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BACURAU de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles : la critique du film

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La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Bacurau
Père : Kleber Mendonça Filho, Juliano Dornelles
Date de naissance : 2018
Majorité : 25 septembre 2019
Type : Sortie en salles
Nationalité : Brésil
Taille : 2h10 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller

Livret de famille :  Sônia Braga, Udo Kier, Barbara Colen…

Signes particuliers : Un geste cinématographique hors normes.

UNE PARABOLE POLITIQUE DU BRÉSIL ACTUEL

NOTRE AVIS SUR BACURAU

Synopsis : Dans un futur proche…  Le village de Bacurau dans le sertão brésilien fait le deuil de sa matriarche Carmelita qui s’est éteinte à 94 ans. Quelques jours plus tard, les habitants remarquent que Bacurau a disparu de la carte. 

Trois ans après avoir emballé la Croisette avec son formidable Aquarius, le brésilien Kleber Mendonça Filho s’est associé à son confrère Juliano Dornelles pour Bacurau, nouveau long-métrage réalisé à quatre mains et qui a connu lui aussi les honneurs de la grande compétition officielle à Cannes. On l’y voyait même primé, d’une Palme, d’un Grand Prix, peu importe mais de quelque chose en tout cas. Ce fut finalement le prix du Jury. Juste récompense pour un très grand film, passionné et passionnant, qui nous envoie dans le Brésil profond au cœur du petit village de Bacurau, où il se passe des choses ben étranges. 

Bacurau est un geste artistique un peu fou, une œuvre aussi magistrale qu’improbable, du genre qui ne ressemble à rien de connu, qui est libre, qui suit son chemin en faisant fi des conventions au risque de paraître confuse, boursouflée, anarchique. En réalité, elle affiche une audace et une maîtrise folle dans son univers erratique aux allures de pont tendu entre la curiosité absconse et la métaphore politique. Tout commence avec un camion branlant qui zigzague sur la chaussée avec une tenue de route inquiétante. Dès son premier plan, Bacurau métaphorise ce à quoi il va ressembler en tant qu’expérience de cinéma. Plus qu’un film, c’est à un voyage déstabilisant que nous invitent Filho et Dornelles, un voyage qui va balancer dans tous les sens et où le spectateur va lui-même être balloté dans quelque chose d’instable, de bancal, sans amortisseurs pour atténuer le choc des bosses. Confirmation quand le duo de cinéastes commence à dérouler la chronique de ce petit village perdu au fin fond du Brésil. Une histoire de barrage détourné privant d’eau les habitants, un politicard arriviste mal accueilli dans le coin, le village qui n’apparaît soudainement plus sur les cartes du pays, sa doyenne qui décède, un drone futuriste qui rôde, un groupe d’américains venus tuer les autochtones… On nage franchement en plein n’importe quoi, en traversant autant le drame que le western, le film futuriste ou le thriller d’action. Mais il s’agit d’une illusion trompeuse car en réalité, ce faux « n’importe quoi » fourre-tout est une fabuleuse démonstration de cinéma qui a eu un visage à sa conception, et qui en a un tout autre à sa sortie en salles. Car entretemps, il s’en est passé des choses.

Avec Bacurau, Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles métaphorisent l’état du Brésil actuel à travers une puissante parabole politique qui s’étend de l’effondrement sociétal du pays à l’ingérence américaine, en passant par les ravages écologiques causés par les décisions politiques ou le déni d’une partie du Brésil profond oublié par des dirigeants davantage préoccupés par l’image et l’argent que par l’humain. Dans ce gigantesque réservoir à idées, chacune, des plus frontales aux plus loufoques, est au service d’un propos nourrissant un film grisant de vitalité. Mais le plus étonnant, c’est encore l’ancrage du film à son époque. Au commencement, Bacurau indique que l’histoire se situe « dans quelques années ». Un film futuriste donc ? Plutôt une fable d’anticipation sociale, dira t-on. Mais c’est bien là toute l’ironie de la chose, qui décuple l’impact de l’œuvre. Pensé comme une dystopie sur un futur proche, Bacurau est devenu un pamphlet sur le présent. Car la réalité a très (trop) vite rattrapé la fiction avec l’arrivée de l’angoissant Bolsonaro au pouvoir. L’histoire récente a changé le film en autre chose, ses craintes face au spectre de l’instabilité et de la menace de la paix se sont soudainement transformées en une actualité effrayante qu’il faut combattre avec rage. Le temps de la prévention est derrière, il est désormais question d’un appel à la résistance en ressortant les armes du passé, physiquement et métaphoriquement puisque l’on y voit ces habitants attaqués ressortir les armes de l’ancienne révolution pour se défendre. Bacurau illustre et symbolise cet appel et devient alors un thriller intense, invitant à passer à l’action pour combattre ce qui se trame, pour affronter une menace devenue réelle et contemporaine.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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