Mondociné

MALAVITA de Luc Besson
En salles – critique (comédie)

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note 5.5
Carte d’identité :
Nom : Malavita (aka The Family)
Père : Luc Besson
Livret de famille : Robert De Niro (Fred Blake), Michelle Pfeiffer (Maggie Blake), Tommy Lee Jones (Stansfield), Dianna Agron (Belle), John D’Leo (Warren), Jimmy Palumbo (Di Cicco), Domenick Lombardozzi (Mimmo), Stan Carp (Luchese)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 23 octobre 2013 (en salles)
Nationalité : France, USA
Taille : 1h51
Poids : 30 millions $

Signes particuliers (+) : Une comédie mâtinée d’action attachante, transpirant la sincérité et la légèreté de s’amuser d’un concept plein de drôlerie loufoque emmenant l’éternel décalage des cultures franco-américaine sur le terrain de la mafia en y conviant une distribution magistrale. Le casting est énorme et c’est (en partie) français !

Signes particuliers (-) : Luc Besson avait de l’or entre les mains et passe en partie à côté de l’énorme potentiel réjouissant de son postulat qui ne demandait qu’à être fructifié, par souci de n’avoir trop su comment gérer la transposition de l’histoire du roman en objet cinématographique, sans l’avoir judicieusement retravaillée pour l’aérer. Un peu long, pas suffisamment concis et efficace, tantôt trop ou pas assez rythmé, Malavita a du mal à dénicher la bonne carburation pour être libre de se concentrer sur ses qualités.

 

L’AUTRE NORMANDIE, L’AUTRE MAFIA

Résumé : Une famille de mafieux est envoyée se planquer dans la Normandie profonde, dans le cadre du programme de protection des témoins. Le décalage culturel est instantané pour les Blake, mari, femme et enfants…

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L’INTRO :

Après le flop de The Lady, son biopic sur la figure de la résistance politique chinoise Aung San Suu Kyi, on se demandait bien dans quelle direction allait se diriger notre Luc Besson national pour redonner un coup de boost à une carrière qui commence à patiner. Adèle Blanc-Sec n’a pas été un triomphe, le dernier volet de la trilogie Arthur et les Minimoys n’a pas atteint les sommets espérés. De quoi gêner la progression et l’expansion de sa société EuropaCorp qui continue d’afficher des intentions de plus en plus ambitieuses pour concurrencer le cinéma américain sur et en dehors de notre territoire et faire levier pour tirer le cinéma français vers le haut sur les terrains du spectacle et du blockbuster avec des projets de plus en plus internationaux (on pourra peut-être lui reprocher des tas de choses mais au moins pas d’essayer de réveiller la léthargie de notre système). Besson nous revient finalement avec un projet qui à la base ne lui était pas destiné. Le cinéaste était censé seulement produire et éventuellement participer à l’écriture de cette adaptation du succès de librairie de Tonino Benacquista, Malavita. Mais quand les réponses aux propositions de casting vous reviennent toutes positives et que vous vous retrouvez avec des Robert De Niro, Michelle Pfeiffer ou Tommy Lee Jones au générique, difficile de ne pas voir monter une furieuse envie de s’accaparer un projet. Et le voilà de nouveau en selle avec un long-métrage excitant à la carrure internationale et au casting cinq étoiles.

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Mais il faut bien avouer qu’il n’y a pas que le casting d’alléchant sur Malavita. Il y a l’histoire de Tonino Benacquista aussi. Une plongée très originale dans l’univers de la mafia qui détonne complètement de la production habituelle du genre par son ton à la fois plausible mais dans le même temps complètement loufoque et surréaliste. De leur aveu, c’est ce qui a attiré l’ensemble de la distribution sur le film et pas qu’eux puisque, qui dit « film de mafia » dit « parrain » et qui dit « parrain » dit « producteur ». Et quel meilleur producteur délégué et sorte de « parrain officieux » que l’empereur du genre, maître Martin Scorsese ? Le cinéaste culte des Affranchis ou Casino s’est montré séduit lui-aussi au point d’avoir eu envie de prendre part à l’aventure. Il n’y a avait certainement pas de meilleure « caution » possible pour un tel film qui nous emmène dans la Normandie profonde, pas celle bling bling de Deauville ou d’Etretat avec leurs populations friquées non, celle de Cholong-sur-Avre, trou paumé (imaginaire) pas loin d’une version française et comique de la campagne redneck américaine. Un nulle part où atterrissent une famille de mafieux de Brooklyn placée anonymement dans le cadre du programme de protection des témoins. Autant vous dire que le décalage est savoureux car voir De Niro en robe de chambre et pantoufles dans une vieille bicoque normande décrépie, Michelle Pfeiffer larguée dans une supérette de village tenue par des « semi-bouseux » à la recherche de beurre de cacahuète, Tommy Lee Jones à fond en Citroën Xantia ou des ados (la douce Dianna Agron et John D’Leo) typiquement ricain confrontés à la ringardise des lycées français et leur populace débilo-boutonneuse… ça n’a pas de prix !

