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UNE FEMME HEUREUSE : Rencontre avec Gemma Arterton

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Spectateurs

A l’occasion de la sortie du film Une Femme Heureuse, nous avons pu rencontrer l’actrice Gemma Arterton.

Synopsis : Tara est une jeune mère qui vit dans la banlieue de Londres. Femme au foyer, elle passe ses journées à s’occuper de ses enfants, de la maison et à attendre le retour de son mari le soir. Cette vie calme et rangée lui pèse de plus en plus, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus supporter sa situation. Elle commence à se promener dans Londres, redécouvre le plaisir de s’acheter des livres, et songe à suivre des cours d’art. Son mari Mark, qui travaille dur chaque jour, ne comprend pas ses nouvelles envies. Tara prendra sur elle jusqu’au jour où, acculée, elle pensera à changer de vie.

LE 25 AVRIL AU CINÉMA

Bonjour, c’est un plaisir de vous rencontrer pour un si beau film.

Gemma Arterton : Merci. C’est amusant car en enchaînant les interviews, je me rends compte que c’est un film qui divise. Pour moi, c’est très intéressant et ce que je souhaitais.

Il y a quelque chose de vraiment fascinant quand on regarde votre filmographie, ce sont vos choix de carrière. Ce nouveau film s’appelle The Escape (en anglais) et ça vous va bien car on a l’impression que vous êtes en permanence en train d’essayer « d’échapper » aux cases. Prince of Persia, The Voices, Alice Creed, Tamara Drewe, Gemma Bovery, James Bond, le film français Orphelines, vous allez toujours vers des projets très différents…

Gemma Arterton : Je suis d’accord, mais ce n’est pas quelque chose de conscient. De manière générale, la façon dont je m’habille, la musique que j’écoute, je suis toujours très éclectique dans mes goûts et j’aime bien varier. Au cinéma, je ne veux pas jouer toujours le même rôle. Ce serait plus facile c’est sûr, mais ça ne m’intéresse pas. J’ai choisi ce métier car j’aime la variété. D’ailleurs, juste après Une Femme Heureuse, j’ai fait un film très différent (Vita et Virginia – ndlr), complètement à l’opposé même ! Il est très stylisé, très écrit, avec des dialogues très précis, alors que dans Une Femme Heureuse, c’est beaucoup d’improvisation. Cet éclectisme n’est pas conscient mais je suis comme ça.

Sur Une Femme Heureuse, vous n’êtes pas seulement l’actrice principale, vous êtes aussi productrice, et un peu scénariste aussi…

Gemma Arterton : Oui, je suis coscénariste avec le réalisateur Dominic Savage. C’est en partie dû au fait que les dialogues sont beaucoup improvisés. J’aime la façon de travailler de Dominic Savage. Il parle énormément avec ses comédiens. On a beaucoup discuté tous les deux, de ce qu’on aime dans le cinéma, des films que l’on aime, on a parlé du travail de John Cassavetes, des frères Dardenne, des sujets qui nous intéressent dans la vie… Pour l’écriture du scénario, il a écrit un premier jet avec le descriptif des scènes et puis on a improvisé à partir de cela. C’était un travail très personnel où j’ai pu apporter mes idées. On a tourné dans mon village natal, dans la maison de mon enfance. C’est vraiment un film de Dominic Savage, très marqué par sa façon de travailler mais au final, c’est son film et en même temps, le film de tout le monde. J’ai adoré cette façon de travailler et j’aimerai retravailler de cette manière le plus souvent possible.

Vous disiez que c’est un film très personnel. Justement, où avez-vous puisé l’inspiration pour ce rôle si particulier. J’espère pas dans votre vie et que vous n’êtes pas malheureuse !

Gemma Arterton : (rires) Non, absolument pas ! C’était un mélange d’influences. Il y a un passif de dépression dans ma famille, ma grand-mère était dépressive. C’était quelque chose que je voulais explorer. Le sujet principal du film n’est pas la déprime, c’est une étoile de fond, mais c’est évidemment que Tara, mon personnage, souffre. J’ai aussi pensé à ma trajectoire personnelle. Je me suis imaginée ce qu’il se serait passé si je n’étais pas devenue actrice, si je n’avais pas quitté cette petite ville quand j’étais jeune. Peut-être que ce serait moi Tara, mariée, mère au foyer, avec des enfants… Il y a autre chose qui me fascine, c’est que se passe t-il si vous êtes quelqu’un qui n’a pas l’occasion d’exprimer sa créativité ? Si je n’avais pas eu ce moyen de m’exprimer, j’aurai peut-être explosé. Ma grand-mère était poète et peintre. Quand elle a eu des enfants, 5 au total, elle a tout arrêté. C’est devenu dur pour elle. En dehors de mon histoire, j’ai également lu des histoires de femmes qui ont abandonné leurs enfants. C’est un sujet compliqué et encore très tabou aujourd’hui. C’est même l’un des sujets les plus tabou qui soit. Cela dit, c’est quelque chose qui devient plus « courant » aujourd’hui. Il y a même eu une série sur la BBC très récemment qui parlait de ce sujet. J’ai l’impression que l’on peut enfin discuter de cela aujourd’hui. Je ne dis pas que c’est le bon choix, le film ne dit pas cela d’ailleurs, mais ce sont des choses qui arrivent et j’avais envie d’aborder cette question.

C’est justement ce qui est très beau dans le film. Le choix de Tara est très difficile mais on ne la juge jamais. On essaie plutôt de la comprendre… C’était le vrai challenge du film ?

Gemma Arterton : Oui. Sur le tournage, on était tous angoissés par rapport à cela. On savait que ce n’était pas le bon choix, on savait que c’était subversif. Personnellement, ça ne m’intéresse pas de jouer quelqu’un avec qui tu sympathises. Dans le cinéma anglo-saxon, les personnages féminins sont toujours « aimables ». Je trouve ça assez ennuyeux. Ce n’était pas conscient pour moi mais je ne voulais pas que les spectateurs « aiment » Tara. Je voulais qu’ils essaient plutôt de la comprendre. C’est subtil dans le film. On sent qu’elle est malheureuse. Dominic Cooper, qui joue le mari, y est pour beaucoup aussi. C’était un rôle difficile pour lui. Il n’est pas quelqu’un de mauvais, il ne veut aucun mal à Tara, ils sont juste différents. Il sent que son couple est en train de s’effondrer et c’est la faute de personne, ils n’ont peut-être pas suffisamment communiqué, ils avaient peut-être une relation plus proche quand ils étaient jeunes, plus drôle, plus légère et puis ils ont changé. Il y a une scène très subtile au début du film. Tara se réveille, elle regarde son portable et voit qu’il est en train de dormir. Elle se glisse hors du lit tout doucement et là, son mari se réveille et lui demande ce qu’elle fait. En fait, elle ne veut simplement pas faire l’amour avec lui de bon matin. Il lui demande de revenir. C’est subtil car ça traduit une situation difficile, quand il n’y a plus de désir dans un mariage, mais qu’il faut continuer.

Même si ce n’est pas le sujet principal, la question de la dépression est traitée avec une grande justesse. Du point de vue de la personne déprimée comme de la personne qui habite avec elle…

Gemma Arterton : Quand une personne est déprimée, elle a tendance à se replier sur elle-même. Elle érige une barrière autour d’elle pour se protéger, et que peut-on faire quand on est de l’autre côté ? Il y a des scènes avec Dominic Cooper dans le film, comme quand il essaie de me faire sourire en tirant sur mes lèvres avec ses doigts, c’est un moyen de dire « reviens, reviens vers moi ». Mais Tara est loin, c’est dur aussi pour lui. C’est triste.

On parlait tout à l’heure du fait que le film est en grande partie improvisé. C’était difficile de se laisser aller à l’improvisation ou c’est venu tout seul ?

Gemma Arterton : Au début, tu as le trac. Mais quand tu es dedans, c’est fluide. C’était à la fois effrayant et excitant car tu ne sais jamais ce qu’il va se passer. Dès la première prise, il faut avoir une totale confiance avec tout le monde sur le plateau. A commencer dans le réalisateur et son partenaire. Après, il faut faire des erreurs pour trouver le bon chemin. Les premières prises, il y avait trop de dialogues, trop de choses. Et en recommençant, on enlevait souvent les dialogues, on épurait. On essayait différemment et petit à petit, on sculptait les scènes tous ensemble. C’était intéressant car d’ordinaire, quand tu joues une scène écrite, tu ne fais que suivre ce qui est écrit. Ca peut changer un peu mais c’est déjà décidé. Là, tout pouvait changer. Il y a des choses que l’on n’a pas forcément gardé au montage final car on avait trop de rushes, mais qui étaient très belles. Il y a une scène où j’ai eu une vraie crise de panique et Dominic Cooper a continué à jouer, et Dominic Savage a continué de tourner. Ca a donné une scène forte, naturelle, authentique.

Dans le film, Tara choisit l’art comme échappatoire. Est-ce que pour vous, l’art est aussi un échappatoire ?

Gemma Arterton : Absolument. Tout l’art. A commencer par la musique. J’aime beaucoup la musique et c’est quelque chose qui peut changer mon état d’esprit tout de suite. L’art dans sa globalité est un échappatoire pour moi, de le faire comme de le regarder. J’ai entendu quelqu’un dans le train l’autre jour dire « Je n’aime pas trop la musique de manière en générale ». Ca m’a interpellé. Je me suis demandé comment on pouvait ne pas aimer la musique ! C’est si puissant, et c’est l’une des plus belles choses au monde. Après, il y a des gens qui ont la fibre artistique et d’autres, pas du tout.

Pour Une Femme Heureuse, vous jouez, vous produisez, vous l’avez co-écrit… Vous pensez à réaliser un jour ?

Gemma Arterton : Oh oui ! Mais je ne sais pas quoi. J’aimerai commencer par un film avec un scénario déjà écrit. Je sais que je serai bien avec les comédiens et je m’entourerai de bonnes personnes, comme un bon chef opérateur. Mais il faut trouver le sujet. Si je devais prendre exemple, j’aime beaucoup Andrea Arnold. On est de la même ville et j’aime ses films. Dans les prochaines années en tout cas, j’y pense !

Propos recueillis par Nicolas Rieux

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