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BARBIE de Greta Gerwig : la critique du film

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Nom : Barbie
Mère : Greta Gerwig
Date de naissance : 2023
Majorité : 19 juillet 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h55 / Poids : 100 M$
Genre : Comédie engagée

Livret de Famille : Margot RobbieRyan GoslingAmerica Ferrera, Will Ferrell…

Signes particuliers : Le film de l’année ? 

Synopsis : A Barbie Land, vous êtes un être parfait dans un monde parfait. Sauf si vous êtes en crise existentielle, ou si vous êtes Ken.

LA POUPEE SE REBELLE

NOTRE AVIS SUR BARBIE

Le film-phénomène est tout proche de passer la barre du milliard de dollars de recettes dans le monde. Un comble quand on sait que sa réalisatrice Greta Gerwig et son co-scénariste Noah Baumbach sont à la base des figures emblématiques du néo-cinéma indépendant américain. Mais voilà, la force de la marque Barbie, la curiosité du concept, la drôlerie déjantée vendue par les trailers, le casting deux étoiles, la campagne promo fun-pop-colorée habilement menée, le bouche à oreille très favorable, les intentions du film gravé dans le second degré… Tout cela a fait de Barbie le « phénomène du moment » et l’a porté vers un succès aussi considérable qu’inattendu. A l’heure où Hollywood essuyait flop sur flop, le bonbon rose de Greta Gerwig est arrivé comme une bouée de sauvetage et d’espoir. Au jeu du « ça-sera-toi-qui-gagnera », Barbie méritait-il ce sacre du film qui relance une machine ronronnante ? Oui et non. Disons qu’il fait un beau cheval de course. Le meilleur sur le pré, on n’ira peut-être pas jusque là.

Connaissant les univers de Greta Gerwig et de Noah Baumbach, on imaginait mal le duo se soumettre aux lois du blockbuster décérébré type « bidule estival sans matière ». A plus forte raison sur un sujet tel que Barbie qui, accosté au premier degré le coude sur la table, pouvait aisément cristalliser toutes les contre-valeurs du moment question sexisme, réprésentation et place de la femme. Et s’il n’en oublie pas d’être amusant et divertissant avec son humour décalé, sa fantaisie pop, ses couleurs flashy et son aventure délirante manipulant avec beaucoup de second degré les célèbres poupées Mattel de nos enfances, Barbie est avant tout un film de propos ; et c’est à la fois sa force et sa faiblesse, sa plus noble qualité comme son défaut le plus handicapant.

Sa force car sous couvert d’une aventure ludique et drolatique aux allures d’improbable croisement entre Toy Story, Women Talking et The Truman Show, Barbie est un film qui se veut intelligent. Greta Gerwig et Noah Baumbach ne se contentent pas d’accompagner leur récit d’un discours fort sur le féminisme, ses racines, son évolution et ses conséquences, ils le placent carrément au centre de leur scénario. Le discours ne naît pas de l’histoire, il EST l’histoire, celle d’une Barbie qui ne comprend pas pourquoi du jour au lendemain son monde de femmes s’écroule, celle d’un Ken qui réalise ce qu’est le patriarcat. Et Gerwig d’exploiter à fond sa thématique pourvoyeuse de quelques grands moments, tantôt pertinents, tantôt drôles, tantôt émouvants. En remettant en question son état au creux d’une crise existentielle, Barbie incarne finalement toutes les femmes qui remettent en question leur condition. Et en paniquant devant la perte de contrôle sur leur jouet vedette, Mattel incarne tous les hommes qui paniquent à l’idée de voir la femme s’émanciper pour mieux se libérer du patriarcat contrôleur. Tout en cherchant à signer une comédie pop, Gerwig déroule une démonstration forte sur le féminisme et ce qu’il engendre, sur l’histoire sociétale de la poupée Barbie et des femmes, sur les rapports hommes-femmes et les nouvelles angoisses des uns et des autres. C’est l’une des composantes les plus louables du film. Que les mâles virils anti-rose se rassurent et se détendent du slibard, Greta Gerwig n’est pas là pour asséner un discours stérile en mode « vive les femmes, à bas les hommes ». Bien plus maligne et lucide, son propos va plus loin que ça, plus fin, plus pertinent, plus inclusif, prônant non pas une inversion des pôles mais un équilibre. Et ça fait du bien car le féminisme enragé et aveuglé ne fait pas forcément du bien à la cause.

Mais dès alors pourquoi ce déploiement d’intelligence serait-il un défaut ? Parce qu’outre le fait qu’il enfonce quelques portes grandes ouvertes par le mouvement féministe actuel (qui n’a pas attendu Greta Gerwig pour discuter de certaines choses), Barbie finit surtout par prendre des allures de film théorique. La « comédie fun » de départ s’évapore un peu trop derrière un propos qui, à force d’être le cœur du film, devient tout le film. Chaque ligne de dialogue, chaque mouvement du scénario, chaque étape narrative semble être dicté par un besoin de souligner le ou les propos. Et Barbie de devenir une comédie intello plus qu’une comédie intelligente en cela que son besoin de démonstration permanent relègue trop souvent l’expression d’un fun simple loin derrière au second plan. A la longue, Barbie en devient quelque peu ennuyeux car il finit par tourner en rond sur lui-même. On aurait aimé davantage de folie non conditionnée par le discours (les écarts de texte de la voix off sont par exemple de délicieuses parenthèses hilarantes). Et sinon, ils n’ont pas pris 50 kilos pour le rôle ou subi 5 heures de maquillage quotidiennes pour porter des prothèses déformantes, ils ne prennent pas part à un drame plombant déclenchant 20 litres de larmes ou à un biopic sur une figure estimée mais bordel, qu’on nomme aux Oscars Margot Robbie et Ryan Gosling !! Car l’air de rien, ce qu’ils font est immense.

Par Nicolas Rieux

 

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