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LENNY de Bob Fosse : la critique du film

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lenny_Blu-ray_collector_2note 3.5 -5
Nom : Lenny
Père : Bob Fosse
Date de naissance : 1974
Majorité : 30 mars 2016
Type : Sortie Blu-ray/DVD
(Editeur : Wild Side)
Nationalité : USA
Taille : 1h52 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Dustin Hoffman, Valerie Perrine, Jan Miner…

Signes particuliers : Un classique du cinéma américain des années 70, à redécouvrir entièrement remastérisé.

LA DÉCHÉANCE DE LENNY BRUCE

LA CRITIQUE

Résumé : Après la mort du comique américain le plus célèbre et le plus controversé des années 60, un intervieweur recueille les témoignages de ses proches et tente de retracer sa vie… En écumant les cabarets, Lenny Bruce rencontre Honey, une stripteaseuse qui devient sa compagne. Ensemble, ils créent un duo qui flirte avec le politiquement incorrect, et Lenny devient un provocateur admiré pour ses saillies cinglantes contre la société américaine bien-pensante…LennyL’INTRO :

Quand Bob Fosse s’attaqua à Lenny, portrait de l’un des plus célèbres comiques américains des années 60, entré dans la légende pour son esprit contestataire et son humour controversé jugé obscène, le cinéaste venait tout juste de connaître la gloire avec le chef-d’œuvre aux huit Oscars que fut Cabaret. Il venait tout juste aussi, de connaître la dépression et un séjour en hôpital psychiatrique. Voyant dans l’histoire chaotique de Lenny Bruce, une résonance forte d’avec la sienne, Bob Fosse se démènera pour donner vie à un projet qui lui tenait à cœur, en plus de lui laisser miroiter l’opportunité de s’éloigner du monde de la comédie musicale, dans lequel il aura longtemps officié en tant que chorégraphe. De sa verve sur scène qui scandalisera l’Amérique d’une époque par son acidité et sa virulence, à ses nombreuses arrestations par la police ou le FBI, en passant par sa vie de débauche entre sexe, drogue et alcool, Lenny Bruce aura incarné la parole de toute une nouvelle génération progressiste face à celle de leurs aînés, encore coincée dans un traditionalisme moralisateur et pudibond. C’est à un Dustin Hoffman alors au sommet de sa gloire (et déjà difficile à gérer) que Bob Fosse proposera de prêter ses traits à son Lenny Bruce, dans un biopic qu’il décidera de tourner en noir et blanc, sur les bases d’un scénario à la construction éclatée jonglant entre allers et retours temporels.lenny_2L’AVIS :

Fortement influencé d’un côté par le Citizen Kane d’Orson Welles et de l’autre, par la nouvelle vague française adepte de la déconstruction narrative et du cinéma-vérité, Lenny est de ces monuments cinématographiques à prendre avec des pincettes, affichant les qualités évidentes d’un chef-d’œuvre mais aussi les limites d’un film que l’on n’oserait presque pas qualifier d’un brin surestimé tant ses bonnes inspirations semblent avoir pris le pas sur des défauts désormais totalement occultés et que l’on se sentirait coupable de pointer du doigt. Dressant le portrait d’un artiste corrosif qui aura inspiré des générations entières d’humoristes (en France, Coluche et Guy Bedos par exemple), Lenny s’appuie tout d’abord sur des performances époustouflantes, celles d’un Dustin Hoffman habité et d’une fabuleuse Valerie Perrine, lauréate méritante du prix d’interprétation à Cannes en 1975. Un simple film d’acteur en démonstration ? Non. Car la deuxième force du biopic iconoclaste de Bob Fosse, est à aller chercher du côté de sa brillante construction, tant dans son écriture que dans son montage, voyant sa dialectique se mettre en place progressivement avec une intelligence dès plus remarquable.lenny_3Lenny Bruce était un avant-gardiste à l’humour féroce, et cet état de fait étonnera le spectateur d’aujourd’hui à la découverte de l’entame du film où l’artiste paraît laborieux, curieusement pas drôle, s’époumonant devant une assistance aussi circonspecte que nous. On en viendrait presque à rapidement s’interroger sur ce phénomène. Passerait-on complètement à côté d’un talent souvent vanté ? Et c’est au moment où l’on serait presque être en passe de décrocher, que se met en place le brio de sa mécanique à rebours entrecoupant le récit d’entretiens ultérieurs avec ses proches. C’est alors surtout, que l’on commence à comprendre la trajectoire de l’artiste. Et plus le film de Bob Fosse avance, plus son Lenny devient désopilant par sa verve aiguisée foudroyant l’establishment et les codes de la société bien-pensante. Filmé à travers ce noir et blanc sublime, selon une esthétique rognant le classicisme pour mieux se diriger vers une démarche empruntant au documentaire, Lenny se met lentement mais sûrement à fasciner, d’autant que la force de son personnage trouve du répondant dans la complexité du regard proposé par Fosse, refusant l’embellissement « hommageux » pour privilégier une peinture radicalement nuancée. Lenny Bruce y est montré comme un génie, comme une icône, mais aussi intimement, comme un homme capable de cruauté, à la fois dur et sombre, alors que défilent prostituées et rails de cocaïne sur fond de problèmes conjugaux.lenny_dustin_hoffmanPlus Lenny progresse, et plus ce tableau sans concession étonne par l’audace avec laquelle il dynamitait les codes du biopic tel qu’il se faisait à l’époque. Brillant… mais dans une certaine mesure. Car en refermant son portrait, Bob Fosse laisse le spectateur songeur, face à ses interrogations. Finalement, l’audace de sa démarche cherchant plus à cerner la personnalité d’un homme qu’à en dérouler cliniquement la vie, trouve ironiquement ses limites dans le refus préalablement loué de l’hagiographie. En choisissant de concentrer son film sur un angle trop spécifique (sa lutte contre la police cherchant à brider la liberté de son action satirique), Lenny finit par devenir un portrait incomplet, quand il ne tombe pas dans le mensonger en inventant purement et simplement certaines scènes fictives. Mais c’est surtout l’absence de vision globale du personnage qui entraîne une certaine difficulté à comprendre sa trajectoire. Souvent flou, parfois même confus dans sa progression, Lenny nous laisse avec des questions dont les réponses se trouvent dans les quantités de zones non-évoquées par le film et expliquant pourtant bien des aspects de son personnage, mais aussi ses moteurs ou sa déchéance.Lenny_hoffmanOutre des références humoristiques un peu datées et qui pourront en décontenancer certains (mais pour le coup, difficile de rendre le film responsable de son ancrage dans une époque), c’est davantage la non-généralité du portrait dressé qui gêne, Bob Fosse accouchant d’une œuvre capable de génie sur la forme, mais frustrante sur le fond. Un classique, oui. Surestimé ? Peut-être aussi, alors que ses redondances et sa structure éclatée finissent par se retourner contre ses intentions.lenny_Blu-ray_collector

LE BLU-RAY COLLECTOR

Le célèbre Lenny de Bob Fosse a enfin droit à une édition digne de ce nom. Concocté à partir d’un master restauré, la galette HD permet de redécouvrir ce classique des années 70 dans des conditions optimales, notamment de profiter de son somptueux noir et blanc, magnifiquement éclairé par Bruce Surtees. A ce propos, le chef-opérateur de renom Darius Khondji revient d’ailleurs sur le magnifique travail effectué sur la lumière jouant avec brio avec le N&B voulu par Fosse, au détour d’un entretien inédit proposé en supplément (Bruce Surtees : Prince of Darkness – 26 minutes). Et puisque l’on en est à évoquer les suppléments, le morceau de choix de cette nouvelle édition, c’est le fort beau livre qui l’accompagne. Copieusement illustré en images et en archives rares, Seul sur Scène est un ouvrage inédit de 188 pages signé du journaliste du Monde Samuel Blumenfeld (derrière l’excellent livre d’entretiens coréalisé vec Laurent Vachaud sur Brian De Palma et dont on vous avait parlé récemment pour la sortie du coffret Body Double). De la genèse du projet au scénario de Julien Barry, de la venue et l’implication de Dustin Hoffman aux choix forts de Bob Fosse, en passant par qui était Lenny Bruce, les tensions entre les deux perfectionnistes qu’étaient Hoffman et Fosse et celles avec Valerie Perrine que le cinéaste « martyrisait » ou encore les difficultés budgétaires dues aux nombreuses particularités du projet, Seul sur Scène dit absolument tout ce qui peut-être dit sur Lenny, sans détour ni langue de bois (contrairement aux nombreux interviews faits depuis des deux comédiens), et s’impose comme le livre-référence sur cette œuvre de légende. Un livre passionnant.

EXTRAIT VOST :

Par Nicolas Rieux

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