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FREAKS OUT de Gabriele Mainetti : la critique du film

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Nom : Freaks Out
Père : Gabriele Mainetti
Date de naissance : 2021
Majorité : 30 mars 2022
Type : sortie en salles
Nationalité : Italie
Taille : 2h21 / Poids : NC
Genre : Fantastique, Guerre, Aventure

Livret de Famille : Franz RogowskiClaudio SantamariaPietro Castellitto, Aurora Giovinazzo, Giorgio Tirabassi, Giancarlo Martini…

Signes particuliers : Vive le cinéma quand il ressemble à ça !

Synopsis : Rome, 1943, sous occupation nazie, la Ville éternelle accueille le cirque où travaillent Matilde, Cencio, Fulvio et Mario comme phénomènes de foire. Israel, le propriétaire du cirque et figure paternelle de cette petite famille, tente d’organiser leur fuite vers l’Amérique, mais il disparaît. Privés de foyer et de protection, dans une société où ils n’ont plus leur place, les quatre « Freaks » vont tenter de survivre dans un monde en guerre…

 

UNE EPOUSTOUFLANTE DECLARATION D’AMOUR AU CINEMA

NOTRE AVIS SUR FREAKS OUT

Mai 2017, un jeune réalisateur italien débarque de nulle part et se fait instantanément un nom dans le grand monde du cinéma : Gabriele Mainetti. Le bonhomme, qui n’a jusque-là réalisé que des courts-métrages, lâche une bombe dans un genre extrêmement difficile à produire en Europe : le film de super-héros. On l’appelle Jeeg Robot va faire un malheur, salué par la presse, apprécié par le public, largement récompensé aux César italiens ou lors de sa tournée des festivals, (Gérardmer, L’Etrange Festival, Amsterdam). Au lendemain d’une campagne promotionnelle harassante, Gabriele Mainetti et son scénariste Nicola Guaglianone se sont vite remis au travail en quête du « film d’après ». Très rapidement, le film de monstres les a attirés. Le début d’une nouvelle aventure qui a conduit à Freaks Out, l’un des films les plus dingues que l’on ait pu voir sur grand écran depuis un bon moment !

Direction l’Italie sous occupation nazie en 1943. Israel dirige un petit cirque itinérant où se produisent Matilde, Fulvio, Cencio et Mario. Quatre « freaks » ayant des pouvoirs extraordinaires, qu’ils utilisent pour amuser ou ravir le public sous la houlette de leur père d’adoption. Mais quand Israel disparaît, les voilà perdus, livrés à eux-mêmes dans un monde (et une époque) qui n’aime pas la différence. Il se lancent alors dans une grande aventure à travers une Italie au bord du chaos.

Jeeg Robot avait révélé un nom à suivre de près. Si le film n’était pas parfait, il traduisait néanmoins un fol amour du cinéma de la part de son talentueux auteur. Avec Freaks Out, Mainetti franchit encore un cap. Grandiose, le film est une explosion de cinéma permanente, une véritable folie fantastique qui se savoure avec l’appétit d’un ours affamé. Ca tombe bien, Gabriele Mainetti est très généreux dans le service. Il ne faudra guère plus qu’une simple introduction pour comprendre dans quoi l’on vient de mettre les pieds. Une introduction qui, sans qu’on le sache à ce moment-là du film, donne en réalité toute la teneur du programme à venir. En quelques minutes, on est happé dans un maelström tour à tour conteur, beau, poétique, sauvage, baroque, cruel, tendre, violent. C’est bien simple, il y a plus de cinéma dans les dix premières minutes de Freaks Out que dans des dizaines et des dizaines de blockbusters sans âme (qui a dit Marvel ? On vous a entendu monsieur au fond de la salle !). Ce concentré d’exposition, Freaks Out va ensuite le répandre sur les 2h20 d’un film complètement taré et c’est ça le plus génial avec Mainetti. Le cinéaste semble n’avoir aucune limites autres que celles que lui-même a décidé. Et c’est ainsi que l’on se retrouve avec un pianiste sous éther qui joue avec douze doigts du Radiohead ou du Guns and Roses devant une audience nazie émerveillée, un chien-garou, un freak qui commande les cafards ou un vieil homme magicien capable de transformer une larme d’enfant dans un train pour Auschwitz… en cookie.
Freaks Out, c’est 2h20 de bonheur cinématographique avec des fausses notes si rares, qu’elles en deviennent inconséquentes. De toute manière, elles sont balayées par la tornade qui déclenche Mainetti avec son récit frappé d’une intensité dingue. Humour, amour, guerre, émotions, sexe, aventure, bizarre, fantastique, Freaks Out est dense, presque positivement excessif dans sa déclaration passionnelle envers le septième art. Semblable à une sorte d’énorme mélange entre Tarantino, Del Toro, Terry Gilliam ou Alex de la Iglesia avec une savoureuse pointe de Fellini pour saupoudrer tout ça, Freaks Out est un bijou de magie, de spectacle et d’inventivité, un conte romantico-tragique absolument renversant dont la mélodie déploie des notes de virtuosité, de puissance et d’intelligence. Le tout pondu par un boulimique qui en veut toujours plus. Car de Jeeg Robot à Freaks Out, il y a effectivement plus. Une mise en scène encore plus créative, des idées de narration encore plus nombreuses, des images encore plus belles, une photo encore plus travaillée, des comédiens encore plus formidables, une densité thématique encore plus imposante, une maîtrise encore plus indécente…
La force de Gabriele Mainetti, c’est de savoir jouer avec des éléments, des arcs, des idées que l’on a déjà-vu voire qui ont marqué la pop culture, tout en ayant cette capacité à se les réapproprier pour formuler quelque-chose de complètement nouveau et inédit. Il l’avait déjà fait avec Jeeg Robot, il le reproduit ici. Freaks Out convoque le Freaks de Tod Browning bien sûr, mais aussi d’une certaine manière les X-Men ou encore la Seconde Guerre Mondiale à la sauce Les Douze Salopards ou Inglorious Basterds. Il convoque mais n’emprunte pas. Mainetti n’est pas Tarantino, sa proposition n’est pas un hommage, c’est une re-création totale (voire une « récréation totale ») qui explose dans tous les sens avec une personnalité très affirmée et un caractère aussi fort qu’un bon morceau de Saint-Nectaire.
Aussi vivant que grisant et singulier, Freaks Out prouve encore une fois tout le talent d’un Gabriele Mainetti dont le travail est une immense marque de respect envers son art. Chez l’italien, tout n’est qu’ambitions. L’ambition de produire un cinéma qui exulte, qui émerveille, qui innove, qui se détache des codes, des conventions, des ficelles et du marketing, pour renouer avec l’essence même du septième art, cet art de l’émotion. Freaks Out n’a jamais la faiblesse de se « résumer » à quoique ce soit. Il ne se résume pas à un genre, il ne se résume pas à un combat entre le Bien et le Mal, il ne se laisse enfermer dans rien. Libéré des chaînes qui trop souvent freine le cinéma hollywoodien, Freaks Out est une démonstration célébrant le cinéma comme un vaste champ de possibles où l’on peut tout faire tant qu’on le fait bien et avec sincérité. « Ici, tout est illusion » prévient-on en introduction du film. Et oui, tout sera illusion car Freaks Out est un tour de magie qui passe son temps à déjouer les attentes, passant en un battement de chapeau de la fantaisie surréaliste à la tragédie déchirante en flirtant avec l’épopée épique ou le drame (jamais manichéen) sur la différence, l’intolérance et la cruauté du rejet. Avec cette intelligence de ne jamais en faire trop dans le « discours ». Freaks Out refuse l’intellectualisation pompeuse, mais ça ne l’empêche pas d’être intelligent dans le fond avec un propos qui existe par le récit et non l’inverse. Bref, du très grand CINEMA en lettres majuscules qui régale, régale et régale !

Par Nicolas Rieux

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