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THE BIG SHORT : LE CASSE DU SIÈCLE de Adam McKay : la critique du film

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note 2.5 -10
Carte d’identité :
Nom : The Big Short
Père : Adam McKay
Date de naissance : 2015
Majorité : 23 décembre 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h10 / Poids : 28 M$
Genre : Comédie dramatique

Livret de famille : Christian Bale (Burry), Steve Carell (Mark Baum), Ryan Gosling (Vennett), Brad Pitt (Rickert), Karen Gillan (Evie), Melissa Leo (Georgia), Marisa Tomei (Cynthia), Finn Wittrock (Jamie), Tracy Letts (Fields), Rafe Spall (Moses), Hamish Linklater (Porter), John Magaro (Charlie), Jeremy Strong (Vinnie)…

Signes particuliers : Un casting en or massif, un sujet passionnant et à l’arrivée, un flop aussi digeste qu’un gâteau en béton.

LA CRASSE DU SIÈCLE

LA CRITIQUE

Résumé : Wall Street. 2005. Profitant de l’aveuglement généralisé des grosses banques, des medias et du gouvernement, quatre outsiders anticipent l’explosion de la bulle financière et mettent au point… le casse du siècle ! Michael Burry, Mark Baum, Jared Vennett et Ben Rickert : des personnages visionnaires et hors du commun qui vont parier contre les banques … et tenter de rafler la mise !The-Big-Short-2L’INTRO :

Chaque grand trauma majeur de l’Amérique nécessite un temps de digestion avant que le cinéma ne s’en empare pour exorciser des démons perturbant l’inconscient collectif. Les conséquences du krach de 1929, la guerre froide et le péril rouge, la guerre du Vietnam, le 11 septembre suivi de la peur du terrorisme… Autant de sujets qui ont inspiré Hollywood une fois le choc digéré et l’impact absorbé. En 2007-2008, la désormais tristement célèbre « crise des subprimes » (très vite transformée en crise économique majeure) pousse tout un système vers l’effondrement. Des millions d’américains perdent maison et travail. L’onde dévastatrice gagne le monde, il ne s’en relèvera jamais. Et pour la première fois de l’ère moderne, les États-Unis semblent ébranlés dans les fondements de leurs idéaux. Il faudra, comme à chaque fois, quelques années de recul avant que le cinéma ne prenne le sujet à bras le corps. Puis viendront Margin Call, The Company Men, Le Loup de Wall Street, 99 Homes et les autres… Et aujourd’hui, The Big Short, récit choral basé sur des faits réels, sur quelques malins de la finance qui ont vu venir précocement le raz-de-marée et ont su l’anticiper en pariant contre l’économie rodée alors en place, réalisant « le casse du siècle » en s’enrichissant sur le dos du chaos. Avec sa distribution cinq étoiles et son sujet passionnant, le nouveau film d’Adam McKay (Légendes Vivantes, Very Bad Cops) avait tout pour susciter l’attente.The-Big-Short-PhotoL’AVIS :

