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REBEL de Adil El Arbi et Bilall Fallah : la critique du film

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Nom : Rebel
Mère : Adil El Arbi et Bilall Fallah
Date de naissance : 2021
Majorité : 31 août 2022
Type : sortie en salles
Nationalité : Belgique
Taille : 2h15 / Poids : 8 M€
Genre : Drame, Thriller

Livret de Famille : Aboubakr BensaihiLubna AzabalAmir El Arbi

Signes particuliers : Le choc de la rentrée.

Synopsis : Kamal décide de se rendre en Syrie afin de venir en aide aux victimes de la guerre. Mais à son arrivée, il est forcé de rejoindre un groupe armé et se retrouve bloqué à Raqqa. Son jeune frère Nassim, qui rêve de le rejoindre, devient une proie facile pour les recruteurs du djihad. Leïla, leur mère, tente alors de protéger son plus jeune fils.

VOYAGE SANS RETOUR

NOTRE AVIS SUR REBEL

C’est peu dire si le parcours d’Adil El Arbi et Bilall Fallah inspire le respect. Les deux membres du duo néerlandophone ont roulé leur bosse dans leur Belgique natale, accouchant d’œuvres sociales percutantes à base de trafic de drogues et de guerres de clans (Black et Patser). En parallèle, ils décollent pour les États-Unis où, repérés par le producteur Jerry Bruckheimer (Top Gun, Rock, la saga Pirates des Caraïbes), ils donnent vie à Bad Boys for Life. Succès critique et commercial acquis, ils rejoignent les écuries Marvel et DC, d’abord pour la série Miss Marvel et ensuite pour le malheureux projet Batgirl, qui ne verra jamais le jour.

Mais leur destinée cinématographique est vouée à « rentrer à la maison ». En témoigne ce retour aux sources avec Rebel, long-métrage ambitieux au sujet sulfureux. Mûri depuis leurs débuts derrière la caméra, il tient avant tout d’un constat d’échec. Social d’abord, en narrant le recrutement d’enfants soldats par Daesh au sein de cercles communautaires restreints. Humain ensuite, en dévoilant l’impuissance des familles et de la sphère politique à lutter contre ces embrigadements forcés. Nous suivons alors le récit de Kamal, jeune voyou et rappeur de Molenbeek qui, désireux de venir en aide aux civils victimes du conflit en Syrie, part pour « une guerre qui n’est pas la sienne ». Il est alors enrôlé au sein de l’État Islamique où, pour survivre, il participera à la propagande du régime. Dans le même temps, son petit frère Nassim (joué par Amir El Arbi, le petit frère d’Adil) sombre petit à petit dans le piège des recruteurs.

Ce qui fascine dans Rebel est le caractère prototypique de sa structure. Dans cet âpre pamphlet contre l’islamisme radical, Adil El Arbi et Bilall Fallah assument les ruptures de ton, dans une œuvre tenant autant du drame social, du film de guerre immersif que du musical. Et de réussir, grâce à un montage minutieux et un remarquable sens du dosage, un exploit. Car ce serpentement des genres est une réussite à presque tous les niveaux. Désireux d’aborder ce sujet difficile sur différents prismes, le duo emballe des séquences d’action explosives dont la force tient sur l’économie de moyens, pourtant jamais ressentie à l’écran. Seulement une ou deux prises, des protagonistes perdues sur le champ de bataille et une lumière tournant vers l’ocre d’un soleil brûlant. De quoi comprendre rapidement où les cinéastes ont puisé : Michael Bay et son 13 Hours ou encore Ridley Scott avec La Chute du Faucon Noir. Le monteur de ce dernier, Pietro Scalia, a d’ailleurs été impressionné par le travail d’El Arbi et Fallah sur Rebel, selon leurs propres mots. Ce chaos humain est transcendé par le rôle symbolique de Kamal. Bleu du champ de bataille, il doit immortaliser la gloire de terroristes prêts à mourir pour s’accomplir en tant d’hommes. La caméra se mue alors en arme de guerre aussi redoutable qu’une Kalashnikov, transformant un combat vain en utopie guerrière.

Œuvre dense aux multiples points de vue, Rebel arrive à condenser les destins de tous ses protagonistes en un peu plus de deux heures, en tirant le meilleur de ses archétypes. De la mère courage au héros désavoué en passant par la descente aux enfers du petit frère en quête de repères, les réalisateurs donnent du cœur à des héros tourmentés subissant les foudres d’une impalpable destinée divine. Chapitré en poèmes arabes, Rebel prend alors la forme d’un conte amer, une réinterprétation personnelle et désespérée des Milles et Une Nuits. En son sein résidant plusieurs merveilles : des moments musicaux où les personnages se livrent et tentent de retrouver un havre de paix. Des instants de pure humanité, dont la grâce des chorégraphies et la poésie des textes apaisent le cœur entre deux séquences d’horreur.

Long-métrage sombre et audacieux, Rebel est, à coup sûr, le choc de cette rentrée cinématographique. À cheval entre lyrisme, émotion et tension brute, Adil El Arbi et Bilall Fallah réalisent leur film le plus personnel, abouti et humain. Une déflagration où la force des symboles et surtout, leur juste utilisation, ravie les yeux et fend le cœur. Un immanquable en salles tant son ambition formelle en fait une expérience cruellement rare.

 

Par Louis Verdoux

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