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COMPLIANCE (critique – thriller dramatique)

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Spectateurs

affiche-Compliance-2012-1Mondo-mètre :
note 5.5
Carte d’identité :
Nom : Compliance
Père : Craig Zobel
Livret de famille : Ann Dowd (Sandra),Dreama Walker (Becky), Pat Healy (l’agent Daniels), Philip Ettinger (Kevin), Ashlie Atkinson (Marti), Stephen Payne (Harold)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h29 – Moins d’un million $

Signes particuliers (+) : L’illustration d’un fait divers hallucinant et dérangeant surtout quand le carton final nous rappelle qu’il s’agit là d’une triste réalité avérée et que rien n’est inventé.

Signes particuliers (-) : Zobel commet pas mal de maladresses (dans la mise en scène, l’écriture et la conception structurelle du film entre fait divers réel et histoire paraissant improbable) et n’élève jamais son film au-delà de la simple chronique anecdotique d’un fait divers pour essayer de réfléchir sur comment il a pu se produire.

 

MAIS CROYEZ-MOI SUR PAROLE…

Résumé : Sandra, gérante d’un fast-food, reçoit un appel de la police concernant Becky, une des ses jeunes employées qui serait accusée de vol d’argent sur une cliente. Occupée ailleurs, l’inspecteur demande à Sandra de gérer le cas Becky en attendant son arrivée et celle de ses hommes. La situation va progressivement déraper…

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Compliance est l’exemple même de ce que l’on peut appeler les « films à pitch » c’est-à-dire ces longs-métrages qui reposent entièrement sur une idée facilement pitchable en une ligne voire en une tagline qui résumerait le film tout entier. Stuck de Stuart Gordon était par exemple un bon film à pitch (un homme coincé dans la pare-brise d’une jeune femme). Pontypool également (huis-clos dans une station radio suivant la propagation d’un virus). Ces films sont généralement résumables à l’idée qui les a fait naître mais par opposition aux films-concept qui partagent avec eux le principe du pitch expéditivement résumable mais qu’ils doublent avec une prouesse technique particulière, leur histoire est originale mais leur traitement lui est plutôt « classique » mais s’il demande généralement beaucoup de créativité et d’inventivité. Toutefois, on est quand même loin d’un Buried par exemple, archétype même du film-concept, qui est doté à la fois d’un pitch facilement résumable mais qui en prime repose sur un « concept » de mise en scène (filmer un mec seul dans un cercueil pendant 90 minutes). Le principe du film à pitch est un registre souvent casse-gueule. Ces films sont souvent loués pour leur malice quand ils sont réussis mais ils s’exposent dangereusement dans le même temps à un risque majeur. Si le public passe à côté du fameux « pitch » en question, c’est tout le film qui prendra l’eau car rien ne pourra lui venir en aide. Pour Compliance, le pitch va donc être le suivant : une gérante de fast-food reçoit un coup de fil qui va déraper. C’est court, expéditif, plein de mystère sur la suite des évènements et surtout, cette idée va résumer le film tout entier qui va tourner autour de cette question.

Compliance

Réalisé par Craig Zobel dont c’est le deuxième long-métrage après la comédie Great World of Sound, en 2007, Compliance est un thriller qui se veut à la fois saisissant et surtout extrêmement dérangeant. Sandra, une gérante de fast-food, une poignée d’employées dont la mignonne et un peu naïve Becky, et un policier au téléphone qui donne des indications concernant la gestion d’une affaire délicate. Becky est accusée de vol sur une cliente et d’avoir planquée l’argent et le policier souhaite que Sandra, sa supérieure, se charge d’elle en attendant son arrivée avec ses hommes, en obéissant à la lettre à toutes ses instructions. Bien reçu dans plusieurs prestigieux festivals comme Deauville, Sundance ou Locarno, Compliance est un thriller posé mais sous tension, peut-être un peu trop survendu pour éviter une légère déception à sa découverte… du moins dans un premier temps. D’abord, parce que le film de Zobel dérange dans son contenu en équilibre précaire entre deux impressions contradictoires. Comme tout film à pitch qui se respecte, Compliance avait besoin de capter le spectateur dans sa toile pour ne plus le relâcher. Sauf que pour cela, faut-il encore que ce même spectateur adhère à l’idée proposée par le film et qu’elle soit présentée avec une crédibilité convaincante. Et c’est bien là le problème. Compliance déroule son histoire sur le ton du fait divers glaçant où les protagonistes vont être dépassés par une situation qui dégénère et croit dans l’hallucinant au fur et à mesure de sa progression. Une « situation » en question sur laquelle repose tout le film qui gêne à sa base par son improbabilité extrême. Dès lors, entrer pleinement dans l’univers proposé par Zobel s’avère un exercice délicat tant le postulat tout entier du film nous apparaît comme sacrément tiré par les cheveux. Mais c’est là que le second et énorme problème entre en jeu complexifiant la donne : Compliance est tiré d’un fait divers… réel ! Pire, il le retranscrit même très fidèlement et sans aucun détour, ce que la vidéo jointe en bas de cet article (un documentaire diffusé sur abc) démontre. A se demander comment est-ce possible post-générique ?! Du coup, l’exercice de Craig Zobel laisse un amer et étrange sentiment de tiraillement entre le petit coup de maître malin mais qui manque de virtuosité pour convaincre totalement, l’effort voyeuriste malsain et la déception devant un film à l’histoire tellement rocambolesque et incroyable qu’il devient difficile de la prendre au sérieux et d’y prendre part sans s’ennuyer. Et pourtant…