Il y a pire que les mauvais films. Il y a les mauvais films qui, de surcroît, s’appliquent avec prétention à prendre royalement leur public pour des demeurés. Et c’est exactement dans cette catégorie qui vient se ranger ce « crasse du siècle » réunissant un alléchant casting allant de Ryan Gosling à Steve Carrell en passant par Brad Pitt, Christian Bale, Marisa Tomei, Melissa Leo et plein d’autres. Une distribution couverte d’Oscars ou de nominations, mais bien mal lui en prendra celui qui ira croire, qu’il suffit de cumuler les talents pour illustrer un scénario, qui se voulait malin et redoutablement intelligent à la base. Car le vrai problème essentiel du film d’Adam McKay, est d’être victime de ses propres intentions jusqu’au-boutiste. Tentant une gageure périlleuse, le cinéaste signe un film radical, exposant à travers cette même radicalité le vrai fond de son message. Malheureusement, le pari était bien trop extrême et The Big Short : Le Casse du Siècle en pâtit à l’arrivée.the big short 1The Big Short : Le Casse du Siècle a tout de ces films profondément énervants, sabotant leur fabuleux potentiel dans une entreprise de destruction massive née d’un amoncellement de mauvaises idées couplées à une incompétence ahurissante. Basé sur un roman de Michael Lewis et transposé par Adam McKay lui-même, en association avec Charles Randolph (La Vie de David Gale), The Big Short pourrait être au film sur la finance, ce que Inherent Vice était au policier, la plus effarante des médiocrités, en plus. Adam McKay redéfinit complètement la notion du cynisme à l’écran en pondant une œuvre épuisante de versatilité, à la fois formelle et narrative. En voulant conjuguer le versant comique du Loup de Wall Street et le ton grave et sérieux de Margin Call, le cinéaste erre entre deux eaux, s’enfonçant lentement mais sûrement dans un marécage qu’il n’avait probablement pas vu venir.movies-the-big-short-castSans cesse balloté entre son excitation drolatique déployant des motifs humoristiques malvenus, et la complexité d’un sujet incompréhensible pour le pauvre quidam ne maîtrisant pas les rouages ultra-poussés du monde des banques et des coulisses de Wall Street, The Big Short : Le Casse du Siècle bascule dès les premières minutes dans la démonstration économique de concepts que l’on ne maîtrise pas, y compris en étant titulaire d’un Master, perdant au fil des minutes le spectateur égaré dans un film littéralement inaccessible. On pourra y voir une démarche pertinente de McKay, s’appliquant justement à étaler volontairement ladite complexité du sujet pour montrer à quel point la crise des subprimes a été le fruit de tractations occultes tellement poussées loin dans le vice, que même les protagonistes les plus concernés n’étaient pas en mesure de les comprendre, d’où le résultat que l’on connaît. Soit. L’idée aurait pu être bonne et sur ce point, McKay a voulu tenté quelque-chose de sacrément couillu. Sauf que face à lui, McKay a un public. Un public qui aimerait seulement comprendre un minimum ce qu’il regarde et ce dont on lui parle. Et le réalisateur se fait un point d’honneur à lui refuser cette compréhension minimale, le perdant dans ses histoires de Swaps, de CDO, de CDS, de Triple A, Triple B, de CMS, de shortages, d’obligations, d’assurances et tout le toutim. On ne comprend rien, et c’est normal, c’est fait exprès. Mais c’est là que le coup de grâce arrive. Dans un élan suprême de cynisme éhonté, McKay vient souligner l’incompréhension totale de son film, en balançant un effet comique qui fonctionnera peut-être la première fois grâce à son amusant décalage plein de second degré, mais certainement pas dans la répétition. Alors que l’on surnage au milieu de l’insaisissable, Margot Robbie apparaît le temps d’un caméo. Allongée dans son bain plein de mousse, coupe de champagne à la main, la sublime créature/actrice vient nous résumer ce que l’on vient de voir de façon plus simple et compacte. Vous n’avez rien pigé par la version authentiquement illustré par des génies de la finance, alors peut-être comprendrez-vous mieux si une bombasse vous l’explique, d’autant que votre attention en sera davantage accrochée. Ok, l’effet est drôle. Une fois. Mais non, McKay le répète, encore et encore, avec un chef cuisto, avec Selena Gomez. Et The Big Short : Le Casse du Siècle d’énerver encore plus qu’il ne l’était déjà, d’autant que lesdites explications simplifiées sont toutes aussi… incompréhensibles !ryan-gosling-big-short-largeMais la versatilité du film ne se limite pas à son histoire. Elle vient ensuite impacter la mise en scène d’un Adam McKay, qui ferait mieux de retourner à ses comédies potaches et débilitantes, plutôt que de vouloir jouer les génies d’un cinéma qu’il n’est pas apte à maîtriser, d’autant qu’il réclame une sacrée dose d’exigence et de talent. Ne sachant visiblement jamais quoi faire d’une caméra qui semble lui brûler les doigts comme un charbon ardent, Adam McKay filme n’importe comment et fait n’importe quoi, produisant au final un gigantesque amas d’images démuni de toute cohérence formelle. Séquences posées, séquences caméra à l’épaule, répétition de mouvements sans aucune logique esthétique, arrêt sur images, montage court, puis long, un coup neurasthénique, l’autre épileptique, succession de photos censées produire du sens, plans subliminaux, écrans noir, écrans blanc, voix off, dialogues face caméra s’adressant au spectateur « quand ça arrange »… McKay paraît sans cesse aux abois dans son langage cinématographique, fourre tout ce qu’il peut (ou a pu voir ailleurs) dans son capharnaüm filmique grotesque, et ne témoigne d’aucun sens du rythme, d’aucune maîtrise quelle qu’elle soit, révulsant autant qu’il répugne par son nombrilisme et son ignorance des fondamentaux du cinéma.big-shortAu final, au bout de deux heures et quart d’un atroce supplice, que reste t-il ? La sensation d’avoir seulement saisi les grandes lignes du problème de la crise des subprimes. Sauf que ces grandes lignes là, on les connaissait déjà plus ou moins. Derrière elles en revanche, l’absence absolu de tout sens de l’informatif ludique nous laisse désemparé devant une œuvre hermétique, repliée sur elle-même, qui le sait d’ailleurs pertinemment et ne joue en abusant de motifs comiques ridicules pour faire passer la pilule et faire croire à un film « cool » soutenant son portrait des origines d’un énorme drame économico-social à travers le prisme de quelques personnages réels qui l’ont vécu de près, au point de l’avoir anticipé.thumbnail_23259McKay se rate dans les grandes largeurs autant dans le cool que dans le sérieux, livrant une œuvre difforme et mal pensée à la base. Inintelligible quand il veut être sérieux et pathétique quand il veut être drôle avec ses effets décalés allant jusqu’à jouer avec les ressorts du cinéma dans la diégèse (du genre, on fait une entorse à la réalité ou au contraire, on raconte un truc incroyable mais véridique, et on le dit directement au spectateur comme ça, ça fait un effet rigolo), The Big Short : Le Casse du Siècle est une aberration permanente, doublée d’un tunnel d’ennui aussi long que la Muraille de Chine. La qualité des prestations de ses grands comédiens ne peut y rien faire, pas plus que ses 20 dernières minutes intéressantes, mais arrivant bien trop tardivement pour sauver les meubles. Déjà, encore faut-il avoir survécu à ses quinze premières minutes introductives flirtant avec l’horreur cinématographique, et pas loin de nous faire trépasser devant leur irréelle confusion stylistique ni faite ni à faire. Un modèle de non-cinéma. Dommage, il avait l’air d’y avoir des choses instructives là-dedans, quelque part dans cette fanfaronnerie tambouillesque qui essaie de nous faire gober sa non-arrogance mal cachée. En somme, The Big Short : Le Casse du Siècle a voulu tenter un gros coup : raconter à quel point la crise des subprimes est née de la complexité d’un système pourri quand on pénètre dans ses plus retorses méandres, méandres que les experts eux-mêmes n’étaient plus en mesure de comprendre. Tout ça en illustrant cette complexité par de la complexité. C’était pas bête, mais tout simplement impossible à tenir sur la longueur. Au mieux, c’eut pu être un gimmick d’un sketch comique. The Big Short se prend les pieds dans le tapis de ses intentions et se révèle terriblement indigeste.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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