Mondociné

SEVEN de David Fincher
DVD/Bluray – critique (thriller / policier)

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Spectateurs

19255605.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxMondo-mètre :
note 9
Carte d’identité :
Nom : Se7en
Père : David Fincher
Livret de famille : Brad Pitt (David Mills), Morgan Freeman (William Sommerset), Gwyneth Paltrow (Tracy), John C. McGinley (California), Kevin Spacey (John Doe), R. Lee Ermey (le capitaine)…
Date de naissance : 1995
Majorité au : 31 janvier 1996 (en salles)
Nationalité : USA
Taille : 2h10
Poids : 30 millions $

Signes particuliers (+) : Probablement l’un des plus grands thrillers de tous les temps. Un scénario machiavélique transcendant son simple postulat d’une traque au serial killer, une mise en scène démente de perfection plastique et figurative, des interprètes en état de grâce, une bande originale sourde et lourde renforçant le sentiment d’oppression et de terreur transpirant des recoins de l’image… Seven, ou quand le cinéma de divertissement est transfiguré au rang d’art viscéral.

Signes particuliers (-) : x

 

 HEUREUSEMENT QUE LE TALENT N’EST PAS PÉCHÉ !

LA CRITIQUE

Résumé : Pour conclure sa carrière, l’inspecteur Somerset, vieux flic blasé, tombe à sept jours de la retraite sur un criminel peu ordinaire. John Doe, c’est ainsi que se fait appeler l’assassin, a decidé de nettoyer la société des maux qui la rongent en commettant sept meurtres basés sur les sept péchés capitaux: la gourmandise, l’avarice, la paresse, l’orgueil, la luxure, l’envie et la colère.

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L’INTRO :

Tant de choses ont été dites sur ce chef d’œuvre des années 90, réalisé par l’immense David Fincher qui signait là son deuxième long-métrage. Difficile en tout cas de parler avec originalité de Seven, sombre thriller brillant et virtuose, si ce n’est pour en faire une fois de plus l’éloge, comme la plupart des papiers le concernant.

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David Fincher, l’homme derrière le classique, fait partie de ces rares metteurs en scène (à l’instar d’un Kubrick par exemple, d’un Hitchcock aussi, voire d’un Terrence Malik même s’il semblerait que ce soit en passe de changer) à ne compter pour l’heure, toujours aucun véritable faux pas notable dans sa carrière. En quasiment 20 ans d’activité, le cinéaste n’a signé que, au mieux, des chefs d’œuvre, au pire, de bons voire très bons films. S’étant frotté à différents genres tout au long d’une carrière jusque-ici hétéroclite, de la SF horrifique avec Alien 3 au drame romantico-fantastique avec Benjamin Button, du biopic d’actualité avec The Social Network au huis-clos d’action avec Panic Room, il semblerait néanmoins que la préférence du cinéaste aille davantage vers le thriller/polar, genre où il s’est illustré à plusieurs reprises et chaque fois avec un talent indéniable. Si The Game, Zodiac ou son remake de Millenium impressionnent par leur virtuosité, Seven restera sans doute comme le chef d’œuvre ultime.

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L’AVIS :

Seven est tout simplement l’apothéose du thriller crépusculaire, sorte de film sur le passage de flambeau, emprunt d’une triste mélancolie, que la pluie incessante qui caractérise en permanence l’atmosphère ambiante, renforce tout au long du déroulement d’une enquête menée avec calme et sérénité par deux flics récemment associés, William Somerset (remarquable Morgan Freeman), inspecteur vieillissant et blasé qui a roulé sa bosse à travers les horreurs qui ont jalonné sa carrière et David Mills (énorme Brad Pitt), jeune loup fougueux et affamé tout juste muté et roulant encore l’engagement passionné. La noirceur désespérée et l’atmosphère lourde, font de Seven un thriller atypique, qu’une musique lancinante signée Howard Shore, sous-tend avec puissance et discrétion à la fois, comme un élément de décor à part entière sans pour autant devenir un point de fixation. On se laisse juste porter à son rythme traduisant celui d’une enquête minutieuse où plus le temps passe, plus le temps presse, plus le stress monte et se décuple.

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Chef d’œuvre d’écriture dans le déroulement très pragmatique de son récit aimanté et captivant, ne recherchant pas l’accélération du rythme à des fins bassement spectaculaires, mais au contraire se calant sur celui de son personnage central, le vieux Somerset, calme et réfléchi, posé et stable mais vif intellectuellement, Seven sait accélérer avec classe et élégance quand cela est nécessaire mais jamais de façon gratuite. Des accélérations intenses avisées, ne reposant non pas sur une débauche de coups de feu et d’explosions mais sur une tension graduelle montant vers des sommets de terreur (la découverte du junkie attaché sur son lit ou le final). Un style renvoyant directement à l’intensité des plus grands films noirs avec lequel Fincher délivre une œuvre prenant aux tripes par une très juste utilisation de sa tension dramatique. Pour preuve, une scène dans la voiture entre John Doe, Somerset et Mills. Dix minutes de discussion dans une voiture. N’importe qui aurait pu perdre le spectateur devant une telle scène longue et bavarde. Fincher ? Il réussit l’inverse. Chaque parole déclamée lentement par un énorme Kevin Spacey habité par son personnage, sonne comme autant de marches menant vers un dénouement qui s’empare progressivement de l’esprit et des nerfs avant de lentement mais sûrement nouer l’estomac d’un spectateur hypnotisé.

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S’il est brillant dans son écriture, Seven l’est tout autant dans l’interprétation. D’une part, d’un Morgan Freeman dont le regard en dit long sur un personnage d’inspecteur partant à la retraite sur une sensation de dégoût. Blasé par la violence et la folie rendant le monde environnant incohérent à ses yeux, Somerset laisse la main, Somerset n’en peux plus. Portant tout le poids d’années de folie humaine sur ses épaules où la cruauté n’avait d’égal que l’irrationnelle folie de l’homme, l’ancien passe le flambeau à une nouvelle génération qui semble ne pas se rendre compte encore des limites de cette cruauté humaine. Brad Pitt, le beau-gosse de ces dames, est ici un David Mills excellent, jeune fou motivé cherchant à obtenir inconsciemment le respect et l’adoubement de l’ancien, qui va découvrir pour ses « débuts », le quotidien qui risque de l’attendre pour des dizaines d’années à venir en vivant comme une sorte de voyage initiatique en enfer. Car pour ses débuts, il va être servi par la traque d’un criminel parmi les plus forts et les plus fous que le cinéma nous ait jamais présenté. Avec ce duo que tout oppose, de l’âge à l’expérience en passant par le vécu et la vision du monde environnant, Fincher s’inscrit dans une posture d’anti-buddy movie où le rire est remplacé par une dramatisation saisissante de puissance destructrice s’étirant dans tous les muscles d’une intrigue terrifiante et oppressante, dont la mise en marche est aussi pesante qu’elle n’est d’une maestria éclatante dans sa confection frôlant la précision de l’horlogerie fine, le metteur en scène se muant en maître-horlogier.

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Il est étonnant de voir aujourd’hui à quel point, 18 ans après sa sortie, Seven garde toujours la même force et la même puissance évocatrice qu’à l’époque. Le film de Fincher n’a pas pris la moindre ride. Toujours aussi usant et terrifiant à l’image d’un Kevin Spacey hallucinant, dont le calme glacial et la sérénité insupportable finissent par nous plonger dans un effroi démesuré accru par un scénario machiavélique dont il est l’auteur et le gardien, toujours aussi glaçant avec ses meurtres sordides qui ont bien plus d’impact que toutes les bêtises estampillées « torture-porn » que l’on a pu consommer ces dernières années, Seven est l’un des plus grands classiques de son genre et l’un des sommets de la dernière décennie du XXème siècle. Chaque scène pourrait être décortiquée, analysée tant le moindre plan est d’une perfection rare. « Perfection », c’est le mot. Fincher a réalisé le thriller « parfait » et ultime à l’atmosphère inégalée et inégalable (renforcée par une photo époustouflante) où le cinéaste nous plonge dans un voyage aux confins de l’horreur faite homme, dans une exploration de ses pires facettes. Si noir que l’on en vient encore à se demander comment il a pu rencontrer un tel succès. Pour une fois, le polar ne se résume au récit de la traque par de bons policiers symbolisant le bien, d’un méchant serial killer diabolique seulement incarné par et pour ses meurtres. De vrais idéaux se confrontent ici dans pièce de génie parsemée de symbolismes, qui s’applique à garder du sens coûte que coûte, au risque de s’aventurer sur les traces d’un tableau suffocant de noirceur désespérée par sa réflexion pessimiste sur le genre humain, incarnée par l’opposition entre ce jeune idéaliste naïf et ce vieux briscard fondamentalement cynique et fataliste. Un combat d’idéaux trouvant une attraction gravitationnelle avec « l’œuvre » effroyable de ce serial killer sadique punitif. Un maître-étalon du thriller, pas loin du film d’horreur mais en tout cas un film culte doublé d’un chef d’œuvre intemporel.

Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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