Aujourd’hui, Waterworld est un film culte pour beaucoup de monde. Mais un film culte qui a tristement bâti sa légende non pas sur ses ambitions de grand spectacle aquatique, mais en bonne partie sur deux points. D’abord, il fut, en 1995, le film le plus cher jamais produit à Hollywood. Ensuite, quelques mois plus tard, il devînt l’un des plus mémorables échecs de l’histoire du box office américain. Mais derrière ces histoires de chiffres qui ont fait couler beaucoup d’encre, se cache un tournage qui pourrait sonner comme une bonne définition du mot « enfer ». Tout le monde savait à l’époque que ce ne serait pas une partie de plaisir (même Spielberg, encore traumatisé par les galères rencontrées sur Les Dents de La Mer, avait conseillé à Kevin Reynolds de ne pas s’embarquer dans cette pataugeoire annoncée), mais personne s’imaginait à quel point.
Les emmerdes ont commencé dès les premiers jours. À Hollywood, et surtout dans les studios de cinéma, il y a des financiers. Des mecs spécialisés dans le pognon, quoi en faire, comment le dépenser et surtout comment en gagner. C’est assez hallucinant que personne n’ait ainsi pu prévoir l’explosion du budget du film qui était pourtant…. en partie prévisible. À la base, Waterworld devait coûter 100 M$. À l’arrivée, il en a coûté 175 (et plus de 230 en comptant le marketing). Pourquoi ? Tout simplement parce que personne n’avait prévu l’ampleur du coût des… transports et autres petits frais ! Mais attention, quand on parle des transports, il ne s’agit pas du Pass Navigo pour le métro ou des billets de train pour l’équipe hein, on parle là du coût pharamineux des bateaux pour acheminer quotidiennement l’équipe et le matériel en pleine mer. Parce que oui, au lieu de faire dans la facilité et de tourner le film dans un bassin géant façon Titanic ou L’Odyssée de Pi, les mecs ont voulu faire les malins et tourner réellement en pleine mer ! Précisément à plus d’un kilomètre des côtes d’Hawaï, où un atoll artificiel a été construit pour accueillir le tournage. Le réalisateur Kevin Reynolds explique ainsi qu’en terme de logistique, c’était dingue, limite suicidaire. Tous les jours, il fallait emmener les comédiens, les costumes, le matériel et des centaines de techniciens et figurants sur l’atoll. Et à l’heure du déjeuner… Bah il fallait ramener tout le monde sur la terre ferme et rebelote après la pause déj dans l’autre sens. T’es gentil Kevin mais vous pouviez pas prévoir une cantine sur place sans déconner ?! Bref. Une vraie galère qui n’a cessé d’enfler quand plusieurs bateaux ont rendu l’âme et qu’il a fallu les payer ! Cerise sur les gâteaux, les mecs n’avaient pas non plus songé au coût de l’installation de toilettes flottants pour soulager les besoins pipi/caca/nausées des 400 membres de l’équipe. Bref, des millions et des millions engloutis ! Comme certains décors au passage, qui ont coulé pendant le tournage !
Mais le pire dans l’histoire, c’est que tout ce bordel financier n’est que le sommet de l’iceberg d’emmerdes vécus sur ce tournage maudit. Passons à Kevin Costner. Tout se présentait bien pour la star. Costner avait le vent en poupe alors que Bodyguard venait de pulvériser le box office. Aux commandes du film, Kevin Reynolds était un ami de longue date avec qui il avait déjà travaillé deux fois, sur Une Bringue d’Enfer et surtout sur le succès Robin des Bois. En gros, se profilait pour lui un tournage pas forcément tranquillou bilou mais hyper sympa quand même, et sous les tropiques en prime. On a vu pire. Mais en fait non, Costner n’avait jamais vu pire. Le festival olympique de la loose a commencé très vite. Première victime, sa doublure, qui passa pas loin de la mort suite à un accident de plongée. Puis ce seront les actrices Jeanne Tripplehorn et Tina Majorino qui se prendront un mât dans la gueule et tomberont à l’eau. Ok, tout le monde morfle sauf Kevin donc ? Minute papillon, ça vient. Un jour de tournage, la météo devînt capricieuse et l’acteur s’est retrouvé pris dans une énorme tempête alors qu’il tournait une scène accroché à un mât de bateau. Une frayeur qui allait inaugurer des semaines de galères entre un mal de mer terrible et des piqûres de méduses régulières (et bon dieu, qu’est-ce que ça fait mal cette saloperie !). Et pour couronner le tout, le Kevin ruminait sa frustration face à un tournage où se multipliaient les soucis techniques qui gâchaient son plaisir de jouer. Il fallait parfois des heures de réglages pour filmer une scène, sans compter la houle qui perturbait la réalisation ou les baleines qui s’incrustaient dans les plans. Résultat, une scène d’action pouvait s’étendre sur des jours et des jours. Pas de quoi rassurer le comédien qui était aussi un producteur contraint d’assister impuissant à l’inflation du budget de l’affaire. Et forcément quand un acteur devient chafouin, ça dérape.
Lentement mais sûrement, de grosses tensions ont commencé à naître entre les deux Kevin, Costner et Reynolds. Le premier s’est mis à douter des capacités du second, à ne plus trop lui faire confiance et à vivement critiquer tous ses choix artistiques. L’acteur imaginait un grand spectacle d’aventure épique, le réalisateur visait quelque chose de plus sombre et violent. D’électrique, l’ambiance deviendra bien pourrie, pas arrangée par l’humeur massacrante d’un Costner qui voit en prime son mariage subir de plein fouet les révélations de la presse à scandale sur une liaison qu’il entretiendrait avec une danseuse de l’hôtel où il demeure. Décidément, quand ça ne veut pas… La brouille se terminera en post-production quand Kevin Reynolds sera débarqué du montage final. Certains diront qu’il a claqué la porte, d’autres que Costner l’a viré. Et Reynolds de mettre un point final à l’histoire en sortant cette phrase légendaire en référence au succès de Danse avec les Loups : « Kevin Costner ne devrait jouer que dans les films qu’il réalise, comme ça il travaillerait à la fois avec son acteur et son réalisateur préféré ». Allez, histoire de pas terminer cette chronique sur une sale note, rappelons que les deux bonhommes se réconcilieront 15 ans plus tard et retravailleront ensemble sur la série western Hartfields & McCoys.
j’adore l’écriture de cet article, un beau résumé
C’est un super film !
Que c’est mal écrit !
Des détails qui m’intéressent vraiment.