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ROUBAIX, UNE LUMIÈRE d’Arnaud Desplechin : la critique du film [Cannes 2019]

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La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Roubaix, Une Lumière
Père : Arnaud Desplechin
Date de naissance : 2018
Majorité : 21 août 2019
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h39 / Poids : NC
Genre : Polar, Policier, Drame

Livret de famille : Roschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier, Antoine Reinartz…

Signes particuliers : Desplechin change de registre et séduit encore.

DESPLECHIN ABANDONNE LE ROMANTISME

NOTRE AVIS SUR ROUBAIX, UNE LUMIÈRE

Synopsis : À Roubaix, un soir de Noël, Daoud le chef de la police locale et Louis, fraîchement diplômé, font face au meurtre d’une vieille femme. Les voisines de la victime, deux jeunes femmes, Claude et Marie, sont arrêtées. Elles sont toxicomanes, alcooliques, amantes… 

Présenté en compétition officielle au dernier festival de Cannes, Roubaix, Une Lumière témoigne de l’incursion audacieuse et inattendue d’Arnaud Desplechin dans un registre qui lui est totalement étranger. Par essence, le cinéma de Desplechin a toujours été tourné vers une sorte de romantisme cinématographique élégant et littéraire. Cette fois-ci, le cinéaste a voulu se confronter au réel via le cinéma de genre. De son aveu eu égard à cette nouvelle œuvre, Desplechin a voulu évacuer tout imaginaire, toute fantaisie, tout romanesque. Dans un cadre à la véracité terrible (la très pauvre Roubaix dans le Nord) et à partir d’un matériel brut qu’il a approché comme tel (le fait divers authentique de deux jeunes toxicomanes qui ont assassiné une voisine âgée en 2002), Desplechin relate l’enquête d’un groupe de policiers pour élucider le mystère de ce meurtre tout en menant d’autres affaires de front dans une commune sinistrée à la rudesse anxiogène. Pour personnifier cette immersion au regard sombre, Roschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier et Antoine 120 Battements Reinartz.

A contre-emploi, Desplechin fait encore des merveilles. Roubaix, Une Lumière erre entre le drame et le film policier, entre l’étude psychologique et le polar à l’atmosphère lourde. Par le prisme de cette enquête, le cinéaste traque une vérité qui n’est pas juste celle d’un suspens conjugué au whodunit. Ce que traque vraiment Desplechin, c’est l’âme humaine et ses pires tourments. Au gré des images, au gré de la progression de l’histoire, le cinéaste offre une multitude de portraits. Un portrait sociétal sur des exclus fracassés, un portrait de la condition féminine, un portrait de la culpabilité, un portrait du chaos qui se cache derrière un simple fait divers à la triste banalité, un portrait du lien entre victimes et coupables. Avec cette question suprême, qu’est-ce qui est humain et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Et le cinéaste de montrer qu’il y a de l’humain partout à travers le regard de ce commissaire qui « voit tout » dans sa ville de toujours, et qui voit surtout de l’humain dans la souffrance comme dans le crime.

Baignant dans un mélange de lumière et de sordide dont la rencontre créé une zone à la texture trouble et délétère, Roubaix, Une Lumière se glisse dans des interstices de vie, dénudant l’horreur pour aller y chercher sa réalité la plus brute qui soit. Intelligemment, le cinéaste ne dissocie jamais un cadre, un contexte, une condition, un passé, un présent et des gens. Desplechin veut faire de la fiction un miroir du réel et son film s’abandonne dans les rues de Roubaix, se raccrochant autant aux codes du cinéma policier qu’à ceux du documentaire filmant un microcosme dévasté. S’en dégage comme une sorte d’étrange austérité poétique, d’envoûtante pesanteur ankylosée, de mélancolie à fleur de peau. On pense autant à Hitchcock qu’à Ken Loach ou Lucas Belvaux, à Simenon comme à Dostoïevski. Et au final, Desplechin réussit à créer du sublime sur des fondations horrifiantes, à créer du poignant au cœur même du terrifiant, par sa propension à ne jamais oublier l’humain et sa psychologie dans une enquête qui ne délivrera jamais toute sa vérité factuelle (ou du moins la laisse suspendue à un doute très fort) mais qui en revanche, va tutoyer une autre vérité plus importante, celle en lien avec la noirceur d’une cité en déclin confrontée à une misère désespérée. Roubaix, Une Lumière est formidablement interprété, magistralement filmé et subtilement élevé, même si certains pourront lui trouver une certaine confusion, résultat d’un récit stratifié qui s’effiloche comme une viande de caractère préparée avec soin.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

One thought on “ROUBAIX, UNE LUMIÈRE d’Arnaud Desplechin : la critique du film [Cannes 2019]

  1. un film qui doit rester dans les annales du cinema un film qui unit l’intelligence de l’humain ses incertitudes ,sa poesie
    anne revel-Bertrand

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