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NITRAM de Justin Kurzel : la critique du film

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Nom : Nitram
Père : Justin Kurzel
Date de naissance : 2020
Majorité : 11 mai 2022
Type : sortie en salles
Nationalité : Australie
Taille : 1h50 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Caleb Landry JonesEssie DavisJudy Davis

Signes particuliers : Un regard sensible et glaçant sur le jeune homme derrière le massacre de Port-Arthur en 1996.

Synopsis : En Australie dans le milieu des années 90, Nitram vit chez ses parents, où le temps s’écoule entre solitude et frustration. Alors qu’il propose ses services comme jardinier, il rencontre Helen, une héritière marginale qui vit seule avec ses animaux. Ensemble, ils se construisent une vie à part. Quand Helen disparaît tragiquement, la colère et la solitude de Nitram ressurgissent. Commence alors une longue descente qui va le mener au pire.

 

AUX ORIGINES D’UN ACTE FOU

NOTRE AVIS SUR NITRAM

Avec Nitram, le réalisateur Justin Kurzel revient à quelque chose de plus humble, de plus intimiste. Après sa très esthétisée et singulière adaptation de MacBeth (avec Michael Fassbender et Marion Cotillard) puis sa première expérience de blockbuster sur l’adaptation cinématographique du jeu Assassin’s Creed, l’australien s’en était retourné sur ses terres natales pour Le Gang Kelly sur la figure controversée Ned Kelly. Il restait néanmoins avec ce western/biopic dans un certain cinéma de « divertissement » sur lequel il apposait son amour d’un formalisme très personnel et créatif. Nitram marque sa première réelle incursion dans le pur drame (Les Crimes de Snowtown, son excellent premier film, ayant une forte teneur de polar violent). On pourrait dire sa première incursion dans un cinéma plus social, lorgnant du côté de celui de Gus Van Sant époque Elephant et Paranoid Park. Pas forcément parce que le récit de Nitram convoque le souvenir de Elephant mais plus dans la manière qu’a Kurzel de filmer un jeune homme instable perdant complètement pied à la suite d’événements fondateurs.
Ce rappel pose très vite une limite, Nitram n’est pas d’une immense originalité dans son approche ou son traitement. Néanmoins, cela n’enlève rien aux qualités d’un film passionnant que Kurzel rend pertinent d’un bout à l’autre. Quand on découvre à la télé ou ailleurs, un acte criminel horrifiant traduisant une folie contenue qui vient soudainement de se libérer dans une terrible tragédie, on s’interroge immédiatement sur le pourquoi. Qu’est-ce qui a pu conduire une personne à commettre tel ou tel acte. C’est ce travail qu’entreprend Nitram en prenant pour fil à remonter, le massacre de Port-Arthur en 1996 qui a fortement marqué l’histoire récente australienne. Qui était l’individu derrière ce drame horrible ? Quel était son parcours ? Pourquoi en est-il arrivé à une telle monstrueuse extrémité ?

 

Le massacre de Port-Arthur a entraîné la mise en place d’une législation sur l’accès aux armes en Australie. Alors que le débat n’en finit plus d’agiter l’opinion américaine (les présidents se succèdent, les effets d’annonce aussi, mais personne ne parvient à quoi que ce soit en raison de la surpuissance du lobby pro-armes), Kurzel s’est souvenu du drame australien en écho à d’énièmes tueries aux Etats-Unis, où il vivait en 2018. Nitram est l’occasion de pointer une nouvelle fois du doigt ce problème de l’accès aux armes. C’est l’une des composantes qui glace le plus devant le film de Justin Kurzel. Comment une personne aussi instable a pu accéder à des choses que le bon sens aurait du lui interdire.

 

 

La force du film de Justin Kurzel est de ne jamais chercher ni le pathos, ni la révolte, pas plus que l’empathie. Le cinéaste reste neutre, presque clinique même si certains angles de scénario essaie de souligner la personnalité d’un jeune homme déséquilibré qui avait manifestement besoin d’aide. Ce regard psychologique n’excuse rien, ne justifie rien, il est simplement là par souci de justesse envers l’histoire narrée. Par souci d’être juste et complet aussi dans l’étude dressée, sur un jeune garçon prédestiné à faire des conneries, sur des parents maladroits ou affublés d’œillères, sur un système qui n’a pas fait ce qu’il fallait. Les défaillances étaient nombreuses et Kurzel essaie de les traduire avec sensibilité, pertinence et surtout complexité. Car rien n’est jamais binaire ou monochrome, rien n’est jamais tout blanc ou tout noir et l’atrocité d’une finalité ne doit pas occulter le chemin qui l’a amenée.

 

Porté par un formidable Caleb Landry Jones, qui avait reçu le prix d’interprétation masculine pour sa performance au festival de Cannes 2021, Nitram est un remarquable portrait de la marginalité rendu fascinant par ses nombreux composants. Le regard psychologique sur une personnalité borderline contenue au lieu d’être prise en charge. La tension progressive qui l’accompagne, soumise à l’interrogation de savoir quand ou comment l’inexorable situation va imploser. La portée politique réclamant une législation encore plus cohérente sur la circulation des armes (en Australie, mais par extension partout ailleurs). Une réussite à la fois sensible et glaçante.

 

Par Nicolas Rieux

3 thoughts on “NITRAM de Justin Kurzel : la critique du film

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