Mondociné

SAINT OMER de Alice Diop : la critique du film

Partagez cet article
Spectateurs


Nom : Du Crépitement sous les Néons
Mère : Alice Diop
Majorité : 23 novembre 2022
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h02 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Kayije KagameGuslagie MalandaValérie Dréville

Signes particuliers : Un film d’une grande intelligence. Presque trop. 

Synopsis : Rama, jeune romancière, assiste au procès de Laurence Coly à la cour d’assises de Saint-Omer. Cette dernière est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant à la marée montante sur une plage du nord de la France. Mais au cours du procès, la parole de l’accusée, l’écoute des témoignages font vaciller les certitudes de Rama et interrogent notre jugement.

 

UN CERTAIN REGARD

NOTRE AVIS SUR SAINT OMER

Grand Prix du Jury et Prix du Meilleur Premier Film, autant dire qu’Alice Diop a frappé très fort lors de la dernière édition de la Mostra de Venise. Connue pour son travail de documentariste, la réalisatrice s’essayait pour la première fois à la fiction, et avec quelle réussite ! Saint Omer a marqué les esprits au prestigieux festival italien, il marquera sans nul doute l’année cinema 2022. Énième preuve de la vitalité créatrice du cinéma hexagonal. Et c’est pas fini puisqu’il tentera de représenter la France aux prochains Oscars. Saint Omer, c’est une histoire de regard. A plat sur le papier, Saint Omer relate le parcours de Fabienne Kabou via son procès. En 2013, cette mère de famille sénégalaise avait laissé sa fille âgée de 15 mois sur la plage de Berck-sur-Mer une nuit à marée montante, en espérant la puissante mer emporte son enfant qu’elle n’a pas le courage d’élever. Elle fut jugée pour infanticide. Mais en relief, Saint Omer raconte surtout le regard de Rama, une jeune romancière venue assister aux débats, sur cette femme à laquelle se sent d’une certaine manière connectée. Parce qu’elle est une jeune femme comme elle. Parce qu’elle est noire, comme elle. Parce qu’elle a un rapport ambigu à la maternité, comme elle (l’une a été, l’autre va être). Parce qu’elle a un vécu, comme elle.
Pourquoi donc un film aux allures d’énième épisode Faites Entrer l’accusé a t-il autant séduit ? Simple, sa force, Saint Omer va la chercher dans sa capacité à aller bien au-delà du simple drame judiciaire basé sur un sordide fait divers. Alice Diop transcende totalement son matériau originel, elle le relègue au rang de socle sur lequel elle va ériger une réflexion profonde, puissante et intelligente sur notre rapport à la maternité, comme elle l’explique fort justement. Mais pas que. Alice Diop niche aussi en creux des idées politiques, sur l’exil, sur la perception des femmes africaines immigrées, sur la perception des femmes en général, ou encore sur les liens entre le déracinement et l’appréhension d’une nouvelle vie. C’est probablement la seule limite que l’on pourrait relever de ce premier effort plus que réussi. Saint Omer infuse tellement d’idées tant dans sa démarche que dans sa manière de formuler son récit et ses intentions, que l’on perd parfois un peu le sens d’un propos presque trop diffus. Pêcher par excès d’intelligence, quelle ironie. D’autant que s’ajoutent à tout cela, une dimension tragique, mythologique et symbolique. Cela fait au final beaucoup de choses, tellement que le film manque parfois d’émotion pure, celle-ci étant coupée par la froideur d’une œuvre au final très clinique dans son approche formelle et idéologique. Reste que Saint Omer fascine par sa densité, même si son intelligence pas forcément facile à appréhender.

Par Nicolas Rieux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux