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KINGS de Deniz Gamze Ergüven : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : Kings
Mère : Deniz Gamze Ergüven
Date de naissance : 2017
Majorité : 11 avril 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : France, USA
Taille : 1h32 / Poids : NC
Genre
: Drame

Livret de famille : Halle Berry, Daniel Craig, Kaalan Walker, Lamar Johnson, Rachel Hilson…

Signes particuliers : Après le fabuleux Mustang, Deniz Gamze Ergüven rate la marche du film d’après.

LA DÉCEPTION ERGÜVEN

LA CRITIQUE DE KINGS

Résumé : 1992, dans un quartier populaire de Los Angeles. Millie s’occupe de sa famille et d’enfants qu’elle accueille en attendant leur adoption. Avec amour, elle s’efforce de leur apporter des valeurs et un minimum de confort dans un quotidien parfois difficile. A la télévision, le procès Rodney King bat son plein. Lorsque les émeutes éclatent, Millie va tout faire pour protéger les siens et le fragile équilibre de sa famille. 

Le plus dur quand on a signé un bijou d’entrée de carrière, c’est d’enchaîner. Et là, une poignée réussissent quand beaucoup d’autres échouent à répéter le coup d’éclat sur le film d’après. Acclamée et consacrée au lendemain de son formidable Mustang, la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven était confrontée à ce périlleux carrefour. Avec Kings, la jeune cinéaste réunit un casting anglo-saxon (Halle Berry et Daniel Craig) et prend la direction des Etats-Unis pour évoquer la nuit d’émeute qui a embrasé Los Angeles au lendemain de l’acquittement des quatre policiers ayant lâchement tabassé Rodney King dans la foulée du meurtre de sang-froid d’une jeune lycéenne par une épicière pour une sombre histoire de jus d’orange. Projet qui date de plus de dix ans et qu’elle avait amorcé bien avant Mustang et sa vague de récompenses, Kings réunit Halle Berry et Daniel Craig pour un film à la résonance politique brûlante d’actualité.

Comment est-il possible d’afficher aussi peu de maîtrise sur un film quand c’est justement cette même qualité qui avait tant sublimé Mustang il y a trois ans ? C’est toute l’interrogation qui se pose devant le nouveau film de Deniz Gamze Ergüven, drame brillant mais raté ou film raté émaillé de moments brillants. Dichotomique, Kings a deux visages, l’un flatteur, l’autre fossoyeur. Si la presse américaine s’est montrée très dure là où son homologue française semble partie pour être plus clémente, Kings est une œuvre dans laquelle cohabite deux gestes cinématographiques ou plus. Comme si le film était le fruit de plusieurs cinéastes passés dessus sans qu’aucun n’ait la même vision que les autres. Le résultat est étrange, brouillon, lardé de choses qui ne fonctionnent pas mais dans le même temps, traversé de coups d’éclat et d’intensité.

D’un côté, il y a ce drame viscéral vécu en apnée dans un souci de totale immersion pour décupler l’implication émotionnelle du spectateur. Recentré sur une période très courte et précise, avec une large partie du film densifiée sur une nuit, Kings fait le choix de prendre le personnel pour illustrer le général. Plus précisément, Deniz Gamze Ergüven s’attache à un personnage central, Millie (Halle Berry), qui s’occupe de sa famille et d’enfants qu’elle accueille en attendant leur adoption. Autour d’elle, lesdits enfants dont un adolescent qui tente de garder le cap du droit chemin dans un quartier aussi populaire que violent, et un voisin irascible, Ollie (Daniel Craig), avec lequel elle entretient des rapports conflictuels qui vont évoluer au milieu du chaos de cette nuit enflammée. Plutôt que de chercher à reconstituer « l’affaire » de manière clinique en suivant une page Wikipédia, Ergüven a préféré opter pour une approche plus de l’ordre du ressenti, essayant d’orchestrer son film autour de l’atmosphère particulière qui régnait dans les quartiers populaires de ce Los Angeles sous tension alors que les scandaleux faits divers raciaux menaient la Citée des Anges vers une inéluctable explosion. Kings tente donc de capter cette ambiance tendue, cette révolte sourde prête à se déclencher, cette colère grandissante face à l’injustice. Et sur ce point, Ergüven réussit son coup. Kings parvient à nous immerger dans le chaos qu’il dépeint, n’hésitant pas à aller flirter avec l’hystérie bruyante et visuelle pour mieux saisir à vif ce contexte où tout est allé très vite et où la tempête a balayé le calme qui l’avait précédé. Un peu à la manière du Detroit de Kathryn Bigelow, Kings fonctionne par sa propension à nous submerger jusqu’à la perte de repères et par l’intelligence de son propos articulant le passé au présent, sans toutefois jouer la carte de la leçon de morale.

Malheureusement, il y a le revers de la médaille, cette énorme accumulation de mauvais choix qui déstabilisent toute l’entreprise de la cinéaste. Kings est un film constamment déséquilibré, un film qui tente des mariages improbables peu adroits, un film qui ose des tas de choses qui ne fonctionnent pas. Elles sont diverses et multiples. Comme cette agaçante manie de prendre le spectateur pour plus bête qu’il n’est en lui signifiant lourdement tout ce qu’il doit comprendre. Superposer des images aériennes de Los Angeles et de lave qui s’écoule pour mieux faire comprendre que la ville est un brasier prêt à entrer en éruption… Sérieusement ? Ce petit péché pas mignon du tout qui trahit en plus la présence d’une cinéaste incapable de se faire discrète derrière son sujet comme si elle avait besoin de se montrer, Ergüven va le reproduire encore et encore, formellement comme avec le recours à une musique bien appuyée, et ce jusqu’à l’excès. Vient ensuite la narration. Et la encore, le drame. En premier, la romance que la metteur en scène a eu besoin de glisser au milieu de son film. Un ressort narratif à la lisière du grotesque risible, très mal amené au détour d’une séquence de rêverie d’une bêtise consternante, puis très mal développé ensuite sans la moindre crédibilité pour l’asseoir. En même temps, difficile d’espérer plus d’un scénario pensé sur une maigre heure et demi. Suit le coup de grâce avec les quelques éléments comiques qui s’invitent ça et là dans le récit. Pourquoi ? Pour permettre au spectateur de respirer dans le climat suffocant de Kings ? Pourquoi pas dans l’absolu, l’idée était audacieuse mais encore eut-il fallu les gérer avec finesse et adresse. Et là encore, ça ne fonctionne pas. Plus gênant qu’inspiré, ces passages achèvent un film sans cesse balancé entre le brio et le ridicule. On passera sur des détails tels que la photo légèrement laiteuse du début, esthétique qui collait bien à Mustang mais qu’il était inutile de reproduire ici, sur certaines improbabilités aberrantes, ou sur la confusion d’un script qui peine à gérer sa fragmentation alors qu’il suit plusieurs pistes parallèles, comme il peine à bien élaborer ses différents protagoniste pour tous les faire exister. Kings, ou le syndrome d’un film schizophrénique, pertinent dans le fond mais mal écrit sur la forme, intéressant visuellement mais bourré de fautes artistiques.

BANDE-ANNONCE :


Par Nicolas Rieux

2 thoughts on “KINGS de Deniz Gamze Ergüven : la critique du film

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  2. Entièrement d’accord avec cette critique.
    Je trouve la presse française, dans son ensemble, bien tolérante avec ce film.
    Comment Erguven à pu s’égarer à ce point après son magnifique 1er film.
    Que viennent faire cette scène grotesque de rêve érotique et cette idée de comédie romantique dans cette histoire?

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