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On aurait aimé s’enflammer nous aussi sur les mérites de cette petite péloche discrète mais qui a fait sensation, mettant en lumière un fait divers américain qui laisse pantois et bouche bée avec comme seule question récurrente « mais comment est-ce possible ?! ». Sauf que Compliance, tout aussi sympathique qu’il soit à l’image de ces comédiens (la chou Dreama Walker mais au jeu un peu limité, l’étonnante Ann Dowd ou encore Pat Healy qui prête sa voix à l’homme au téléphone) peine à s’élever par sa redondance narrative, par son manque d’imagination dans sa mise en scène finalement peu créative (les rares tentatives de Zobel pour donner de la dimension à sa réal par des gros plans sonnant un peu fausses et forcées par une envie de se donner de la crédibilité sans que cela n’apporte grand-chose au film) mais surtout par cette sensation d’improbabilité de l’ensemble, une fausse impression certes puisque les faits sont réels à la base, mais dont a énormément de mal à se défaire durant le visionnage et qui aura d’ailleurs un effet boomerang post-générique de fin quand on prendra la mesure de toute l’horreur de cette histoire incroyablement tragique et vicieuse. Si l’on cherche la cause de ce détail de crédibilité qui dérange tant, il serait pas mal de se questionner sur le processus identificatoire opéré par le scénario. Car pour que les réactions des personnages nous paraissent aussi hallucinantes d’idiotie, c’est peut-être parce que Compliance n’arrive tout simplement pas à nous faire entrer dans la peau et l’esprit de ses protagonistes dont on devient spectateur de leurs actions au lieu d’en assimiler le cheminement logique et de pensée. Sauf que c’était visiblement exactement ce que recherchait Craig Zobel dans ses intentions, filmer son histoire comme un fait divers avec une certaine distanciation comme si on le découvrait horrifié dans les journaux du matin… Compliance souffre donc de cette dichotomie qui devient un défaut structurel d’écriture à la base. Ses intentions amènent le film dans deux directions opposées (pour y croire, il fallait entrer dans l’esprit des personnages afin de saisir leur façon d’appréhender ces évènements et de comprendre dans leurs réactions mais le film se présente comme un fait divers affiché et narré avec le recul séparant spectateur et réalité) et c’est très certainement ce qui expliquent le mieux cette sensation étrange de tiraillement permanent entre le grotesque et le glaçant.

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L’effort était intéressant, le film n’est pas mauvais (au contraire car finalement sa mécanique a de quoi troubler si on le prend dans le sens inverse : rire d’une histoire improbable avant de ranger son sourire narquois en découvrant qu’il s’agit d’un fait divers bien réel et pas si exagéré que cela) mais il manque de tranchant, de vivacité et de poigne surtout s’il souhaitait se dédoubler d’un discours dénonciatoire sur la crédulité dans notre monde actuel et sur la disparition du concept de présomption d’innocence. Par ailleurs, il n’offre rien de très convaincant qui nous séduirait par sa diabolique mécanique d’autant que Zobel flingue définitivement à mi-film un suspens que de toute façon l’on avait deviné dès le départ et qui ressemblait plus à un secret de polichinelle impossible à faire prendre. Autre handicap, Compliance aurait pu faire un excellent court-métrage efficace voire un moyen-métrage. Mais étiré sur la longueur d’un long (1h29 environ), ce thriller diabolique perd rapidement en force malgré sa croissance dans l’horreur et le vice de son histoire, en ce qu’il tourne rapidement en rond autour de la même idée qui peine à apporter un second souffle là où il aurait eu bien besoin d’être relancé. Zobel essaie de dynamiser et de rythmer son film en le faisant progresser dans le sensationnalisme (qui en réalité ne l’est pas) mais l’effet recherché ne fonctionne pas vraiment en cela que le film s’enfonce encore davantage dans cette impression dégagée d’hallucinant peu crédible.

Capture d’écran 2013-04-10 à 08.50.05

Compliance, un mauvais film ? Oui et non. Zobel se montre incapable d’élever son récit au-delà du simple relayage d’un fait divers étonnant d’horreur vicieuse. Jamais il ne parvient à entrer dans le décryptage des mécanismes de pensées et de logiques qui ont régi cette histoire tétanisante, jamais il n’essaie d’en percer certains mystères pour donner des clés de compréhension quand à comment tout cela a pu se produire. Finalement, c’est assez facile. Zobel s’est inspiré de documentaires sur le sujet et s’est contenté de transposer cela avec des comédiens et un décor pour matérialiser ce fait divers en film de cinéma. Mais Compliance n’ira pas plus loin et le meilleur du film vient finalement post-générique et uniquement pour ceux qui sont passés à côté de ce fait divers à l’époque, quand refroidit par le carton de fin nous annonçant froidement que ce que l’on a pris pour un scénario de fiction voyeuriste n’était en réalité que la mise en scène d’un triste mais véritable fait divers glauque où rien n’est inventé. Tout le calvaire « improbable » vécue par cette jeune femme prend une ampleur totalement différente. En fait, c’est encore après-coup que Compliance est le plus efficace et prend tout son sens, quand l’horreur traversée se matérialise par une information aussi essentielle que saisissante : tout était vrai. Et pour ceux qui l’ont vu, on vous invite vivement à regarder la vidéo d’origine postée sous la bande-annonce ci-dessous.

Bande-annonce :

Les faits réels avec une troublante ressemblance :

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