Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Aquarius
Père : Kleber Mendonça Filho
Date de naissance : 2016
Majorité : 28 septembre 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : Brésil
Taille : 2h20 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Sonia Braga, Humberto Carrão, Irandhir Santos…
Signes particuliers : Derrière les grands noms présents à Cannes, un film d’auteur brésilien qui livre une fresque superbe et puissante.
UN BRÉSIL DANS LA TOURMENTE
LA CRITIQUE
Résumé : Clara, la soixantaine, ancienne critique musicale, est née dans un milieu bourgeois de Recife, au Brésil. Elle vit dans un immeuble singulier, l’Aquarius construit dans les années 40, sur la très huppée Avenida Boa Viagem qui longe l’océan. Un important promoteur a racheté tous les appartements mais elle, se refuse à vendre le sien. Elle va rentrer en guerre froide avec la société immobilière qui la harcèle. Très perturbée par cette tension, elle repense à sa vie, son passé, ceux qu’elle aime.L’INTRO :
Ce n’est pas le film le plus médiatique de la sélection officielle cannoise 2016 mais alors que les « grands noms » tombent sous le feux des critiques (on pense à Dolan, Jarmusch, les Dardenne, Sean Penn, Refn et d’autres), le brésilien Aquarius a su tirer son épingle du jeu et séduire. Second long-métrage du cinéaste Kleber Mendonça Filho, remarqué en 2012 avec Les Bruits de Recife, Aquarius dresse le magnifique portrait d’une sexagénaire fabuleusement interprétée par une immense Sônia Braga qui aurait bien mérité un prix d’interprétation. Un portrait attachant, et l’occasion de dresser un état des lieux du Brésil actuel. A noter que Aquarius s’est offert au public cannois, alors même que le Brésil connaît de vives secousses avec un coup d’Etat institutionnel annoncé et le très probable renversement de la Présidente Dilma Rousseff. Une crise politique qui s’est invitée jusque sur le tapis rouge et dans la salle du palais, où manifestants et équipe du film ont attiré l’attention sur « une situation très grave ». Mais revenons au cinéma et revenons à ce très beau Aquarius…L’AVIS :
Il ne faudra pas attendre longtemps pour tomber sous le charme électrisant du film de Kleber Mendonça Filho. Seulement quelques minutes et cette séquence bien balancée au son du One Bites the Dust de Queen. Des jeunes sur la plage fument un pétard et écoutent ce tube alors « tout nouveau ». On est en pleine nostalgie, on est en pleine insouciance, on est en pleine légèreté et l’on se délecte de ce doux parfum de liberté. Et puis le rideau se ferme pour se rouvrir 30 ans plus tard. Ancienne critique musicale, Clara a survécu à un cancer du sein, perdu son mari, et elle s’accroche aujourd’hui à ses enfants et à son appartement menacé par un vaste projet immobilier destiné à transformer son immeuble en complexe pour riches. Tout est dit. Les temps ont changé. Clara a combattu l’enfer dans sa vie personnelle mais Clara est une battante, et non sans orgueil et force résistante, elle n’est pas décidée à perdre face à cette nouvelle épreuve qui relève de l’ordre d’une mutation sociétale profonde.Construit en trois chapitres, Aquarius est un portrait de femme à la vie bien remplie, qui réussit à s’élever, qui réussit à conjuguer avec brio, le récit intimiste traité sur le ton de la chronique, et l’état des lieux d’un Brésil transformé. Et cette recherche permanente de l’ouverture sur plus grand, Kleber Mendonça Filho la maîtrise avec une adresse folle. Au détour de séquences personnelles, le metteur en scène parvient sans cesse à donner de la hauteur à son histoire, à l’histoire de sa Clara, qui incarnerait presque à elle-seule, l’histoire du Brésil de ces dernières décennies. Icône nationale d’hier et d’aujourd’hui, Sônia Braga brille de mille feux au milieu de cet effort impressionniste à la fois humble et ambitieux, solaire et crépusculaire, bienveillant et mélancolique. Plein de fougue et de panache, le cinéaste et sa comédienne signent main dans la main, une œuvre subtilement vertigineuse, vivante, vibrante, sensuelle et passionnelle, à laquelle on ne pourra reprocher que quelques infimes longueurs au cours de ses imposantes 2h20 et deux-trois maladresses de mise en scène. Mais le charme et l’envie reprennent vite le dessus, rejoints par une B.O. revigorante.
EXTRAIT :
Par Nicolas Rieux