Mondociné

WILD de Jean-Marc Vallée
Critique – Sortie Ciné

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wildMondo-mètre
note 7.5 -10
Carte d’identité :
Nom : Wild
Pères : Jean-Marc Vallée
Date de naissance : 2014
Majorité : 14 janvier 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h56 / Poids : NC
Genre : Drame, Biopic

Livret de famille : Reese Witherspoon (Cheryl), Gaby Hoffmann (Aimie), Laura Dern (Bobbi), Thomas Sadoski (Paul), Michiel Huisman (Jonathan), W. Earl Brown (Frank), Kevin Rankin (Greg)…

Signes particuliers : Le québécois Jean-Marc Vallée adapte le roman éponyme de Cheryl Strayed où l’auteure relatait son voyage physique et existentiel pour fuir une vie à la dérive…

JE MARCHE SEULE, SANS TÉMOIN SANS PERSONNE…

LA CRITIQUE

Résumé : Après plusieurs années d’errance, d’addiction et l’échec de son couple, Cheryl Strayed prend une décision radicale : elle tourne le dos à son passé et, sans aucune expérience, se lance dans un périple en solitaire de 1700 kilomètres, à pied, avec pour seule compagnie le souvenir de sa mère disparue… Cheryl va affronter ses plus grandes peurs, approcher ses limites, frôler la folie et découvrir sa force.Une femme qui essaye de se reconstruire décide de faire une longue randonnée sur la côte ouest des Etats-Unis.wild_2_witherspoon L’INTRO :

Le québécois Jean-Marc Vallée avait brillamment ouvert l’année 2014 avec son bouleversant Dallas Buyers Club, il ouvrira également l’année 2015 avec son nouveau et onzième long-métrage, Wild, monté sous l’impulsion de la comédienne Reese Witherspoon qui y interprète au passage le premier rôle. Présenté à Toronto, Wild est l’adaptation d’un best-seller de Cheryl Strayed (Wild : marcher pour se retrouver – paru en 2012) où la romancière revenait sur sa propre existence mouvementée à travers son expérience du célèbre et difficile trek baptisé le « Pacific Crest Trial », sentier de randonnée le plus long des États-Unis avec 1600 km allant de la frontière mexicaine à la frontière canadienne.wild-(2014)-large-pictureL’AVIS :

Régulièrement comparé au Into the Wild de Sean Penn, Wild nous plonge dans une sorte de voyage initiatique aussi bien physique que spirituel, moral et mental, pour une jeune déracinée ayant un besoin criant de partir et de souffrir pour se recentrer sur sa vie cabossée. Sous l’œil proche, sincère et humain de la caméra de Jean-Marc Vallée, l’expérience de Cheryl devient rapidement la nôtre alors qu’en sa compagnie, on marche à travers des paysages tous plus sublimes les uns que les autres. Mais la force de Wild n’est certainement pas d’être un beau catalogue vantant la beauté de la sublime nature américaine à la diversité extraordinaire. Ce long voyage est certes physique mais avant tout psychologique. Et Jean-Marc Vallée de s’approprier l’éternelle question du besoin d’isolement pour faire le point avec ce magnifique portrait d’un personnage meurtri lancé dans une expédition aux allures de reconstruction personnelle où le but ultime n’est pas la ligne d’arrivée mais elle-même. Confrontée à la solitude, Cheryl va entreprendre un vaste trajet introspectif, visitant les moindres recoins de sa mémoire pour compiler sa vie, la disséquer, la trier, analyser son parcours chaotique, se remémorer les étapes d’un échec, avec l’espoir de trouver la lumière au bout du sentier, celle qui lui donnera une nouvelle impulsion pour mieux repartir de zéro. Et Wild d’être un voyage dans tous les sens du terme, qui contrairement à Into the Wild, ne se veut pas une fuite en avant pour échapper à un présent étouffant mais au contraire, un abandon spirituel pour se confronter et affronter un passé chargé, par l’entremise d’une solitude régénératrice. L’illustration parfaite et absolue dans un langage hautement cinématographique, du besoin de « se ressourcer ».Reese Witherspoon as "Cheryl Strayed" in WILD.Adaptation sincère et respectueuse du livre de Cheryl Strayed, Wild est un drame fort et émouvant, profondément tendre et humain, dessinant une odyssée à la fois personnelle et universelle. Car au final, ce road movie à pieds résonne pour tous les déracinés en rupture existentielle, comme une expérience incitatrice à trouver le voyage qui nous conviendra le mieux pour lâcher prise, se purger, redémarrer, se relancer. Il fallait bien la patte de Jean-Marc Vallée pour atteindre une telle exigence et sensibilité dans l’étude d’un personnage brisé. Avec une infinie justesse, le québécois trouve le ton approprié pour nous immerger dans son drame attachant, construit sur deux temporalités. Le défi présent de cette randonnée douloureuse où la souffrance devient un exorcisme des fantômes du passé, et les réminiscences de ce passé, bribes subtilement parsemées en flashback de vie réguliers brossant le portrait de cette Cheryl que l’on a envie de connaître sans cesse davantage. Que lui est-il arrivé ? Comment en est-elle arrivée là ? A quoi veut-elle se confronter ? Quelle est son histoire ? Qui est-elle ? Une structure narrative dédoublée qui n’a rien de nouvelle sur la forme, bien au contraire. Mais à défaut d’originalité, aussi bien scénaristique que dans le propos, Jean-Marc Vallée insuffle de la vie sur des cendres, instaure une forme de beauté du tragique, et enivre par un attachement foudroyant à son personnage. Et en amoureux qu’il est des personnages puissants et incarnés, le cinéaste nous entraîne dans ce trek existentiel que l’on vit intensément par procuration cinématographique, non sans être titillé à notre tour, par ce désir d’échappée aventureuse nourricière.wild

