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OH, CANADA de Paul Schrader : la critique du film

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Nom : Oh, Canada
Père : Paul Schrader
Date de naissance : 18 décembre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h35 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Richard GereUma ThurmanJacob Elordi

Signes particuliers : Peut-on parler d’un « bon film raté » ?

Synopsis : Un célèbre documentariste canadien accorde une ultime interview à l’un de ses anciens élèves, pour dire enfin toute la vérité sur ce qu’a été sa vie. Une confession filmée sous les yeux de sa dernière épouse…

DANS LES LIMBES D’UNE MEMOIRE QUI S’EFFRITE

NOTRE AVIS SUR OH, CANADA

Après des années plus difficiles, le mythique Paul Schrader revient en grâce avec des films salués. The Card Counter était excellent, son dernier The Master Gardener était de bonne tenue, et voilà que le père de Taxi Driver se retrouve propulsé à Cannes, en compétition officielle. Son dernier Oh, Canada, porté par le revenant Richard Gere, entouré d’Uma Thurman et de la néo-star que tout le monde s’arrache Jacob Elordi, est l’adaptation d’un roman éponyme de Russell Bank. A l’approche de la mort alors qu’il est condamné par la maladie, Loonard Fife, un célèbre réalisateur de documentaires réputé dans le monde entier, revient sur sa vie face caméra, pour d’anciens étudiants qui ont suivi ses traces en devenant des documentaristes oscarisés. Alors qu’il s’attaque à parler, ses souvenirs remontent et se mélangent dans sa tête.
Difficile de cerner ce nouveau Paul Schrader qui a autant de qualités que de défauts, qui est à la fois très malin dans ce qu’il entreprend et partiellement loupé dans la manière dont il l’exécute. Peut-on faire un bon film raté ? Paul Schrader montre que oui en réalisant une oxymore cinématographique. La structure très éclatée, le mélange de couleur et de noir et blanc, les incessants changements de formats d’image et surtout l’agencement de séquences qui se contredisent sans cesse les unes les autres en mélangeant les visages, les personnages, les temporalités, les histoires et les incohérences, tout cela participe à créer une extrême confusion rendant la lisibilité du film difficile. Il faut un temps plus ou moins long selon les uns ou les autres, pour comprendre ce que veut faire Paul Schrader et appréhender l’idée qui anime son drame et le dispositif qu’il déploie. Ce n’est qu’une fois saisi que Oh, Canada s’éclaire sous un nouveau jour. Le cinéaste nous plonge dans un abîme, celui d’un homme malade et proche de la mort qui tente de raconter sa vie et de confesser les mensonges qui l’ont jalonnés. Mais parce que tout se mélange dans sa tête, tout se mélange à l’écran. Ses souvenirs sont flous, incorrects, contradictoires et le récit épouse cet état de fait en étant lui-même flou, incorrect, contradictoire. Au spectateur d’accepter ce postulat, de démêler lui-même le vrai du faux, et de dénicher l’important dans ce puzzle biaisé, à savoir qu’au milieu de cette confusion narrative, ce vieux cinéaste en fin de vie confesse avoir menti sur tout ce qui en a fait un « héros » aux yeux de ses admirateurs. La manière de le raconter est souvent fausse ou trouble, mais qu’il se trompe ou non l’essentiel reste et se comprend : cette vieille légende cherche à confesser en urgence, non sans être bouleversant, qu’il se voit comme un imposteur.
Sur le papier, c’est brillant et très audacieux. Paul Schrader se montre radical sur la forme, scénaristique comme visuelle. Le problème c’est qu’il ne maîtrise pas vraiment ses ambitions d’écriture, que son film est trop taillé dans le gras. Comme si l’effort était si compliqué à appréhender qu’il a cherché à le raccourcir pour qu’il ne soit pas trop pénible sur la durée. Formidablement interprété, d’un grand Richard Gere qui opère un retour fracassant à un Jacob Elordi qui le campe jeune en passant par une Uma Thurman fascinante en épouse dévouée, Oh, Canada frustre. Ce nouveau Schrader -qui avec cette quête de rédemption tardive exploite différemment l’une de ses thématiques fétiches- aurait pu être un grand film crépusculaire sur le rapport entre le passé et le présent et la vie en général à l’aube de la mort. Mais le cinéaste plonge avec son puzzle éparpillé en vrac et s’il veut filmer l’incohérence d’un récit, il manque de cohérence dans la manière de le traduire. C’est d’autant plus regrettable qu’il y a des scènes, des instants, des dialogues, épris de poésie et de noirceur existentielle qui sublime un long-métrage délicatement douloureux. Fallait quand même oser pareille proposition.

 

Par Nicolas Rieux

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