Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : #Chef
Père : Jon Favreau
Date de naissance : 2014
Majorité : 11 mars 2015
Type : sortie DVD & Blu-ray
(chez Sony Home Entertainment)
Nationalité : USA
Taille : 1h54 / Poids : NC
Genre : Comédie
Livret de famille : Jon Favreau (Carl Casper), John Leguizamo (Martin), Emjay Anthony (Percy), Scarlett Johansson (Molly), Dustin Hoffman (Riva), Robert Downey Jr (Marvin), Bobby Cannavale (Tony), Sofia Vergara (Inez), Oliver Platt (Ramsey)…
Signes particuliers : Au détour d’une comédie sympathique et pleine de bonne humeur, Jon Favreau signe l’une des plus belles et des plus grinçantes métaphores sur le système hollywoodien actuel.
LA RECETTE DU BON CINÉMA !
LA CRITIQUE
Résumé : Carl Casper, Chef cuisinier, préfère démissionner soudainement de son poste plutôt que d’accepter de compromettre son intégrité créative par les décisions du propriétaire de l’établissement. Il doit alors décider de son avenir. Se retrouvant ainsi à Miami, il s’associe à son ex-femme, son ami et son fils pour lancer un food truck. En prenant la route, le Chef Carl retourne à ses racines et retrouve la passion pour la cuisine et un zeste de vie et d’amour. L’INTRO :
Deauville, le 7 septembre 2014. Alors que le Festival du Cinéma Américain entre dans son troisième jour, Jon Favreau débarque sur les côtes normandes pour y présenter son film #Chef, qui aura connu un joli petit succès outre-Atlantique au début de l’été. Mais franchement, qu’attendre d’un film à petit budget sur la cuisine signé des mains du réalisateur de Iron Man ? A vrai dire, pas grand-chose. Et pourtant, notre curiosité fut piquée au vif, notamment en découvrant le beau casting que s’est payé l’acteur-réalisateur aux allures de gentil nounours sympathique. Outre lui-même qui endosse le premier rôle de cette comédie étonnamment classée « R » aux Etats-Unis, on retrouve devant sa caméra une ribambelle de noms alléchants, des amis Scarlett Johansson ou Robert Downey Jr à l’illustre Dustin Hoffman, de John Leguizamo à Bobby Cannavale en passant par Sofia Vergara ou Oliver Platt. Pas mal quand même.L’AVIS :
#Chef de Jon Favreau aura été clairement l’une des plus belles et des plus réjouissantes surprises du festival. Comédie culinaire drôle, humble et touchante, confectionnée autour d’un récit initiatique filial entre un père et son fils nouant une relation aussi tardive que forte, cette ersatz de road movie endiablé et plein de panache, aura été notre pilule de bonne humeur un beau matin marqué par des températures assez fraîches. Aucune importance, l’atmosphère chaleureuse du film aura suffit à nous requinquer. Jon Favreau se paye une excursion loin des blockbusters auquel il s’est frotté (Iron Man, Cowboys vs Envahisseurs) avec un feel good modeste mais hautement délicieux où le réalisateur s’est taillé un rôle en or devant sa propre caméra. Et le fait d’interpréter lui-même ce personnage central du chef Carl Casper n’aura sans doute pas été un choix laissé au hasard. Probablement aura t-il été d’ordre financier bien sûr, mais pas que. Car #Chef n’est pas juste une simple comédie culinaire sans double-fond, à moins de s’acharner à ne vouloir y voir que cela, avec œillères rétrécissant le champ de vision.#Chef est surtout l’une des plus habiles métaphores vue depuis un sacré bail, sur le cinéma actuel, sur le fonctionnement d’Hollywood, sur les codes commerciaux imposés par des exécutifs dénués d’audace, et sur la créativité bridée des artistes. Tant que ça ? Oui. De fait, remplacez la cuisine par le cinéma et voilà que #Chef se paye une toute nouvelle lecture flambante neuve et formidable d’à-propos, loin de son apparente étiquette de petit film anecdotique sans saveur ni profondeur. Le cinéaste raconte l’histoire d’un chef cuisinier au talent indéniable, travaillant dans un grand restaurant étoilé au lustre résonnant depuis des années. Mais voilà, avec le temps, les menus imposés par sa direction inflexible refusant ses idées audacieuses et créatives, finiront par avoir raison de sa patience. Et surtout de celle des critiques gastronomiques qui se mettront à descendre en flèche l’artiste culinaire pourtant bourré de talent mais coincé par les ordres. On pointe du doigt son absence d’innovation, sa fainéantise créatrice, son flétrissement à sans cesse écouler les mêmes menus érigés en hit il y a des années et dont il ne faut pas bouger la recette d’un iota pour ne pas bouleverser les habitudes de la clientèle. Mais les critiques ne sont pas au fait de ce qui se trament en coulisse et du combat mené par le chef pour faire entendre raison à son supérieur (D. Hoffman) et le convaincre de l’importance d’essayer, d’innover, de surprendre, pour éviter qu’un beau jour, cette clientèle si durement acquise, ne se détourne des lieux. Comment faire dans une telle situation bloquée où l’on sait que l’on donne à manger à cette clientèle du réchauffé alors que tant de bonnes choses pourraient être tentées ? C’est bien simple, il ne reste qu’à prendre ses cliques et ses claques et aller tenter l’aventure en indépendant, avec la liberté créative qui va de pair, en espérant que les gens suivent. Le discours sur le cinéma hollywoodien actuel est tout simplement grandiose. Facile mais grandiose. Ni vu ni connu, Jon Favreau égratigne fermement Hollywood dans une métaphore aussi évidente que lucide. Il suffit juste d’échanger quelques mots. Remplacer les menus du restaurant par les recettes toutes faites qui sous-tendent la conception des blockbusters actuels sans saveur. Remplacer le cuisinier par le réalisateur et son supérieur par les pontes d’Hollywood. Remplacer la bataille entre ces deux voix par celle opposant les cinéastes plein d’idées à leurs producteurs obtus et fermés aux idées audacieuses. Remplacer le départ pour monter sa propre société par l’exode des metteurs en scène allant chercher la liberté loin d’Hollywood, du côté du cinéma indépendant etc… Tout y est. Et comme son personnage, Favreau aura su trouver sa liberté créatrice loin de ce Hollywood brideur, en allant faire ce film du côté du cinéma indépendant où il n’est pas coincé par des codes rigides qui gêne son talent et l’oblige à accoucher de mauvais films à cause d’un cahier des charges indéboulonnables (le film devient ainsi une réponse aux critiques relatives aux échecs artistiques de Iron Man 2 et Cowboys vs Envahisseurs).De là à dire que #Chef ne se résume qu’à ça et n’est destiné qu’aux cinéphiles amateurs de discours critique sur le cinéma ? Pas du tout. A côté de cela, Chef est aussi une petite distraction sucrée-salée emballante, un formidable moment de cinéma simple, détendu, humble et sincère. A noter la révélation du jeune Emjay Anthony, gamin attachant qui donne brillamment à l’écran, la réplique à son « père de cinéma ». Jon Favreau, on vous dit merci pour ce beau cadeau !
L’ÉDITION BLU-RAY
Il y a des éditions Blu-ray où l’on se sent instantanément bien, rien qu’en lançant la galette dans le lecteur. #Chef fait partie de celles là. Un menu à l’interactivité amusante avec sa fourchette et son couteau, une musique latina dès plus délicieuse, et l’on se balade avec plaisir dans le Blu-ray du petit bijou de Jon Favreau. Direction les suppléments, ni bâclés ni trop nombreux. Au programme, les commentaires de l’auteur/réalisateur accompagné du coproducteur et chef cuisinier Roy Choi, un petit lot de scènes coupées ou présentées en version longues, et un module « à l’intérieur du camion ». On décrypte tout ça, non s’être penché au préalable sur les caractéristiques techniques, pour dire qu’entre son master HD respectant le format 2:40 et ses pistes sons affichant un agréable DTS-HD 5.1, #Chef est aussi chatoyant qu’il ne l’était en salle !
Les scènes coupées au montage représentent bien trop souvent une petite arnaque aux faux suppléments de qualité avec une ribambelle de séquences peu intéressantes. Ce n’est pas le cas avec #Chef qui en propose quelques-unes (7 au total) dont la majorité sont vraiment inédites et… excellentes ! A en regretter de ne pas les voir dans le film à l’image des scènes du marché agricole ou du Café Cubain, deux échanges truculents père/fils sur le concept du boss et du big boss dans un restaurant ou sur le susnommé café cubain au goût bien particulier. Également une berceuse espagnole, un défilé folklorique dans Little Havana et un caméo du chef Roy Choi. Très plaisant. Suit le module A l’intérieur du camion, featurette de 8 minutes sur le tournage du film. Jon Favreau y explique sa démarche et sa volonté d’authenticité, le chef et coproducteur Roy Choi vante régulièrement les mérites d’un cinéaste désireux de respecter le métier qu’il met en scène, Sofia Vergara, Oliver Platt et John Leguizamo interviennent brièvement… Le tout entrecoupé de nombreuses images du tournage, insistant notamment sur l’entraînement de Favreau pour incarner un chef crédible, avec au passage, une recette illustrée de fruits rouges à la crème et à la poudre de caramel ! Il ne manque finalement à ses bonus, que la recette du parfait sandwich cubain et on aurait été bon.
Pour les plus passionnés, la version du film avec les commentaires audio de Jon Favreau et de Roy Choi sera un bon moyen de se plonger pleinement dans le film. Avec une verve étonnante, le duo s’expriment avec une telle vivacité qu’il en devient presque difficile de suivre le rythme. On en apprend davantage sur la façon dont Favreau a appris à se fondre dans la peau d’un véritable chef, sur les conseils qu’il a reçu, sur les choix des lieux de tournage, sur la symbolique cachée de la mise en scène de certaines séquences (l’opposition avec Dustin Hoffman en cuisine par exemple). Surtout, même si malheureusement l’analogie n’est jamais très approfondie alors qu’elle constitue ce qu’il y a de plus formidable dans le film, Favreau s’exprime un peu sur le rapport évident entre l’art culinaire et l’art cinématographique, ce rapport qui fait de son oeuvre une parabole brillante sur l’industrie hollywoodienne. Au détour de quelques scènes, le cinéaste lève un peu le voile sur certaines similitudes et nous permet de saisir subrepticement, toute l’intelligence de son fin pamphlet critique. Des commentaires audio réellement passionnants, que l’on dévore avec… appétit !
Bande-annonce :