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SULLY de Clint Eastwood : la critique du film

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note 4 -5
Carte d’identité :
Nom : Sully
Père : Clint Eastwood
Date de naissance : 2016
Majorité : 30 novembre 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h30 / Poids : 60 M$
Genre : Drame, Biopic

Livret de famille : Tom Hanks, Aaron Eckhart, Laura Linney, Jerry Ferrara, Anna Gunn, Chris Bauer, Holt McCallany…

Signes particuliers : Un Clint Eastwood intelligent, qui dépasse le spectaculaire pour aller chercher l’humain, et l’ériger en symbole d’un pays, d’une époque.

UN SIMPLE ACTE D’HÉROÏSME, UNE NATION PLEINE D’ESPOIR

LA CRITIQUE DE SULLY

Résumé : Le 15 janvier 2009, le monde a assisté au « miracle sur l’Hudson » accompli par le commandant « Sully » Sullenberger : en effet, celui-ci a réussi à poser son appareil sur les eaux glacées du fleuve Hudson, sauvant ainsi la vie des 155 passagers à bord. Cependant, alors que Sully était salué par l’opinion publique et les médias pour son exploit inédit dans l’histoire de l’aviation, une enquête a été ouverte, menaçant de détruire sa réputation et sa carrière. sully_6Clint Eastwood aime les petits héros du quotidien cachés derrière les grandes figures de l’Histoire. Ces hommes ou femmes qui ont brillé l’espace d’un moment, par leur courage, leur abnégation ou leur dévotion, ces hommes et femmes qui symbolisent au fond, toute la grandeur d’une Amérique fière de ses trésors humains. Encore une fois, le cinéaste s’est senti inspiré par l’un d’eux, en l’occurrence dans Sully, le Commandant Chesley Sullenger, ce pilote qui avait épaté le monde entier un beau matin de janvier 2009, après avoir posé son Airbus A320 au beau milieu de l’Hudson River à New-York, sauvant ainsi la vie des 155 passagers de son engin qui venaient de perdre ses deux moteurs tombés en panne.sully_5

A défaut d’être un très grand Eastwood, Sully est néanmoins une prouesse cinématographique. Car il est le résultat d’un postulat à deux visages, entre le passionnant et le non-intérêt. Et par sa virtuosité et son talent, Clint Eastwood fait pencher la balance. Du premier côté, bien entendu. Au fond, Sully est le récit d’un événement aussi extraordinaire qu’anecdotique. Extraordinaire, par cet exploit réalisé un certain 15 janvier 2009 par le commandant Sullenberger. Anecdotique, parce qu’il reste l’acte héroïque d’un jour, qui aura autant fasciné sur le moment qu’il a pu être oublié ensuite, quand l’actualité a changé de jour et avec elle, de sujet. Anecdotique ensuite car Clint Eastwood va se mettre à broder autour de pas grand-chose. Des oiseaux qui percutent un avion, des moteurs en panne, une chute, et un amerrissage incroyable dans l’Hudson. D’accord, mais de là à tenir un film tout entier avec cela…sully_4

Le premier tâcheron venu aurait vite fait d’avoir la parade pour éviter d’avoir fait le tour de son sujet en dix minutes top chrono. Il se serait senti obligé d’étirer péniblement son affaire pour tenir la durée d’un long-métrage. Comme à la bonne vieille époque des films catastrophes des années 70, dont les prologues étaient d’interminables introductions dépassant parfois les 1h30 pour à l’arrivée, de non-évènements aux allures de pétards mouillés (bonjour la saga des Airport). Mais Eastwood n’est pas du genre à brasser de l’air pour servir du vent. Et même si Sully est à ranger parmi ses films mineurs en comparaison de ses œuvres les plus marquantes, ce récit d’un épisode héroïque de l’histoire aérienne américaine permet au metteur de scène de briller, et à plusieurs reprises de surcroît !sully_3

