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VICE d’Adam McKay : la critique du film

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[Note des spectateurs]

La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Vice
Père : Adam McKay
Date de naissance : 2018
Majorité : 13 février 2019
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h12 / Poids : NC
Genre : Biopic, Comédie dramatique

Livret de famille : Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell, Sam Rockwell, Tyler Perry, Eddie Marsan, Jesse Plemons…

Signes particuliers : Un portrait hallucinant du monde politique américain. Et mieux vaut en rire pour éviter d’en pleurer !

UN COUP DE GÉNIE SIGNÉ ADAM MCKAY

LA CRITIQUE DE VICE

Synopsis : Fin connaisseur des arcanes de la politique américaine, Dick Cheney a réussi, sans faire de bruit, à se faire élire vice-président aux côtés de George W. Bush. Devenu l’homme le plus puissant du pays, il a largement contribué à imposer un nouvel ordre mondial dont on sent encore les conséquences aujourd’hui…    Après quelques années passées dans la comédie potache avec son ami Will Ferrell, Adam Mckay a brusquement changé de braquet il y a trois ans avec son surprenant The Big Short, comédie politisée qui s’attaquait violemment aux mécanismes de Wall Street en particulier et du capitalisme en général, sur fond de dénonciation d’un système branlant qui a conduit au pire avec la crise des Subprimes de 2008. Si The Big Short était lardé de défauts, à commencer par une excessive complexité un poil prétentieuse limite condescendante, le film avait clairement changé l’image d’un Adam McKay désormais considéré comme « un auteur engagé ». Trois ans plus tard, le cinéaste revient avec Vice, un véritable bolide à Oscars (dans le bon sens du terme) piloté par un Christian Bale métamorphosé pour incarner à l’écran le politicien Dick Cheney, ancien vice-président du pantin George W. Bush. De sa jeunesse de looser dans l’Amérique profonde des années 60 à son avènement sous Bush Jr où il deviendra l’homme fort tenant l’Amérique entre ses mains tel un fantôme caché, Dick Cheney a été une figure unique et insaisissable de la politique yankee récente. Mais à travers son « histoire », Adam McKay ne se contente pas d’un simple biopic factuel, et met franchement les mains dans le cambouis des arcanes d’un système tout bonnement hallucinant. En toute honnêteté, il faut vraiment voir Vice pour le croire…

Dès les premières secondes, Vice prévient le spectateur. Dick Cheney a été puissant, il a gravi les échelons un à un pour devenir omniprésent dans le paysage politique des années Bush, et pourtant il a toujours été l’un des politiciens les plus mystérieux que l’Amérique ait connu. C’est simple, on ne sait que peu de choses sur lui. Comment diable a donc pu naître un biopic crédible ? « Parce que putain, on a bossé ! » balance le film en introduction. Une phrase qui va tout résumer. D’abord, Vice ne sera pas une biographie classique au sérieux péremptoire, pas plus qu’une fantaisiste complètement farfelue. Adam McKay ne va pas s’empêtrer dans la sinistrose didactique mais utiliser un humour mordant, cynique et parfois même décalé, pour dessiner un portrait au vitriol qui va utiliser Cheney comme porte d’entrée afin de dézinguer de manière acerbe et drôlatique, la Maison Blanche, ses locataires et toutes les « huiles » de la prétendue « meilleure nation du monde ». C’est l’autre enseignement, Vice est un film qui va se servir de son sujet pour voir plus grand, et explorer les arcanes de la politique américaine sur plusieurs décennies. Et Adam McKay de s’imposer comme une sorte de fils spirituel d’Oliver Stone sur-boosté à un humour tranchant façon South Park.

La triste médiocrité des lâches, l’opportunisme abominable des malins, l’incompétence des forts, la soumission des faibles, Vice croque les tenanciers de l’Amérique avec des dents acérées comme des lames de rasoir. Et ce que montre le film, sans jamais vriller dans le n’importe-quoi car formidablement documenté, est sacrément flippant. Un Dick Cheney sans aucune conviction politique si ce n’est celle de sa propre réussite personnelle, un George W. Bush hallucinant d’incompétence, de bêtise et de médiocrité, un Colin Powell menteur par soumission, un Donald Rumsfeld seulement désireux d’être dans le giron du pouvoir en place… Vice balance dans tous les sens, étale sur la place publique toutes les casseroles de l’administration américaine depuis Nixon, compile les scandales méconnus et la manière dont était régi le pouvoir en sous-main. Plus le film avance et plus le spectateur a du mal à croire ce qu’il voit. Et pourtant, tout est vrai, basé sur des faits, étayés par des argumentaires exposés avec clarté et efficacité. Et Vice de s’ériger comme un brûlot brillant, évitant avec génie le principal défaut qui s’opposait à lui…

On était en droit de se demander si un film sur Dick Cheney allait intéresser au-delà des frontières de l’Amérique. Car finalement, le personnage nous paraît loin, géographiquement comme temporellement. Bien des européens connaissent le nom sans vraiment se souvenir de qui il était exactement et ce qu’il faisait. Mais c’est là qu’Adam McKay fait fort. Vice ne se résume pas à une simple étude du cas Dick Cheney. A travers lui, le cinéaste explore les travers de la politique américaine d’hier et d’aujourd’hui, ce qu’elle peut produire de pire, le cynisme qui l’anime… Et Vice de dépasser brillamment le seul regard sur un homme, pour en faire un emblème des hautes sphères de pouvoir capables de tout et n’importe quoi pour s’accrocher à leur pseudo-puissance. La Maison Blanche est-elle le lieu où les maux de l’Amérique sont réglés ? Stop à la naïveté. Vice donne à voir surtout un repère à cafards où rien n’étonne, où un vice-président peut trouver le moyen de diriger un pays à la place du Président lui-même, où un homme sans convictions et qui ne sait même pas ce qu’est la politique peut grimper au sommet du pouvoir, un repère malfaisant où tous les coups sont permis, tous les mensonges, toutes les malversations, toutes les entreprises les plus viles du moment que des intérêts dominants sont servis. Remarquable étude de la politique américaine préférant l’hilarité d’un humour caustique à l’exposition démonstrative et pompeusement ennuyeuse, Vice est un coup de génie, une farce virtuose et terrifiante… Terrifiante parce que la farce n’en est pas une en réalité, seulement le portrait d’une réalité que l’on a du mal à croire tellement elle est grosse et grotesque. Et pourtant…

Formidablement interprété par un immense Christian Bale (mais aussi par d’excellents seconds rôles tels que Steve Carrell en Donald Rumsfeld, Amy Adams en Lynne Cheney ou Sam Rockwell en Bush Jr), Vice est une grande comédie politique, sérieuse et hilarante à la fois, bourrée d’audaces mais qui ne restent jamais gratuites juste histoire de faire un bon mot ou un bon gag. Tout est au service d’une peinture qui aurait pu être qualifiée de « caricature jouissive » si elle n’était pas tristement authentique. C’est peut-être ce qui fait le plus froid dans le dos au final, voir à quel point le fonctionnement des hautes sphères de la politique américaine est une véritable caricature d’elle-même, où la machiavélique ingéniosité de certains est aussi effrayante que la tragique incompétence d’autres.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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