A REAL PAIN de Jesse Eisenberg : la critique du film

Bien connu pour ses talents d’acteur, Jesse Eisenberg avait ajouté une nouvelle corde à son arc en 2022 avec When You Finish Saving the World, son premier long-métrage en tant que réalisateur. Trois ans après, Eisenberg récidive avec A Real Pain, une comédie dramatique indépendante dans l’esprit de celles qu’il a pu tourner au début de sa carrière (Adventureland, Les Berkman de séparent, Jewish Connection). Avec A Real Pain, film qu’il a écrit, qu’il réalise et qu’il incarne (et qui est produit par Emma Stone au passage), Jesse Eisenberg prend l’avion pour l’Europe, suivant le voyage de deux cousins américains qui décident d’aller visiter la Pologne natale de leur grand-mère récemment décédée. Désireux d’en apprendre plus sur leurs racines, ils atterrissent au milieu d’un groupe de touristes éclectique conduit par un guide. Rapidement, on comprend que le titre du film est à double-sens. A Real Pain raconte une vraie peine dans le sillage d’un deuil, et reprend un sens figuré l’expression anglaise « a real pain in the ass » que l’on pourrait traduire par un vrai fléau. Mais qui est le fléau entre ces deux cousins ? Pas forcément celui que l’on croit.

Nommé aux Oscars pour son scénario et la performance (formidable) de Kieran Culkin en second rôle, A Real Pain est un film séduisant qui parvient à se maintenir sur une ligne de crête entre la comédie douce-amère et le drame plus grave et émouvant. Si beaucoup (trop) de films tentent aujourd’hui cet équilibre de la tragicomédie, peu parviennent à atteindre cette belle justesse du dosage. Jesse Eisenberg signe un film bien tenu par la finesse de son scénario à la fois tendre, ludique et touchant, mais surtout profond et sincère. Le comédien-cinéaste développe un duo de buddy movie avec ses deux cousins que tout oppose (l’un clown extraverti empli d’une douce folie, l’autre hyper sérieux et coincé par ses principes étriqués), lequel apporte le côté humoristique avec dialogues saillants et situations cocasses grâce à l’évident décalage généré par ces deux personnalités antinomiques. A ce duo amusant, Eisenberg lui associe un visage dramatique qui s’incarne par exemple dans leur voyage introspectif, dans la thématique du mal-être et de la dépression ou dans une visite poignante du camp de concentration de Majdanek et du quartier juif polonais de Lublin. Au centre de tout cela, Jesse Eisenberg réfléchit de manière existentielle sur les liens que l’on entretient avec notre passé, nos racines. A Real Pain est une exploration mémorielle qui, pour être totalement à la hauteur de ses belles promesses et qualités entrevues, aurait juste eu besoin d’un peu plus de puissance, de force de cinéma et de chair pour donner davantage de corps à ses jolies idées.