Wild présente une étrange distorsion du temps. Dans une célèbre séquence télévisuelle culte, Jacques Chirac alors en visite dans la campagne profonde française disait « c’est loin mais c’est beau ». Avec Valette, « c’est long mais c’est beau ». A l’image du fastidieux chemin de croix de son héroïne pour se retrouver, le parcours étalé sur deux heures paraît parfois long. Pourtant, curieusement, on se sent tellement abandonné par ce voyage de reconstruction personnelle, que le temps file, comme si de rien n’était, coulant avec douceur sur l’écran sans que jamais l’on ressente une quelconque pénibilité… Cinématographiquement parlant, Jean-Marc Vallée arrive à confondre la temporalité de son film avec celle de la vie réelle. Un coup de maître qui renforce l’immersion aux côtés du centre de gravité de Wild, une exceptionnelle Reese Witherspoon dans l’un de ses plus beaux rôles de sa carrière.565604.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

Avec sa réalisation et son montage affichant une immense maîtrise et une grande pureté, avec sa bande originale rêveuse égrenant des standards allant de Simon & Garfunkel (la somptueuse balade If I Could) à Portishead en passant par Bruce Springsteen, Wings ou Leonard Cohen, Wild est beau film, une méditation hors du temps, une œuvre riche et inspirante qui pourra agacer les impatients autant qu’elle soumettra à son rythme lent et pourtant enthousiasmant, les amoureux d’un cinéma naturaliste et humaniste donnant envie de plonger dans l’écran pour partager l’expérience douloureuse mais enrichissante qui nous est contée. Un formidable voyage à travers la nature et à travers la vie d’une femme en quête de ce dont on a tous besoin un jour, un nouvel élan pour tourner une page et accueillir l’avenir autrement. Wild ne s’imposera pas comme le film le plus singulier et original de l’année, certains attaqueront même la facilité de ses « étapes », mais ce sera là un faux débat. Vallée livre tel un cadeau, une œuvre positive et poignante, bâtie sur des thématiques universelles et inspirée de l’histoire vraie d’un combat contre soi-même. Les 1600 kilomètres parcourus ou les deux heures passés devant l’écran n’auront d’autre but que de magnifier les ressources de l’être humain pour combattre les drames, surmonter les fêlures et trouver la force de survivre au nom de la beauté de l’existence.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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