Carte d’identité :
Nom : Rosie
Père : Paddy Breathnach
Date de naissance : 2018
Majorité : 13 mars 2019
Type : Sortie en salles
Nationalité : Irlande
Taille : 1h26 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Sarah Greene, Moe Dunford, Ellie O’Halloran…
Signes particuliers : Dans la lignée de Ken Loach.
LE PORTRAIT BOULEVERSANT D’UNE FAMILLE DANS LA GALÈRE
LA CRITIQUE DE ROSIE DAVIS
Synopsis : Rosie Davis et son mari forment avec leurs quatre jeunes enfants une famille modeste mais heureuse. Le jour où leur propriétaire décide de vendre leur maison, leur vie bascule dans la précarité. Trouver une chambre à Dublin, même pour une nuit, est un défi quotidien. Les parents affrontent cette épreuve avec courage en tentant de préserver leurs enfants.
D’emblée, Paddy Breathnach prévient. Un carton explicatif en introduction de son film pointe du doigt le drame qui se joue depuis quelque temps en Irlande, notamment à Dublin. Face à la pénurie de logements et à l’intenable inflation sur le prix des loyers, de nombreuses familles se retrouvent à la rue, contrainte de courir les hôtels qui veulent bien d’eux dans le cadre d’un programme d’aide lancé par le gouvernement. Rosie Davis, du nom de cette mère de quatre enfants que nous présente Breathnach, suit le combat quotidien d’une famille pour réussir à se loger au jour le jour, pour réussir à garder leur dignité, pour réussir à préserver leurs enfants du drame social dont ils sont les premières victimes.
Intelligemment, Paddy Breathnach ne fait pas dans le misérabilisme gratuit au pathos sinistre et déconnecté. Ce que vise le cinéaste irlandais, c’est le réel, l’authentique, le banal, pour mieux susciter l’indignation simple. Ainsi, pas question pour lui de tout appuyer au marqueur ou de rajouter des couches de noirceur. Assez évocateur, le sujet se suffit à lui-même et son regard se porte sur une famille lambda, qui s’est retrouvée à la rue à la suite d’un simple concours de circonstance quand leur propriétaire a décidé de vendre leur maison. Le mari travaille, ils n’ont jamais flirté avec l’extrême pauvreté, tout aurait pu s’arranger sans cette pénurie de logements qui les a pris de court et les contraint à courir les hôtels de fortune pour ne pas sombrer dans la vie de SDF. Mais petit à petit, on comprend bien ce qui se trame autour de ces quelques jours en compagnie de Rosie Davis et sa famille. On comprend que le provisoire s’éternise, que la galère passagère est en train de se transformer en marginalisation, et que le spectre du glissement devient une réalité terrifiante. A la manière du Ken Loach des années 90 avec ce même mélange de drame social, d’humanité, de dénonciation, d’optimisme et d’énergie, Paddy Breathnach bouleverse avec Rosie Davis, film coup de poing qui ne cherche jamais à fabriquer son drame ni à artificialiser ses situations comme ses personnages. Le portrait qu’il nous offre à voir en est d’autant plus glaçant que le metteur en scène ne juge ni n’excuse ses protagonistes. A leur décharge, les solutions sont minces et les pouvoirs sociaux sont absents. Les amis ? Les familles ? Compliqué car il y a quand même une petite part d’orgueil, de fierté voire de honte. Mais encore une fois, Paddy Breathnach montre et ne juge pas. Chacun ses raisons, chacun son vécu. Ce qui est sûr, c’est qu’il est inacceptable En Europe et en 2019, de voir une famille dormir dans sa voiture au milieu d’un lotissement.
Au plus proche de ses personnages et privilégiant une narration entièrement focalisée sur son sujet principal, Paddy Breathnach ne leste jamais son récit de sous-intrigues périphériques qui créerait un brouhaha le rendant inaudible. Caméra à l’épaule, Rosie Davis se contente de capter avec justesse le drame du quotidien dans lequel se débattent ses personnages, la peur de glisser vers l’enfer, la peur de ne pas s’en sortir, l’amour familial, les larmes retenues, l’énergie du désespoir, le refus de se laisser abattre, la volonté de garder sa dignité. Tout au long de sa progression, on pense que Rosie Davis est un film sur le parcours du combattant d’une famille qui lutte pour se reloger. Mais petit à petit, au fil des minutes qui passent, on se rend compte que le cœur du drame se déplace. Au bout d’un moment, l’inéluctable coup de poing finit s’abattre : le film de Paddy Breathnach n’est pas l’histoire d’une famille qui cherche à se sortir de la galère, mais l’histoire d’une famille en train d’y sombrer. Et parce que rien n’est « orchestré » à coups de grosses ficelles, parce que tout est observé avec un souci d’épure renforçant le réalisme du portrait, Rosie Davis prend aux tripes car cette mère est tout le monde et tout le monde pourrait être cette mère. L’interprétation tout en conviction intérieure de Sasha Greene n’est sans doute pas étrange au lien d’empathie qui se crée autour de ce coup d’œil sur la détresse face à la précarité.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux