Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Spectre
Père : Sam Mendes
Date de naissance : 2015
Majorité : 11 novembre 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h30 / Poids : 250 M$
Genre : Action
Livret de famille : Daniel Craig (James Bond), Christoph Waltz (Franz Oberhauser), Monica Bellucci (Lucia), Léa Seydoux (Madeleine), Dave Bautista (Mr Hinx), Naomie Harris (Moneypenny), Ben Whishaw (Q), Ralph Fiennes (M), Andrew Scott (Denbigh), Rory Kinnear (Tanner), Jasper Christensen (Mr White)…
Signes particuliers : Un nouveau James Bond en demi-teinte. L’effet Skyfall sans doute.
APRÈS UN BOND EN AVANT, UN BOND EN ARRIÈRE
LA CRITIQUE
Résumé : Un message cryptique venu tout droit de son passé pousse Bond à enquêter sur une sinistre organisation. Alors que M affronte une tempête politique pour que les services secrets puissent continuer à opérer, Bond s’échine à révéler la terrible vérité derrière… le Spectre.L’INTRO :
Attendu comme le Messie par les fans de la saga et bien d’autres encore, Spectre figure fièrement parmi les grands évènements ciné de cette fin d’année 2015 (avec Hunger Games 4 et surtout le prochain Star Wars). Le 24eme opus de la franchise James Bond, le quatrième de l’ère Daniel Craig, le deuxième consécutif signé Sam Mendes, était porteur d’attentes indescriptibles imposant à son auteur un devoir de qualité suprême, autant qu’il ne manquait pas de lui mettre une certaine pression sur les épaules. Et justement, une question revenait depuis quelques mois, Sam Mendes était-il vraiment l’homme de la situation pour réaliser ce Bond 24 ? Non pas que le cinéaste ne soit pas suffisamment qualifié, bien au contraire, c’est juste qu’il se devait de trouver un moyen de faire mieux que son prédécesseur. Sauf que son prédécesseur, c’était lui-même, et qu’il avait placé la barre très très haute avec son somptueux Skyfall, probablement l’un (voire le) meilleur épisode des aventures de l’espion britannique depuis un sacré bail. Avec une distribution alléchante invitant Christoph Waltz à venir jouer les grands antagonistes diaboliques, Léa Seydoux et Monica Belluci en James Bond Girls, Dave Bautista en mastodonte défiant Craig dans un duel viril, et enregistrant les retours évidents de Naomie Harris en Moneypenny, Ben Whishaw en Q et Ralph Fiennes en M, Spectre annonçait beaucoup, promettait beaucoup, alors que les aficionados ont pu suivre le déroulé du tournage en live, via des vlogs (journal de bord en vidéo) régulièrement distillés sur la toile. Au scénario, les mêmes mains que Skyfall, à la photographie, Hoyte van Hoytema (Interstellar) remplace le sur-expérimenté Roger Deakins, aux décors, toujours Dennis Gassner, Thomas Newman rempilant à la musique, et enfin au montage, Lee Smith (Interstellar aussi) prend la suite de Stuart Baird. L’affaire semblait bien engagée.L’AVIS :
Spectre, ou le film sur les démons de James Bond. Au centre de cette nouvelle histoire marquant un tournant dans la saga, dans la continuité de celui brillamment orchestré avec Skyfall, James Bond et les démons qui accompagnent sa route et qui s’accumulent dans son sillage. Des proches perdus, des ennemis de plus en plus intimes, autant de fantômes qui rôdent autour de lui aujourd’hui, dans l’ombre de sa mémoire écorchée. C’est exactement ce qui ressort d’ailleurs d’un générique encore une fois artistiquement splendide, malgré la chanson de Matt Smith, qui en satisfera certains autant qu’elle en insupportera d’autres. Pour le canevas, Spectre s’articule surtout comme un pur James Bond classique dans l’âme. Une introduction forte en action, le célèbre thème culte de Monty Norman et John Barry, un générique aux allures de court-métrage dans le film, puis un contexte géopolitique explosif, deux femmes, une organisation tentaculaire, un méchant voulu charismatique… Le tout, sur un ton général glissant sans cesse entre le thriller sombre, l’élégance, le sexy, l’humour « so british », les doses d’action spectaculaire, l’espionnage à travers une enquête retorse imposant Bond comme l’homme de la situation, et bien sûr, un nouveau tour du monde en 150 minutes en compagnie de 007, allant de Mexico à Tanger, des montagnes autrichiennes à Londres, en passant par Rome ou le désert marocain.Pour répondre aux attentes mirifiques, Sam Mendes et ses scénaristes ont souhaité aller très loin dans l’univers James Bond, avec un scénario méta-dominant se positionnant au-dessus de tous les autres, sorte de conclusion à la saga entamée