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LA TAVERNE DE LA JAMAÏQUE d’Alfred Hitchcock : la critique du film

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3D LA TAVERNE DE LA JAMAÿQUE BD DEFMondo-mètre
note 3 -5
Carte d’identité :
Nom : Jamaica Inn
Père : Alfred Hitchcock
Date de naissance : 1939
Majorité : 06 avril 2016
Type : Sortie en vidéo
(Éditeur : Carlotta Films)
Nationalité : USA
Taille : 1h39 / Poids : NC
Genre : Thriller, Policier

Livret de famille : Charles Laughton, Maureen O’Hara, Leslie Banks, Emlyn Williams, Robert Newton…

Signes particuliers : Un Hitchcock resté dans l’ombre de ses grands classiques, qui fête aujourd’hui ses 75 ans avec une nouvelle version restaurée en 4k.

MÊME EN MODE MINEUR, HITCHCOCK RESTE HITCHCOCK

LA CRITIQUE

Résumé : À la mort de sa mère, la jeune Mary Yellan part en Cornouailles retrouver la seule famille qui lui reste : sa tante Patience et son mari Joss. Ce dernier est le tenancier de la taverne de la Jamaïque, un lieu à la réputation des plus sordides, repaire des brigands du coin. Le soir de son arrivée, Mary sauve la vie d’un des malfrats, Jem Trehearne, accusé d’avoir volé une part de leur dernier butin. Tous deux parviennent à s’échapper de la taverne et trouvent refuge chez l’excentrique juge Pengallan. Mais ils ignorent que ce dernier est en réalité le chef des bandits, à la tête de toutes les opérations de pillage…LA TAVERNE DE LA JAMAÿQUE 05L’INTRO :

Juste avant de quitter la Grande-Bretagne pour aller embrasser une deuxième et brillante carrière du côté des Etats-Unis, Alfred Hitchcock signa un ultime film anglais en adaptant pour la première fois, un roman de l’illustre Daphne du Maurier, romancière qu’il retrouvera dans la foulée outre-manche avec le chef-d’œuvre Rebecca, puis quelques années plus tard avec le non moins fabuleux Les Oiseaux. De son propre aveu, La Taverne de la Jamaïque n’était pas un bon film, Hitchcock l’ayant souvent jugé déséquilibré et mal-écrit, faisant référence aux libertés prises d’avec le livre originel sur la demande de son interprète principal, un capricieux Charles Laughton (acteur-producteur) désireux de voir son rôle davantage étoffé et plus présent à l’écran. Néanmoins, il devait être gravé quelque-part que même un « petit Hitchcock » serait au final, un bon film. Car en dépit de ses faiblesses eu égard à la grandeur de l’œuvre du cinéaste britannique, La Taverne de la Jamaïque demeure comme une bonne série B flirtant avec le genre et illuminée par la beauté et le talent de la toute jeune Maureen O’Hara, justement imposée par un Laughton inspiré sur ce coup-ci.

LA TAVERNE DE LA JAMAÿQUE 01L’AVIS :

C’est un secret de polichinelle pour personne, mais Alfred Hitchcock était un grand perfectionniste, capable de s’auto-juger avec une extrême sévérité. Pas étonnant ainsi, de le voir trouver à redire sur ce dernier film de sa période britannique avant son exil américain, probablement l’un de ses plus faibles, force est de le reconnaître. Mais Hitchcock reste Hitchcock, et si La Taverne de la Jamaïque pourra être perçu comme mineur comparé à ses plus hauts faits d’armes, s’il souffre en effet de bien des défauts, notamment d’un script assez sommaire aux ficelles cousues de fil blanc, le cinéaste aura su élever cette production de studio coincée entre exigences imposées et marge de manœuvre réduite. Ce qui aura attiré le metteur en scène dans le livre de Daphne du Maurier (outre le fait qu’il y voyait un tremplin pour adapter ensuite Rebecca), ce sera ni plus ni moins que des thématiques que l’on retrouvera dans une grande partie de sa filmographie, du Crime était presque parfait à Vertigo en passant par Psychose, Fenêtre sur Cour, L’Ombre d’un Doute ou Les Enchaînés. Hitchcock a toujours été fasciné par les thématiques du double, du faux-semblant, du simulacre et de la manipulation. Avec La Taverne de la Jamaïque, film policier et d’aventure flirtant avec le thriller de genre, le cinéaste s’amuse une fois de plus de ces procédés qui lui étaient chers, jouant ainsi avec le spectateur et avec la structure de son long-métrage aux rebondissements malins, quoique prévisibles pour certains. Il s’amuse surtout de son personnage principal campé par Laughton, imposant protagoniste remplissant l’écran avec son double-visage aux allures de Docteur Jekyll & Mister Hyde inquiétant. LA TAVERNE DE LA JAMAÿQUE 02Plongeant dans les obscurs tréfonds des Cornouailles nocturnes terrifiantes, Hitchcock déploie une mise en scène à l’image de son film, partagée entre un statisme un brin poussiéreux et des fulgurances artistiques venant rappeler le génie de son auteur, notamment quand son amour laisse transparaître pour l’expressionisme allemand traverse l’écran. « Hitch » joue avec un noir et blanc très figuratif, avec des cadrages au symbolisme fort, avec une atmosphère gothique, des décors et une photographie cristallisant le trouble et l’étrangeté en plus de renforcer la dynamique déformant la réalité, mais aussi avec une certaine exagération permanente, notamment dans le jeu d’un Charles Laughton dont le machiavélisme vient flirter avec le fantastique voire l’horreur. Petit film à l’arrivée, probablement rendu ainsi par un Laughton qui n’aura pas permis à Hitchcock de pouvoir en disposer à sa guise, La Taverne de la Jamaïque est tout de même fort intéressant sur un point, celui de montrer à quel les plus grands cinéastes parviennent toujours à exprimer leur talent d’une manière ou d’une autre, malgré les contraintes. Et en parlant de contraintes, la censure aura également gêné Hitchcock, obligé de changer la nature de son grand-méchant (à l’origine pasteur, il devient un juge). Il n’empêche que La Taverne de la Jamaïque étonne par la violence de ses images et de son univers rempli de brigands meurtriers, voleurs et menteurs.3D LA TAVERNE DE LA JAMAÿQUE BD DEF

LE TEST BLU-RAY

La restauration 4k aura fait un bien fou à ce « vieux » Hitchcock d’avant-guerre. Image impeccable (format 1:33 respecté) et son retravaillé pour un rendu en DTS-HD Master Audio 1.0, La Taverne de la Jamaïque retrouve des couleurs, enfin plutôt, retrouve un beau Noir & Blanc contrasté et visuellement magnifique. Côté suppléments (en HD sur le Blu-ray), Carlotta Film propose un entretien d’environ 13 minutes avec Donald Spoto (auteur de l’ouvrage La Face cachée d’un Génie : la vraie vie d’Alfred Hitchcock). Passionnant spécialiste d’Hitchcock, ce dernier revient sur le travail d’adaptation du roman de Daphné du Maurier par le cinéaste (dont le réel objectif était de pouvoir s’attaquer ensuite à son Rebecca), sur les concessions qu’il a dû faire pour respecter les règles de la censure américaine (Paramount y distribuant le film), sur la découverte de la jeune Maureen O’Hara par Charles Laughton qui la catapulta dans ce projet dont il était producteur. Spoto évoque par la suite, sur le tournage du film avec ses décors entièrement reconstitués en studio ou encore marqué par les relations compliquées entre Hitchcock et un Charles Laughton tout en égocentrisme. De cette présentation racontée avec clarté et intérêt, on retient surtout qu’Hitchcock aura su faire d’un projet à bien des égards pénible, un bon film.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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