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A NOS ENFANTS de Maria de Medeiros : la critique du film

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Nom : Aos Nossos Filhos
Mère : Maria de Medeiros
Date de naissance : 2018
Majorité : 23 février 2022
Type : sortie en salles
Nationalité : Brésil
Taille : 1h47 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Marieta SeveroJosé de AbreuLaura Castro

Signes particuliers : Un film éminemment politique abordé avec la douceur d’un regard intimiste. 

Synopsis : Vera, qui a combattu la dictature dans les années 70, s’occupe aujourd’hui à Rio d’un orphelinat pour enfants séropositifs. Sa fille, Tania, essaye depuis plusieurs mois, avec sa compagne, Vanessa, d’avoir un enfant par PMA. Entre elles deux, un fossé s’est creusé…

 

LE BRESIL PARLE

NOTRE AVIS SUR A NOS ENFANTS

Si le grand public la connaît principalement pour avoir été la fragile Fabienne de Pulp Fiction, Maria de Medeiros est une artiste fascinante dont le talent s’est exprimé et décliné sous de nombreuses formes. Actrice de théâtre et de cinéma, en Europe comme aux États-Unis où en Amérique Latine, chanteuse, réalisatrice de films et de documentaires, l’indéfinissable portugaise parle couramment six langues, est passionnée de philosophie, de théâtre classique, de politique, du Brésil et de tant d’autres choses. Avec A Nos Enfants, c’est à son autre patrie de cœur, ce Brésil qu’elle aime tant pour y avoir beaucoup voyagé et travaillé, qu’elle rend hommage en se plongeant dans sa société contemporaine via une œuvre aux thématiques multiples. Vera dirige aujourd’hui un orphelinat pour enfants séropositifs. Sa fille, homosexuelle, cherche à avoir un enfant par PMA avec sa compagne, ce que Véra a du mal à accepter. Entre elles, les liens se sont distendus. Parallèlement, le fils d’une vieille connaissance apparaît et réveille en elle le douloureux traumatisme des années de la dictature.

A la lecture du synopsis, on pourrait penser qu’À Nos Enfants risque de se perdre un peu dans ses thématiques multiples qui se télescopent. Il n’en est rien. Au contraire, Maria de Medeiros signe un drame magnifique et bouleversant, d’une grande cohérence. En son cœur, la volonté de montrer un Brésil qui ne doit plus se taire. Durant trop longtemps, le pays a enfoui ses traumatismes au point d’en avoir été l’esclave soumis. Désormais, il est temps de libérer la parole car le silence est bien plus dangereux que le mutisme. De la même manière qu’elle va se confronter à son passé et faire entendre sa voix, Vera va devoir aussi renouer le dialogue interrompu avec sa fille. Pour cicatriser et aller de l’avant, il faut exorciser et non ravaler et enfouir la douleur car c’est ainsi que naît la rancœur. Par l’entremise d’une femme qui va devoir se replonger dans les sombres années d’une dictature qu’elle a combattue au point d’en être encore marquée, A Nos Enfants clame, crie, hurle. Mais sans rage. Maria de Medeiros signe au contraire un film à la tonalité plutôt douce et le mélange « sensibilité intimiste et résonance politique » fait des merveilles. Pudeur et délicatesse bordent le parcours escarpé de la cinéaste. Escarpé car le présent a complètement changé le visage de son film en cours de route.

La maternité, la PMA, l’homosexualité, le sida, les classes moyennes en difficulté, le progressisme, l’intolérance d’hier et celle d’aujourd’hui (celle des années de dictature d’un côté, celle de cette mère qui a du mal avec les désirs d’enfant de sa fille homosexuelle de l’autre), Maria de Medeiros brassait ces sujets en les enracinant à la société brésilienne contemporaine. Sauf que le tournage du film a débuté en 2018 et que  depuis, l’ombre rétrograde de Javier Bolsonaro s’est répandue sur le Brésil en obscurcissant le paysage. A Nos Enfants est d’autant plus pertinent. Si le film contient quelques imperfections (il tourne un peu en rond en cours de route avant de retrouver son chemin et son allant), il n’en demeure pas moins radieux, exprimant avec subtilité un propos politique et social fort.

 

Par Nicolas Rieux

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