Mondociné

RETOUR À LA VIE de Ilaria Borrelli et Guido Freddi : la critique du film

Partagez cet article
Spectateurs

retour à la vieMondo-mètre
note 6 -10
Carte d’identité :
Nom : Retour à la vie
Parents : Ilaria Borrelli/Guido Freddi
Date de naissance : 2014
Majorité : 04 mars 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : Italie, Cambodge
Taille : 1h29 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Ilaria Borrelli (Mia), Philippe Caroit (Xavier), Setha Moniroth (Srey), Yang Sreypich (Malin), Kiri Sovann (Daa), Sen Somnag (Sanan), Vanyoth Lay (Muny)…

Signes particuliers : Un drame poignant sur l’exploitation sexuelle des enfants en Asie du Sud-Est. Un film passé par de très nombreux festivals.

L’AUTRE VISAGE MOINS GLORIEUX DE L’ASIE TOURISTIQUE

LA CRITIQUE

Résumé : Mia, photographe parisienne à succès, décide de partir au Cambodge pour rejoindre son mari. Ce qu’elle va découvrir sur place va changer à jamais sa conception de la vie. Sa rencontre avec trois jeunes filles va l’amener à traverser le pays pour les aider à retrouver leur famille… Un voyage vers la rédemption, un chemin vers l’espoir et la liberté.  retour_à_la_vie 4L’INTRO :

Marqué par un essor sans cesse croissant depuis les débuts des années 2000, le Sud-Est du continent asiatique s’est imposé comme l’une des destinations touristiques les plus prisées du monde à l’image de la Thaïlande, dont on a de cesse de vanter l’accueil chaleureux des populations locales, les plages paradisiaques ou la flore luxuriante de sa jungle foisonnante. « Le Pays du Sourire » comme il est coutume de le surnommer. Pourtant, derrière cette façade rêveuse, il existe une autre réalité, tout aussi connue et qui alimente régulièrement écrits et articles dénonciateurs. Cette « autre réalité », c’est celle du fléau de l’exploitation sexuelle et de la maltraitance infantile. Et si la Thaïlande revient souvent sur le devant de la scène, c’est tout le continent asiatique qui est frappé par cette tragédie humaine. Après plusieurs rencontres avec des personnes engagées dans la lutte contre ces vérités décriées, les cinéastes Ilaria Borelli et Guido Freddi ont décidé d’aller sur place pour se rendre compte de cette situation intolérable. C’est au Cambodge qu’ils se confronteront à l’horreur. De leurs recherches et entretiens, naîtra une colère bouillonnante face à l’inqualifiable, et l’envie de clamer à la face du monde l’effroyable condition de ces enfants abandonnés à leur propre sort infâmant, dans un monde actuel qui se dit « civilisé ». Retour à la Vie a recours au puissant médium qu’est le cinéma, capable de dénoncer en prenant à son compte l’émotion que peut déverser une histoire forte et révoltante. En somme, le légendaire « pouvoir de l’image ». Leur film, coréalisé et interprété par Ilaria Borelli, à la base comédienne, s’attache au parcours initiatique de Mia, photographe parisienne qui part rejoindre son mari, ingénieur au Cambodge. Ce qu’elle va trouver à l’autre bout du monde, croyant sans doute tomber dans un petit coin de paradis, va la changer à tout jamais.

retour_à_la_vie 2L’AVIS :

Retour à la Vie est quelque part la rencontre du documentaire, du film institutionnel et du cinéma dramatique ébranlant. Né d’une volonté engagée de donner la parole à ces fragiles enfants oubliés, exposés au vice, à la cruauté et à la barbarie, les deux auteurs signent un film à la fois cruel et lumineux, dont la vocation première est de se vouloir un véhicule à l’éveil des consciences en exprimant un propos directement lancé à la figure de son auditoire, sans détour, sans ménagement, n’hésitant à employer le discours face caméra pour faire passer son message, procédé certes peu cinématographique mais qui instantanément, a pour effet d’impliquer le spectateur dans sa cause, de l’obliger à ouvrir les yeux, privé désormais de la porte de sortie de l’ignorance volontaire ou involontaire.retour_à_la_vie 7De l’ombre à la lumière et inversement. C’est le double voyage que propose Retour à la Vie. Pour son héroïne, le trajet personnel qu’elle va entreprendre, va l’amener à se transformer, à redécouvrir au fond d’elle, une humanité qu’elle avait jadis oubliée. La coquille de son monde confortable volant en éclat, elle devient soudainement vulnérable au malheur d’autrui. Et le film d’être le parcours d’une rédemption alors que sa superficialité, son insouciance et sa suffisance viennent brutalement se confronter à l’horreur d’une triste et sordide réalité cambodgienne. Pauvreté extrême, impérialisme étranger défigurant le pays, trafic d’êtres humain, corruption du pouvoir judiciaire, mais surtout exploitation sexuelle et vente d’enfants. Le bilan de la découverte fait froid dans le dos. Retour à la Vie est l’illustration d’un cheminement humain, l’illustration d’une renaissance. Celle d’une femme découvrant l’ambivalence de notre monde actuel, gâchant sa beauté en produisant de l’horreur. Comme si les graines de l’enfer étaient semées au milieu du champ du paradis. A travers une sorte de road movie embarquant son personnage et un petit groupe d’enfants pris dans les mailles d’un système connu, reconnu mais auquel on laisse la liberté inexcusable de perdurer, Borelli et Freddi signent une charge dure et bouleversante, dressant le portrait poignant et révoltant d’un pays à deux visages, à la fois rêveur et cauchemardesque, magnifique et cruel, écartelé entre une face colorée, spirituelle, émouvante de simplicité et empli de valeurs humanistes, et de l’autre, terriblement tragique, douloureuse, abjecte et inacceptable. La beauté des paysages filmés par Borelli et Freddi contraste à chaque minute avec la répugnante tragédie qui les défigure.retour_à_la_vie 3Beaucoup de maladresses contractent la puissance du film. Facilités, esthétique téléfilmée couplée à une réalisation hésitante, voix off peu judicieuse et inadéquate, jeu d’acteur manquant de justesse… L’émotion peine parfois à se cristalliser autour des scènes les plus marquantes, la faute à cette ribambelle de travers traduisant l’inexpérience du duo d’auteurs. Pourtant, on retiendra surtout de cette diatribe énervée, fruit d’un écœurement, d’une prise de conscience et d’une volonté d’agir, la noblesse de sa démarche, celle de confronter le monde à une réalité qui ne doit plus être passée sous silence, celle de donner la parole à ces affaiblis en montrant frontalement leur calvaire. Et si d’un point de vue cinématographique, Retour à la Vie affiche des faiblesses, le fond vient à la rescousse de la forme. Comme une dissertation un peu brouillonne dans la rédaction mais dont le contenu ne manquerait pas d’à-propos et articulerait intelligemment sa démonstration liant les problèmes de la situation dénoncée entre eux. La misère et le désespoir poussant au pire, la vente d’enfants, l’exploitation infantile, encouragée par l’acceptation du tourisme sexuel voire de la pédophilie, et de fait couvert par le système pour ne pas mettre en péril une « économie parallèle »… Au sein de cette mécanique horrifiante, les sourires et les larmes de ces adorables fillettes (sans doute les joyaux de cette œuvre qu’elles illuminent de leur présence) confèrent au film toute sa vitalité et finissent de nous achever, nous abandonnant désarçonné, face à nous-même et à la responsabilité du monde tout entier face à cette situation si lointaine jusqu’ici, et désormais si proche. La voix de Srey, adorable fillette témoin (et éblouissante Setha Moniroth) n’est finalement que la voix de centaines d’autres derrière elle. Et son histoire abominable est celle de centaines d’autres fillettes comme elle.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux