Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Bis
Père : Dominique Farrugia
Date de naissance : 2014
Majorité : 18 février 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h38 / Poids : 14 M$
Genre : Comédie
Livret de famille : Franck Dubosc (Eric), Kad Merad (Patrice), Alexandra Lamy (Caroline), Gérard Darmon (le père d’Eric), Julien Boisselier (le père de Patrice), Anne Girouard (la mère d’Eric), Eléonore Bernheim (la mère de Patrice), Eden Ducourant (Caroline jeune)…
Signes particuliers : Kad Merad et Franck propulsés dans les années 80 sous la caméra de Dominique Farrugia. Du rire et de la nostalgie au programme.
BIS, ON RETOURNE DANS LES ANNÉES 80
LA CRITIQUE
Résumé : Éric et Patrice sont amis depuis le lycée. Au fil des années, chacun a pris un chemin très différent : d’un côté Éric, hédoniste sans attaches aux multiples conquêtes, et de l’autre Patrice, père de famille « monogame » à la vie bien rangée. Après une soirée bien arrosée, les deux amis d’enfance se retrouvent propulsés en 1986 alors qu’ils n’ont que 17 ans. Ce retour dans le passé est l’occasion rêvée pour tenter de changer le cours de leur vie. Que vont-ils faire de cette seconde chance ? L’INTRO :
Dominique Farrugia est une icône de l’humour à la française depuis la grande époque des Nuls et du Canal+ des années 80. Pourtant, son talent ne se sera jamais affirmé au cinéma, sa filmographie ne parlant pas vraiment en sa faveur malgré de bons débuts avec l’audacieux Delphine 1 – Yvan 0, comédie farfelue au concept décalé très original, durement jugée par la postérité, voire cordialement méprisée, et qui pourtant mériterait bien d’être réévaluée. La suite ? Une stratégie de l’échec, le titre de son troisième long-métrage. Que ce soit Trafic d’influence, L’amour c’est mieux à deux ou l’innommable Le Marquis, la comédie façon Farrugia n’aura jamais atteint des sommets. A la lumière de ce passé, qu’attendre de Bis ? Pourtant, sur le papier, on ne pourra pas dire que le sujet n’était pas tentant. Car « voyage dans le temps » et « comédie » ont toujours fait bon ménage, le concept même du décalage temporel se prêtant à merveille aux gags les plus inspirés. A plus forte raison si le point d’atterrissage tombe dans les délicieuses années 80, terrain idéal pour brasser de la nostalgie par kilos et jouer sur les évolutions culturelles et technologiques à base de « vous vous souvenez qu’à l’époque… » 20 ans que ce créneau fait les beaux jours de la télévision, des Enfants de la Télé par exemple, pour ne citer que ce programme pionnier en la matière.
L’AVIS :
Deux grands noms de la comédie populaire, Franck Dubosc et Kad Merad, incarnent donc deux quadras propulsés dans les mythiques eighties, direction leur jeunesse en 1986. Avec un tel postulat, Dominique Farrugia avait devant lui un champ de possible magnifique pour créer du rire à la pelle en appelant une nostalgie souvent qualifiée de « toute une époque ». Celle de Pacman et des cabines téléphoniques, de Desireless et de Jeanne Mas, de Mitterrand et de l’épopée des Bleus à Mexico, celle du Tang et des Trits, du walkman et des vestes en jean, des patins à roulettes et des catalogues La Redoute, de la Tourtel et du film du dimanche soir sur TF1. « Farruge » s’éclate à faire revivre tout un tas de souvenirs en jonglant avec notre fibre nostalgique ravivée avec un sourire aux lèvres permanent. Si la facilité scénaristique de son saut dans le temps laisse à désirer, on se rend vite compte qu’il importe peu, l’intérêt est ailleurs, s’amuser du décalage générationnel si demain, l’on se retrouvait plongé dans cette époque à la fois lointaine et finalement pas tant que ça.
Les promesses annoncées par Bis étaient excitantes. Sont-elles tenues ? C’est une autre affaire qui inspire une réponse de normand : « oui et non ». Côté gags et exploitation de son concept, Farrugia et ses scénaristes (sur une idée du duo Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, les auteurs du Prénom ou de Papa ou Maman) ne manquaient pas d’inspiration. Plus pourvoyeur de sourires que férocement drôle même s’il provoquera, à n’en pas douter, quelques beaux éclats à gorge déployée, Bis est une joyeuse banderille contrariée par de trop nombreux défauts, qui viennent sans cesse atténuer son impact, ou pire, dynamiter ce qui aurait pu être un délicieux plaisir furieusement hilarant. En première ligne sur le front, Farrugia lui-même. Quinquagénaire dont l’adolescence se situe plus dans les années 70 que 80, le cinéaste était-il le meilleur choix pour diriger un film nostalgique sur les eighties, vu par le prisme des années 2010 ? Le résultat tendrait à nous faire dire que non. Car si beaucoup de choses sont présentes, on ne peut s’empêcher d’imaginer tous celles qui auraient pu être matière à drôlerie et qui sont oubliées. Un pur trentenaire (voire un quadra) aurait sans doute mieux exploité les moindres recoins de cet univers à double-temporalité. Deuxième problème, Farrugia toujours, dont le sens du timing étonne, plus proche d’un cinéma de papa shooté à la morphine que du dynamisme d’un langage moderne. Régulièrement, Bis pose des gags bien sentis mais qui finissent par se retourner contre lui par son incapacité à les tenir dans un rythme d’écriture et de mise en scène efficace. Concrètement, Farrugia lance de bonnes situations, déroule les bons gags qui vont faire marrer, mais les poussent à s’éterniser au point de les faire basculer de l’instantanément drôle vers la lourdeur la plus totale. On rit dans un premier temps, on soupire dans un second, alors que le sens du rythme interne à chaque gag détruit son efficacité du moment, la maestro Farrugia ne sachant jamais s’arrêter au moment opportun.
Vient ensuite le cas du duo Dubosc/Merad, une association parfaite pour un bon film populaire, réunissant deux comiques qui ont toujours témoigné d’une grande générosité et d’une autodérision idéale. Mais mal ou pas dirigé, on ne peut que frémir à chaque ligne de dialogue déclamé, l’un comme l’autre atteignant des sommets de fausseté de jeu. Comme si l’on écoutait une noble partition truffée de fausses notes dissonantes. Ils finissent par plomber une comédie déjà trop plan-plan pour convaincre, et qui auraient gagné à davantage creuser le sillon du « méta », ces références à la culture populaire projetée à contre-emploi comme lorsque le tandem essaie d’aller vendre avant l’heure, le script de Bienvenu chez les Ch’tis à son futur producteur Claude Berri ou comme lorsqu’il se permets quelques petits clin d’œil à Camping, le futur hit de l’ami Dubosc. Sans doute ce que le film fait de mieux (et aurait dû multiplier), même si cette éternelle problématique du rythme casse encore une fois ces scènes au potentiel comique indiscutable, sombrant dans un « laborieux » qui résume tout le film à l’arrivée.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux