fin par ici, un peu plus développé par-là) mais l’accomplissement est quand même total.
Michael B. Jordan reprend à son compte la structure bien connue des films de super-héros. Le principe par essence d’un super-vilain est généralement d’être un antagoniste aux intentions originelles compréhensibles mais que la frustration et la rancœur font vriller. C’est exactement ce qui a été imaginé pour Creed III. En lieu et place d’un antagoniste traditionnel se dressant sur la route du héros pour le faire tomber, ce troisième acte imagine un antagoniste qui n’en est pas un au départ et qui le devient au fur et à mesure. Un antagoniste dont les motivations sont compréhensibles, légitimes, émouvantes. Ce n’est pas un adversaire que va devoir affronter Adonis Creed cette fois, mais son propre passé, un ami, un frère, une part de lui-même. Si tant est que l’on puisse parler d’affrontement puisqu’il est avant tout question de régler un passé qui ne l’a jamais été. Sur le papier et dit comme ça, cela sent un peu l’argument marketing, la ficelle grossière pour injecter du mélodramatique dans ce nouvel épisode en quête de solutions pour sortir un peu du moule. Dans les faits, ce que construit Michael B. Jordan (et les scénaristes Keenan Coogler et Zach Bayli) est brillant, cohérent, et surtout fidèle à l’essence de la saga Creed. Depuis le premier volet et plus que la série Rocky n’a pu le faire en son temps, la saga Creed s’est toujours fait un point d’honneur à entremêler avec équilibre, le spectacle épique des combats de boxe rageurs avec un regard intimiste affirmé sur une odyssée personnelle. Creed III ne déroge pas à la règle en joignant à la perfection les deux tonalités, d’un côté un pur drame à la fois social et fraternel, de l’autre la tension et l’explosivité de combats de boxe impactants. Le résultat donne une tragédie déchirante dont les enjeux sont aussi passionnants que magistralement structurés autour d’un noyau humain, deux « frères » confrontés à leurs vies et leurs échecs mais séparés par leurs destins différents.
Ce subtil dosage requérait plusieurs choses, à commencer par un réel talent de conteur. La case est cochée. Creed III est un torrent d’émotions distribué tant par cette relation d’amitié bouleversante plongeant dans un chaos inéluctable, que par une touchante relation père-fille qui évolue en pointillés. Sylvester Stallone s’est montré très critique envers le chemin pris par Creed III. Comme il le dit, il est un sentimental et ça s’est toujours senti sur les Rocky. N’en déplaise à la légende mais la saga Creed a eu l’intelligence de chercher sa propre voie, et Creed III en est l’affirmation. Son essence profonde s’inscrit dans une noirceur plus réaliste, plus viscérale. Clairement, Creed III est plus sombre que tous les Rocky réunis. Il se dégage beaucoup de mélancolie et d’amertume de cette fin de trilogie qui explore avec adresse, un moment charnière de la carrière et vie d’Adonis Creed, quand l’usure le pousse inéluctablement vers la retraite. Comment se réinventer en tant qu’homme, en tant que père, en tant que mari ? Comment regarder le futur quand on n’a pas réglé le passé ? Comment pardonner et se pardonner ?

Mais il fallait aussi une grande mise en scène pour conjuguer tout ça et pour l’insérer dans un grand film de boxe puissant et charnel, l’argument numéro un rappelons-le. Depuis Fruitvale Station (ou The Wire), on connaissait tous l’immense talent d’acteur de Michael B. Jordan. Désormais, on découvre le cinéaste caché derrière le comédien. Pour une première expérience de réalisation, Michael B. Jordan surprend par l’extrême intelligence, par l’audace, par la vicvacité et la créativité de sa mise en scène à la fois tendre et touchante ou rugueuse et nerveuse, selon ce que réclame le récit. Visuellement sublime, Creed III enchaîne les moments de bravoure laissant sa voix. Entre parfaite justesse du regard dans les moments intimes ou de drame et vigueur iconique dans les scènes de combat très immersives (le combat final est un modèle de mise en scène, surtout dans les silences), Michael B. Jordan s’impose d’emblée comme un formidable réalisateur au talent jusqu’ici insoupçonné.

Creed III est un sacré film, digne de ce qui l’a précédé, à la hauteur de ses intentions et ambitions. Un film qui prend aux tripes et qui ne lâche jamais l’emprise qu’il a sur nos émotions de spectateur. Excellent devant sa propre caméra, Michael B. Jordan trouve du répondant en la personne de Jonathan Majors, formidable en homme désespéré qui veut sa revanche sur la vie, ôter ses brisures pour récupérer le destin qu’il aurait dû avoir. Poignant, intense et nuancé, Creed III est un film magistral capable d’être aussi psychologique que spectaculaire.

 

 

Par Nicolas Rieux

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