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L’AVIS :

Malavita, c’est une affaire de choc culturel et de travers exagérés tournés en dérision, deux imaginaires diamétralement opposés qui s’entrechoquent en forçant le trait de part et d’autre en jouant sur les points de vue faussés respectifs. D’un côté, le glamour de l’américanisme et sa « cool attitude » naturelle fantasmée et de l’autre, la franchouillardise ringarde absolue caricaturée. A cheval, Besson a au fond de lui les deux cultures et s’impose peut-être comme le mieux placé pour surligner judicieusement les traits humoristiques des deux univers. L’idée était géniale. Le matériau de base était bon. Le casting est délicieux. Le nabab du cinoche français a pour lui un savoir-faire question grosse production rythmée et efficace. Et l’histoire ménage une grande diversité de scènes entre comédie, thriller et action pétaradante. Il n’y avait aucune raison pour que ça foire. Aucune. Enfin…

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Sur le principe, Malavita est sympathique. Sur le principe, Malavita est amusant et toujours sur le principe, Malavita fait passer un bon moment avec une honnêteté d’âme qui n’est à aucun moment à remettre en cause tant on sent son impliqué auteur, s’éclater comme un petit fou avec un jouet décalé et sans prétention auquel il essaie de conférer à la fois tendresse, légèreté, drôlerie, hommage et divertissement. Besson opte en l’occurrence pour la meilleure direction à prendre, l’humour, et fait de son film une sorte de relecture d’un après Les Affranchis en version comico-parodique décalée, invitant (toutes proportions gardées) les antagonismes amusants des deux cultures chers à Julie Delpy, dans l’univers de la pègre. Sa comédie familiale fait ce qu’il faut, trouve les bonnes situations, cerne de bons personnages psychotiques, cible les justes points propices à l’hilarité, touche du doigt le bon ton, développe les bons rouages et donne la part belle à ses comédiens pour qu’ils s’amusent dans un feel good movie original et distrayant. L’effort était à deux doigts de la réussite indiscutable mais la mécanique s’est enraillée en cours de route et le résultat est une petite déception en regard des attentes. Limitée cela dit, car on ira pas jusqu’à dire que Malavita se plante dans les grandes largeurs, mais clairement, Besson passe à côté d’un potentiel énorme, la faute à un travail d’adaptation pas toujours juste et intelligemment entrepris. Le plus gros point noir de l’affaire est de ne pas avoir su prendre à bras le corps son matériau de base pour le retourner dans tous les sens, le défaire pour mieux le refaire. Malavita transpire la lourdeur d’un roman mal retravaillé dans son optique cinématographique et la cinégénie a du mal à opérer. Trop lourd, trop de gras, trop de choses qu’il aurait été judicieux d’évacuer pour aérer les interlignes, le script semble un peu trop indigeste, un peu trop mécanique et surtout un peu trop long et redondant avec son sens de l’équilibre mal déployé, parfois trop rapide, souvent trop lent, rarement prenant et exaltant. Besson injecte pourtant une bonne dose de folie second degré dans son récit et s’applique à essayer de donner un cachet fun et décomplexé à cette sorte de nouveau cinéma personnel qui affiche une forme de maturité libérée dans le plaisir de tourner sans considérations autres que la joyeuserie de signer un comédie fraîche, old school et très américaine dans l’âme, vrillant parfois vers l’esprit de classiques comme Ladykillers ou Arsenic et Vieilles Dentelles. Étrangement, Malavita fait se côtoyer le meilleur et le moins bon dans un film au final frustrant, presque lancé vers le très bon mais freiné par un parachute de maladresses le faisant stagner dans le moyen bancal. Et par exemple, sur un terrain équivalent jouant du choc des univers entre pègre et bourgade paisible, on préfèrera un Bons Baisers de Bruges, nettement plus abouti.

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Par à-coups, Luc Besson réussit son entourloupe et Malavita amuse et distrait avec plaisir. Mais ce n’est que par à-coups dans un ensemble paradoxal, alternant des sommets bien sentis (la scène du ciné-club) et d’autres longs pans plus ennuyeux où le film se traîne entre monotonie, clichés narratifs et prévisible. Paradoxal aussi car même si cet exercice est mineur, même s’il est égratigné de défauts sacrément visibles en atténuant plus que grandement la qualité, il parvient pourtant à trouver un ton qui le hisse au-dessus de bon nombre des récentes sorties du bonhomme et surtout, s’octroie un capital sympathie qu’étrangement, on n’explique pas. Malavita serait-il finalement sauvé par ses bonnes choses qui en font une œuvre en demi-teinte, un film jamais transcendant mais toujours sympathique, animé par l’énergie de sa distribution qui prend ouvertement du plaisir à tourner les uns avec les autres ? On ne sait pas mais toujours est-il que l’on ne déteste pas, pas plus que l’on aime d’ailleurs, de même que l’on s’ennuie un peu parfois mais finalement pas trop ou que l’on s’éprend d’attachement pour cette douceur déjantée sans pour autant vraiment y adhérer. Oui, Malavita est vraiment un film de paradoxes qui peut-être se bonifiera avec le temps. Ou pas. Et Besson a failli signer son meilleur film depuis des lustres. Mais une chose est sûre, il y avait là matière à mieux. Toutefois, la virée champêtre nourrie à l’humour noir n’est pas désagréable non plus.

Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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