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UN AMOUR IMPOSSIBLE de Catherine Corsini : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom Un amour impossible
Mère : Catherine Corsini
Date de naissance : 2018
Majorité : 07 novembre 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h15 / Poids : NC
Genre
: Drame

Livret de famille : Virginie Efira, Niels Schneider, Jehnny Beth…

Signes particuliers : Une histoire forte traitée avec pudeur et finesse. Bouleversant.

UNE PASSION QUI FAIT (TRÈS) MAL

LA CRITIQUE DE UN AMOUR IMPOSSIBLE

Synopsis : À la fin des années 50 à Châteauroux, Rachel, modeste employée de bureau, rencontre Philippe, brillant jeune homme issu d’une famille bourgeoise. De cette liaison passionnelle mais brève naîtra une petite fille, Chantal. Philippe refuse de se marier en dehors de sa classe sociale. Rachel devra élever sa fille seule. Peu importe, pour elle Chantal est son grand bonheur, c’est pourquoi elle se bat pour qu’à défaut de l’élever, Philippe lui donne son nom. Une bataille de plus de dix ans qui finira par briser sa vie et celle de sa fille.

On avait quitté Catherine Corsini il y a un peu plus de trois ans au terme de sa somptueuse romance dramatique La Belle Saison avec Izia Higelin et Cécile de France, l’un des meilleurs films français de l’année 2015. Aujourd’hui, la réalisatrice est de retour avec Un Amour Impossible, nouveau long-métrage dans la continuité de son précédent tant bien des éléments sont similaires autour d’une histoire pourtant très différente. Emmené par Virginie Efira et Niels Schneider, Un Amour Impossible est l’adaptation d’un roman autobiographique de Christine Angot paru en 2015, où l’auteure racontait sa propre jeunesse à Châteauroux, entre l’amour indéfectible d’une mère et les drames bordant sa relation avec son père. Dans le détail, le film suit le parcours de Rachel, une modeste employée de bureau fraîchement baptisée « catherinette ». Incomplète, la vie de Rachel semble enfin basculer quand elle rencontre Philippe, un bel homme cultivé et de bonne famille. Entre eux, c’est le début d’une passion enflammée de laquelle naîtra la petite Chantal. Sauf que Philippe refuse toute idée de mariage par conviction et crainte d’y perdre sa précieuse liberté. Rachel devra alors élever seule sa fille, au rythme des visites douloureusement occasionnelles de son amant.

Aujourd’hui, le terme est banalisé. À l’époque, il n’existait même pas dans le langage courant. Un Amour Impossible, c’est le terrible portrait d’une proie prise au piège d’un véritable pervers narcissique. Sur ce postulat, Catherine Corsini aurait pu nous sortir le grand jeu d’un drame au pathos anxiogène. Mais non. Avec une remarquable subtilité d’approche, la cinéaste déroule une histoire d’amour au romanesque tour à tour flamboyant ou cruel, bercé par une retenue mélancolique qui touche en plein cœur et déborde d’empathie tragique. De ce va-et-vient amoureux, on voudrait retenir la beauté des instants précieux partagés au milieu de cette idylle magnifique, la force de cette passion dévorante, l’exaltation de cet immense amour qui rend vivant même si c’est par intermittence. Mais petit à petit, le tableau se noircit doucement, l’horizon s’obscurcit, et les ténèbres de la douleur recouvrent la lumière de la joie.

Par petites touches et subtiles étapes, Catherine Corsini instille progressivement l’idée que quelque-chose ne va pas dans cet amour qui semble trop beau pour être vrai. On sent le malaise qui grandit sous nos yeux, l’étreinte de la peine qui envahit l’écran, à mesure que la cruauté de l’un contamine la lumière qui vivait dans les yeux de l’autre. Et Un Homme Impossible de devenir le récit d’une destruction, non pas d’une passion mais d’une personne, voire de plusieurs personnes, par un égoïste hautain et sournois, dont la vraie nature se cache derrière un visage angélique et un pouvoir de fascination naturel. En creux derrière la grande histoire, Corsini parle également de lutte des classes, de l’émancipation des femmes dans une société alors conservatrice, des relations mères-filles, des secrets lourds et pesants qui ne peuvent être guéris qu’avec la prise de parole pour avancer vers l’avenir en réglant le compte au passé, le tout sur fond de difficile chemin vers la rédemption envers soi-même. On n’en dira pas plus pour ne rien dévoiler mais c’est bien ce dernier sujet abordé qui sera le plus éprouvant dans un film qui se charge d’une gravité de plus en plus bouleversante au fur et à mesure que les minutes passent.

Il fallait de grands comédiens pour incarner cette histoire terriblement poignante, qui réjouit, bouleverse puis oppresse au gré des étapes et des visages arborés par le récit. Et heureusement, Catherine Corsini a pu compter sur une immense Virginie Efira, qui mériterait bien son César tant sa performance est dévastatrice. La comédienne belge confirme son immense talent, qui n’attendait qu’un rôle à sa juste mesure pour s’exprimer pleinement. Non seulement elle y est juste, mais Virginie Efira fait tout passer dans son interprétation formidable de sobriété, qui joue du moindre regard, du moindre geste, de la moindre parole pour véhiculer des ressentis épidermiques. Mieux, l’actrice tire ses partenaires dans la bonne direction, emportant avec elle un Niels Schneider que l’on n’a que trop rarement vu aussi bon. Grand film étalé sur près de vingt ans et marqué par une impressionnante finesse d’approche, Un Amour Impossible emporte tout sur son passage. On en ressort tremblotant, voire même en larmes, épris d’empathie et marqué au fer rouge par la cruauté de l’histoire, avec l’envie de dire à nos mères protectrices qu’on les aime.


BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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