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DESIERTO de Jonas Cuaron : la critique du film

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note 4 -5
Carte d’identité :
Nom : Desierto
Père : Jonas Cuaron
Date de naissance : 2015
Majorité : 13 avril 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : Mexique
Taille : 1h40 / Poids : 3 M$
Genre : Thriller

Livret de famille : Gael García Bernal (Moises), Jeffrey Dean Morgan (Sam), Alondra Hidalgo (Adela), Diego Catano (Mechas), Marco Pérez (Lobo), Oscar Flores (Ramiro)…

Signes particuliers : Un survival en plein désert aussi haletant qu’intelligent. Coup de maître pour le fils Cuaron !

DUEL AU SOLEIL

LA CRITIQUE

Résumé : Moises, un clandestin mexicain, cherche avec d’autres migrants à traverser la frontière américaine et à échapper à un agent sans foi ni loi. La confrontation vire au duel dans les grands espaces désertiques du sud de la Californie…desierto-gael-garcia-bernal-trailer-stxL’INTRO :

Fils du renommé Alfonso (Le Fils de l’homme, Gravity), Jonas Cuaron avait déjà montré quelques aptitudes intéressantes à la mise en scène en faisant ses dents notamment sur un premier long-métrage en 2007 (Year of the Nail), puis sur le court Aningaaq, qui avait pas mal fait parler de lui dans l’ombre de Gravity, dont il en était une sorte de mini spin-off montrant, côté Terre, la conversation entre Sandra Bullock et l’inuit qu’elle avait réussi à capter par hasard sur sa fréquence radio depuis l’espace. Trois ans plus tard, Cuaron fils livre son second long-métrage avec Desierto, thriller mexicain à petit budget, en partie coproduit par son paternel. Ca aide. Mais attention, n’allez pas croire que le Jonas doit son « succès » uniquement à son nom prestigieux. Un peu comme chez les Cassavetes ou les Coppola, manifestement le talent est quelque chose d’héréditaire chez les Cuaron, et dans le cas de Jonas, il ne demandait qu’à s’exprimer à travers un film ambitieux, du moins plus qu’il n’en a l’air de prime abord. C’est désormais chose faite avec ce nouvel effort porté par Gael Garcia Bernal, qui a connu les honneurs du festival de Marrakech et d’une présentation à Toronto, d’où il est reparti avec le prix Fipresci.desierto-trailer-00L’AVIS :

Dans l’immensité d’un décor naturel à la fois aéré et fermé en ce sens que les grands espaces autour de la bordure américano-mexicaine y prennent rapidement des allures de huis-clos à ciel ouvert pour les quelques protagonistes qui vont s’y affronter, Desierto est un thriller hargneux dont la trame repose sur pas grand-chose en apparence. Des migrants illégaux qui essaient de passer la frontière afin d’aller tutoyer le rêve américain, se retrouvent traqués en plein désert par un psychopathe de la gâchette (Jeffrey Dean Morgan), lancé dans une effroyable chasse à l’homme pour repousser cet envahisseur qu’il juge responsable de tous les maux de sa glorieuse patrie à la saveur fanée. L’archétype même du raciste patriotique aveuglé par sa haine et son propre misérabilisme, pensant que cette gangrène humaine vient lui voler ses privilèges et son propre idéal du rêve américain, en égratignant la souveraineté de son pays. Dans ce coin de terre du Nouveau-Mexique devenu le théâtre d’un enfer semblable à une prison sans échappatoire, ces malheureux aspirants à une vie meilleure vont alors devoir lutter pour leur survie jusqu’à leur dernier souffle, dans un duel sans concession à la vie à la mort, face à cette machine meurtrière inarrêtable, armé de son fusil longue portée et de son molosse de chien dressé pour tuer. Et alors que l’affrontement sous un soleil de plomb se charge continuellement en tension irrespirable, Jonas Cuaron inventerait presque le survival spaghetti. Haletant et tendu comme une corde raide en plus d’être implacable, Desierto impose une cadence infernale avec sa course-poursuite sans relâche ni répit, prenant le spectateur en otage dans les mailles de ses filets dès le lancement de sa machine redoutable, pour ne le lâcher qu’au terme d’un affrontement de plus en plus rapproché et suffocant.desierto

Mais toute l’intelligence de Desierto est de parvenir brillamment à dépasser son statut de thriller apnéique exploitant religieusement son pouvoir de soumission à une irrespirable cavale contre la mort. Au-delà de son spectacle d’un duel tragique, le cinéaste impose surtout une violente parabole de la brutalité de l’apprentissage du rêve américain, conjugué à l’effondrement des croyances illusoires de son existence. D’un côté, des espoirs convaincus de vie meilleure. De l’autre, un défenseur acharné de ses acquis, prêt à tout pour défendre les cendres d’une ancienne Amérique qu’il juge en perdition. Ils pensent que le rêve américain va les sortir de leur condition et de la pauvreté, ils font faire l’expérience d’un cauchemar que va leur réserver cette nouvelle terre d’accueil inhospitalière qu’ils ont vu plus belle qu’elle n’est. Avec Desierto, Jonas Cuaron visait plus que le simple divertissement effrayant et poignant. Le metteur en scène fond dans sa mécanique effrénée, une illustration terrible d’un véritable problème politique et social. Ils s’appellent les Minutemen, ces membres de milices armées autoproclamés gardiens de la souveraineté des frontières américaines. Ils patrouillent le long des bordures du Texas et traquent les malheureux qui auraient le tort de vouloir entrer illégalement dans le pays. Ces ultra-républicains borderline n’ont qu’un idéal en tête, protéger et servir, quitte à outrepasser leurs fonctions en s’érigeant comme une néo-police en guerre et sans pitié, repoussant un ennemi sur le point de les envahir. Oui, Desierto a beau être une fiction, ce qu’il raconte n’est que le portrait à peine déguisé d’une réalité extrême et terrifiante. Quand la qualité d’une réflexion pertinente vient s’allier à la forme d’un thriller au suspense terriblement étouffant, alors Jonas Cuaron réussit vraiment son coup de maître. Et Desierto d’embrasser toute sa portée de petit film par l’apparence mais immense par les intentions, véritable anti-portrait du rêve américain et témoin de ce qu’il se passe, quelque part dans une certaine Amérique horrifiante.desierto-toronto-film-festival1

Plastiquement magnifique et intensément racé, Desierto est une admirable réussite frôlant la perfection. Seule ombre au tableau (et elle est microscopique), deux minutes de conclusion dont Cuaron aurait pu se passer, pour mieux terminer sur un plan précédent du fameux désert blanc, dont la beauté était aussi magistrale que symbolique. Mais quelle claque quand même !

BANDE-ANNONCE VO :

Par Nicolas Rieux

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