avec Daniel Craig depuis trois épisodes. Mais en voulant voler très haut au sommet de la franchise, Spectre finit par succomber au vertige de ses ambitions. Les risques inhérents à ses intentions pharaoniques ne trouvent malheureusement pas l’assise nécessaire ni les moyens narratifs, pour soutenir les ambitions supérieures qu’il s’était fixées. De fait, l’exercice manque de stabilité, d’équilibre, d’aplomb et surtout d’intelligence, chutant sous le niveau requis pour nouer de tels enjeux censés relier tous les derniers opus entre eux dans un chapitre « final », lorgnant quelque part du côté de la vaste entreprise à la Marvel avec ses super-héros. En clair, comme si Spectre était le film ultime préparé depuis presque dix ans au gré des Casino Royale, Quantum of Solace puis Skyfall. Spectre a la folie des grandeurs, et dans l’idée, on ne pouvait qu’être follement attiré par ces aspirations « mégalomanes ». Sauf qu’il fallait du génie pour viser ce surclassage de Skyfall et ce Bond 24 ne le trouve pour ainsi dire, jamais, faisant autant preuve de suffisance que d’insuffisance.Mais les problèmes ne s’arrêtent pas là. Spectre apparaît aussi comme un film de tous les paradoxes, capable d’être à la fois élégant et bâclé, second degré et cynique, sombre et trop détaché, dense et facile, maîtrisé mais fainéant. La fainéantise est d’ailleurs probablement son plus gros problème. Sam Mendes livre un opus laissant une étrange sensation de « démodé », parfois même poussiéreux voire vieillot dans sa narration et certains de ses plans rococo-archaïques, comme si toute la modernité acquise dans la sueur et le sang ces dernières années, était soudainement balayée par cette fainéantise du scénario et de la mise en scène. Visiblement peu emballé d’être là (rappelons qu’il avait décliné dans un premier temps l’offre de rempiler), Sam Mendes se révèle trop souvent poussif, torpille ses personnages secondaires, que ce soit un grand méchant qui manque de présence (on est tellement loin du régal connu avec Javier Bardem) ou bien ses personnages féminins (Monica Bellucci inutile, Léa Seydoux dont le rôle n’atteint pas la qualité de celui jadis dévolu à Eva Green). Le récit accumule les facilités, s’empâte dans ses twists discutables, prévisibles et mal amenés, l’intensité peine à grandir conjointement à l’intrigue, la nonchalance semble sans cesse accompagner le déroulé de l’histoire, et Mendes paraît se contenter d’assurer le job de façon efficace et ludique au lieu de viser la perfection. On attendait tellement plus…Petite déception, Spectre surprend à rentrer dans le rang de la franchise au lieu de la sublimer encore. Mais le tableau est-il si noir que ça ? Pas totalement. Reste un blockbuster rondement mené, distillant un petit lot de séquences impressionnantes. Sporadiquement, Sam Mendes réussit à rappeler qu’il est là, que son talent peut compenser son manque d’implication totale et les nombreuses faiblesses de ce nouveau chapitre « Bondien ». À l’image d’une séquence d’introduction à Mexico qui, à défaut d’être parfaite (loin de là), est capable de fulgurances comme ce long plan-séquence virtuose que n’aurait pas renié un Brian De Palma. Au final, Spectre trônera à sa juste place selon la perspective de tout un chacun sur la saga récente. Pour faire simple, ceux qui considèrent Skyfall comme un petit chef-d’œuvre, Casino Royale comme un excellent James Bond et Quantum of Solace comme l’opus le plus médiocre de ces dernières années, verront très probablement dans Spectre, un épisode se positionnant derrière les deux premiers, fort heureusement largement au-dessus du triste chapitre de Marc Foster. En toute lucidité, on s’attendait à ne pas retrouver les sommets presque inatteignables de Skyfall. On espérait juste pouvoir se contenter de voir Spectre dépasser Casino Royale sur la ligne d’arrivée. Pari perdu. Énergique et haletant, quoique trop long, mais emballé avec assez de savoir-faire pour distraire efficacement, Spectre est juste un Bond que l’on pourra qualifier de « correct ». C’est là ironiquement tout le mal fait par Skyfall à la saga. Il l’a tellement élevée, qu’il devient difficile de passer derrière, et Sam Mendes semble tellement focalisé sur cet objectif suprême, qu’il en vient à passer à côté de sa tentative par manque de discernement à son égard. En résumé, que retenir de Spectre ? Tout dépend de si vous y verrez le verre à moitié plein ou à moitié vide…
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux