Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : La Danseuse
Mère : Stéphanie di Giusto
Date de naissance : 2015
Majorité : 28 septembre 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h00 / Poids : NC
Genre : Drame, Biopic
Livret de famille : Soko, Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry, Lili-Rose Depp, Louis-Do de Lencquesaing, François Damiens, Amanda Plummer…
Signes particuliers : La beauté intermittente de La Danseuse n’émerge que dans la reconstitution des danses de Loïe Fuller.
UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ AVEC LA BEAUTÉ
LA CRITIQUE
Résumé : Rien ne destine Loïe Fuller, originaire du grand ouest américain, à devenir une icône de la Belle Epoque et encore moins à danser à l’Opéra de Paris. Même si elle doit se briser le dos et se brûler les yeux avec ses éclairages, elle ne cessera de perfectionner sa danse. Mais sa rencontre avec Isadora Duncan, jeune prodige avide de gloire, va précipiter sa chute.L’INTRO :
Des plaines du grand Ouest américain aux planches de l’Opéra de Paris, le destin de Loïe Fuller est extraordinaire, à la mesure de ce que cette immense artiste oubliée aura pu apporter au monde de la danse. Pour son premier long-métrage, présenté dans la section « Un Certain Regard » au festival de Cannes, la française Stéphanie di Giusto rend un hommage vibrant à cette pionnière de la danse moderne, entrée dans la légende pour ses prestations fabuleuses, enroulée dans de grands voiles qu’elle faisait virevolter dans des performances scéniques révolutionnaires alliant jeux de mouvements, de lumières et de musiques. C’est à la chanteuse Soko qu’aura été confié le soin d’incarner Loïe Fuller à l’écran, accompagnée d’une belle distribution composée de Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry, Lili-Rose Depp, Louis-Do de Lencquesaing, François Damiens ou Amanda Plummer.L’AVIS :
La Danseuse, ou l’histoire d’un beau biopic aux allures de rendez-vous manqué. C’est ainsi que l’on pourrait résumer le premier long-métrage de Stéphanie di Giusto, tiraillé entre son inertie narrative due à sa terrible faiblesse d’écriture, et la magnificence qu’il est capable d’afficher quand, enfin, il illustre ce que l’on attend tous : les danses subjuguantes de Loïe Fuller, sorte de sommet artistique touchant du doigt une sorte d’idéal paroxystique de la beauté. Avec La Danseuse, on tangue beaucoup, balloté entre consternation et envoutement, entre frustration et emphase. On décolle au détour de ces performances sublimes, on s’écrase au sol le reste du temps devant un récit platement retranscrit. On s’enflamme passionnément devant ces mouvements artistiques fascinants, on n’éprouve aucune émotion dès lors que le film quitte le cadre de la scène. Stéphanie di Giusto signe un portrait ludique de son personnage, trop peut-être pour convaincre vraiment. Car derrière ce qu’il a de meilleur, La Danseuse n’est que petitesse et résumé lapidaire. La passionnante trajectoire de son héroïne (formidable Soko) n’est que très rarement fouillée, sa psychologie troublante est expédiée comme une vulgaire tâche ménagère, les personnages secondaires qui gravitent autour d’elle n’ont aucune consistance et se résument à leur fonctionnalité dans le récit et ainsi de suite. La Danseuse s’applique à être bien ficelé, et encore qu’il souffre d’une construction hasardeuse, mais il souffre énormément de sa modicité et de sa facilité rhétorique qui vient contrarier tant de biopic modernes, fades, sans caractère ni audace.Et c’est bien dommage car dès que les attendues scènes de danse entrent en piste, on a une impression d’art total qui s’orchestre à l’écran sous nos yeux ébahis. La puissance de la musique de Vivaldi ou de Beethoven qui résonne, la magie des couleurs qui décuple la beauté des intenses et amples mouvements de l’artiste, le tout capturé par le cinéma et la photographie de Benoît Debie… Réunis ensemble, musique, danse, couleurs et cinéma ne font plus qu’un, et le temps s’arrête devant la magie de ces moments de grâce voluptueux et orgasmiques… Des moments, en son temps offerts par une artiste exceptionnelle qui aura soumis sa vie à l’exigence du saisissement de la beauté à l’état pur. Et voilà le second gros problème de La Danseuse, celui de ne pas avoir su saisir la balle au bond pour transcender son sujet. Stéphanie di Giusto tente de rendre forte, une histoire qu’elle limite au plus strict minimum syndical. Il y a de la beauté dans ce récit, mais il y a aussi du déchirement et du tragique. Malheureusement, la cinéaste ne cherche jamais à mettre en valeur les thématiques de fond qui auraient pu anoblir son effort et le transcender, préférant se contenter d’un déroulé factuel et insipide. L’idée de l’art comme un acte sacrificiel, l’exigence ascétique et la tyrannie de la perfection, la destruction de soi au profit d’une quête du divin absolu… Ces thématiques si brillamment traitées dans une poignée de très grands films comme Les Chaussons Rouges ou Black Swan, auraient pu être un moyen de valoriser ce récit qui finalement, ne raconte jamais plus que la seule illustration du parcours de son artiste qui aura cédé sa santé sur l’autel de l’art. La matière était là, elle ne demandait qu’à être embrassé et Stéphanie di Guisto lui tourne regrettablement le dos, trop occupée à peaufiner ses raccourcis narratifs désinvoltes et la paresse de son récit mécanique. Il est vraiment regrettable de voir une si jeune cinéaste, être déjà enfermée dans un cinéma de papa sans ambitions, préférant la mollesse à la hardiesse, la démission à l’exigence. Et dire que le film était censé dresser le portrait d’une pionnière reconnue pour son inventivité. De l’inventivité, si seulement La Danseuse avait pu en faire preuve, ne serait-ce qu’un peu…
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux