GUEULES NOIRES de Mathieu Turi : la critique du film

La passe de trois pour le talentueux Mathieu Turi. Révélé avec Hostile en 2018, Mathieu Turi s’est immédiatement imposé comme l’une des grandes promesses du cinéma de genre français. Sa série B horrifique à base de créatures infectées attaquant un reste d’humanité en mode survie compensait ses faibles moyens par une exécution redoutable d’efficacité et de maîtrise des codes de l’épouvante. 2021, Mathieu Turi enchaînait avec Méandre, un survival en demi-teinte lorgnant du côté de Saw. 2023, Turi et l’horreur : acte III. Gueules Noires est son film le plus ambitieux à ce jour, même s’il obéit aux mêmes lois que les précédents. Une structure assez minimaliste, des moyens limités, un décor quasi unique et une narration assez codifiée. Sauf que bien d’autres avant Turi ont prouvé qu’on pouvait faire des choses très sympas avec du réchauffé. C’est une énième démonstration qu’en fait le cinéaste avec son histoire d’un groupe de personnages coincé dans un espace clos et à la merci d’une créature qui veut les dézinguer les uns après les autres.

Remplacer les mines du Nord de Gueules Noires par les tombeaux du désert égyptien et vous avez le bien-nommé Pyramide du duo Levasseur/Aja. Une référence pas très glorieuse pour le film de Mathieu Turi, mais que le cinéaste balaie en deux secondes tant il réussit justement tout ce que Levasseur (et Aja) avait raté. D’abord, incarner un univers fort. En l’occurrence celui de ces corons du Nord dans les années 50 au quotidien sans commune mesure dans la dureté éprouvante et l’angoisse dans un monde souterrain où la vie tient à rien. Mathieu Turi dresse un portrait, certes simple, mais tres évocateur et bien documenté de la vie de ces hommes suspendue au fil du danger permanent. Sur ces bases plus solides que les couloirs miniers empruntés par ces gueules charbonnées et prêtant idéalement leur cadre claustrophobe à la résurgence des peurs primaires, Mathieu Turi prépare son affaire à la The Descent. Et si le résultat est loin du bijou terrifiant de Neil Marshall, la proposition est tout de même sacrément sympathique, boostée par un mélange de simplicité, de savoir-faire et d’amour du genre. A l’heure où le cinéma d’épouvante est trop souvent plombé par des péloches maigres et sans saveur, plus proches du pauvre thriller à l’horreur lissée, Gueules Noires fait du bien parce que son auteur enfourche les codes d’une épouvante old school alliant ambiance angoissante et effets gore à l’ancienne. Turi fonce sans réfléchir (et surtout sans le moindre cynisme – chose appréciable) vers ce que l’on attend d’une bonne série B horrifique à savoir un univers qui marche, une terreur qui captive et des effets qui surprennent. De quoi largement passer outre les défauts du film, sa très simple et lisible linéarité d’une part et le très mauvais jeu d’ensemble des comédiens, jeunes comme confirmés.