D’abord, parce qu’autour du cœur de son film, Eastwood dit beaucoup de petites choses intéressantes qui ne font qu’étoffer son Sully, le rendent plus dense, lui offrent de l’épaisseur pour muer du portrait d’un épisode anecdotique vers le film scrutant une Amérique en peine, qui a besoin de héros modestes pour s’évader et continuer à rêver. Une idée qui s’incarne à merveille dans ce parallèle malin avec le 11/09. New-York a un passé traumatisant avec les faits divers aériens. L’épisode de l’amerrissage sur l’Hudson fût un épisode heureux. Et Eastwood de rappeler le contexte, une Amerique qui se réveillait en janvier 2009 avec la gueule de bois, engluée dans un enfer. L’affaire Madoff, la hausse incontrôlable du chômage, la crise économique… Au milieu de ces mauvaises nouvelles qui plombaient le moral (auxquelles s’ajoute l’investiture d’Obama que l’ami Clint devait percevoir comme une catastrophe), l’acte héroïque du Commandant Sullenberger n’a finalement pas été qu’un « épisode heureux suite de loin et vite oublié ». Il a été un symbole d’une Amérique forte, battante, d’une Amérique triomphante de l’impossible, d’une Amérique qui croyait à de meilleurs lendemains, qui avait une raison de se réjouir pour une fois, d’oublier sa tristesse du moment pour communier devant un miracle. Enfin une histoire mal engagée qui finit bien. Et ça a fait du bien justement ! En somme, à travers l’exploit d’un homme, ou plutôt d’une équipe soudée comme Eastwood aime à le marteler dans son film, Sully devient le portrait d’une Amérique qui se raccroche aux petites joies du quotidien pour garder espoir en son avenir.592788-jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx

Et derrière le fond, il y a la forme. Car Clint Eastwood n’aurait pas pu tenir un tel discours riche en perspectives, sans trouver le moyen de dynamiser son histoire. Et là encore, le cinéaste épate. 86 balais au compteur et il épate encore. Le scénario de Sully (dont le crédit est aussi à metteur sur le compte de Todd Komarnicki) arbore une construction fascinante d’intelligence. Pas immédiatement, car elle ne dévoile pas tout de suite ses meilleures cartes. Sully prend son temps et joue de son récit éclaté, multipliant les allers et retours présent-passé, rejouant et revisitant certaines scènes selon plusieurs points de vue, repassant par son protagoniste principal au bord du chaos pour mieux rebondir vers d’autres directions… Au départ, on pense à de l’esbroufe narrative, à une écriture cache-misère pour mieux masquer la vacuité de l’entreprise qui ne sait pas comment tenir en haleine avec si peu. Et puis l’intelligence du fonctionnement prend forme. Sully utilise avec brio son canevas, non pas pour étirer l’anecdotique, mais parce qu’il a de nombreux atouts dans sa manche. Eastwood égrène progressivement de nombreuses idées, relançant en permanence son film, lui offrant sans cesse de la pertinence et un souffle continuellement alimenté. Et pas que. Il lui offre de l’émotion aussi. Il lui permet enfin de ne jamais tomber dans les affres de l’ennui, lequel guettait pourtant son parcours, prêt à se faire sentir dès que le « moment de bravoure » de l’accident serait passé. Bien des cinéastes auraient utilisé ce type de déconstruction uniquement pour limiter l’effet de platitude de l’histoire. Pas Eastwood. Sa mécanique a du sens, elle en a et elle en produit, avec habileté. Au gré des relectures de l’histoire, des voyages narratifgs entre le présent d’un Sullenberger dans la tourmente et un passé spectaculaire, Eastwood parvient à incarner ce qu’il raconte, à instiller le doute sur l’héroïsme de son sujet, à ajouter du suspens là où il aurait pu ne pas y en avoir, il parvient à traduire les sentiments vécus par ses personnages, à rendre cinématographique, ce qui se nichait dans leurs tripes à ce moment-là. Car petit à petit, on finit par vibrer, par ressentir ce que ressent son « Sully ». Et c’est là que le film prend son envol, s’éloignant finalement du carcan du « mineur » où il demeure…408767-jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx

Sully n’est pas un grand film sur le papier, c’est simplement une œuvre qui se bonifie dans la mémoire quand on se prête à repenser à toutes les micro-composantes qui la rendent plus riche qu’elle n’en a l’air de prime abord. Plus on ressasse ses scènes, sa mécanique, son écriture, sa mise en scène, plus où on comprend le tour de force d’eastwood. Avoir réussi à transcender du « presque rien » pour en faire du « beaucoup ». L’interprétation impeccable de Tom Hanks et d’Aaron Eckhart ne font que rajouter une petite cerise sur ce beau gâteau qui, post-projection, continue d’avancer sur la piste : « Mouais »… « Non, c’était pas mal »… « En fait, c’était plutôt bien »… « Non, en vrai, c’était vraiment très bien »… « Finalement, c’est même assez fort »… « C’est très très bon »… « C’est un sacré film, en fait » !

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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