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ATTILA MARCEL de Sylvain Chomet
En salles – critique (comédie)

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21041438_20130918153131316.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxMondo-mètre :
note 6.5
Carte d’identité :
Nom : Attila Marcel
Père : Sylvain Chomet
Livret de famille : Guillaume Gouix (Paul/Attila Marcel), Anne Le Ny (Mme Proust), Bernadette Lafont (Tante Annie), Hélène Vincent (Tante Anna), Luis Rego (Coehlo), Cyril Couton (Docteur), Jean-Claude Dreyfus (Kruzinsky), Fanny Touron (Anita), Kea Kaing (Michelle)…
Date de naissance : 2012
Majorité au : 30 octobre 2013 (en salles)
Nationalité : France
Taille : 1h46
Poids : Budget NC

Signes particuliers (+) : Pour son premier film live, Sylvain Chomet signe une petite fantaisie douce-amère important les codes de son univers animé dans le film en prises de vues réelles. Le résultat est original, séduisant, amusant et un brin décalé. Un joli moment de cinéma singulier porté par un extraordinaire Guillaume Gouix « muet » et une belle galerie de seconds rôles, magnifiquement composée.

Signes particuliers (-) : Quelques petites imperfections et maladresses dans un film qui ne va pas toujours au bout de ses idées, demeurant parfois dans un entredeux déroutant. Rien de méchant.

 

DU DESSIN-ANIMÉ EN CHAIR ET EN OS…

Résumé : Paul a la trentaine, il vit dans un appartement parisien avec ses tantes, deux vieilles aristocrates qui l’ont élevé depuis ses deux ans et rêvent de le voir devenir pianiste virtuose. Sa vie se résume à une routine quotidienne, entre le grand piano du salon et le cours de danse de ses tantes où il travaille en tant qu’accompagnateur. Isolé du monde extérieur, Paul a vieilli sans jamais avoir vécu… Jusqu’au jour où il rencontre Madame Proust, sa voisine du quatrième étage. Cette femme excentrique possède la recette d’une tisane aux herbes capable, grâce à la musique, de faire ressurgir les souvenirs les plus profondément enfouis. Avec elle, Paul va découvrir son histoire et trouver la clé pour vivre enfin sa vie…

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L’INTRO :

Après des années de bons et loyaux services envers l’animation française, le cinéaste Sylvain Chomet troque ses planches de dessin et ses crayons contre un imposant équipement technique et des comédiens en chair et en os, pour sauter le pas vers le long-métrage live. D’une part, par défi et envie de s’essayer à autre chose et de se confronter à une nouvelle forme (pour lui) de cinéma et d’autre part, parce que le marché de la pure animation dessinée (par opposition à la standardisée animation par ordinateur) est devenue économiquement et humainement compliquée et pas forcément viable. C’est avec un peu d’appréhension que le réalisateur s’est lancé dans cette aventure impliquant une façon de travailler entièrement nouvelle, lui qui jusque-là n’avait approché le style que via un court segment dans l’anthologie Paris, Je T’aime. Après un grand travail d’écriture parasité par la non-habitude d’accoucher de script au sens classique du terme, Sylvain Chomet tenait Attila Marcel, une comédie dramatique très nuancée, qui trouve ses origines dans un détail amusant de son illustre classique Les Triplettes de Belleville (2002). Une chanson plus exactement, intitulée « Attila Marcel » et composée à l’époque par le cinéaste, dont on entendait la ritournelle dans la bande originale du film.

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L’AVIS :

Quelque part du côté de Gondry, de Jeunet, de Jaco Van Dormel ou surtout de Jacques Tati, mais authentiquement Sylvain Chomet, Attila Marcel est un premier film live original, une curiosité atypique surprenante et parfois même déroutante, qui a cette particularité de transposer ou plutôt d’importer les composantes tant esthétiques que narratives, de son univers animé dans le cinéma en prises de vue réelles. Le résultat est étrange, un film presque « dessiné » avec une caméra où les bulles deviennent des plans, où les planches deviennent des séquences, où les personnages animés se matérialisent par les corps de comédiens, où l’on retrouve des codes similaires, un sens du rythme et de la construction assez proche, la même économie du dialogue, laissant place à davantage de présence des acteurs et en priorité un héros « muet » très caractérisé mais non pas par le langage physique inutile mais par le langage du corps, du mouvement, de l’expressivité.

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Engagé sur un ton comico-dramatique nourri de mélancolie et d’émotions frémissantes, rappelant ainsi le style et la rhétorique de certaines légendes belges de la BD comme Hergé ou Franquin, Sylvain Chomet fait de son Attila Marcel une petite douceur ubuesque pleine de tendresse, une comédie qui ose la différence, singulière et audacieuse, nous invitant dans un univers qui l’est tout autant, drôle, touchant, décalé et fantaisiste. Et même s’il débute en un sens dans le cinéma du « réel », Chomet fait preuve d’une créativité rare et d’une inventivité, tant dans sa mise en scène que dans sa narration et sa construction, qui fait beaucoup de bien à cette sucrerie douce-amère marquée par une forme de drôlerie sympathique tout en s’éloignant de la comédie classique pour trouver un ton bien à elle, s’ancrant au passage dans les thématiques récurrentes de son cinéma, notamment quant à la filiation ou l’absence du modèle parental.

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Et puis il y a Guillaume Gouix. L’étoile qui brille au milieu de cet essai, certes imparfait, mais empli à son image, d’une sincérité bouleversante. Un comédien sur qui tout le film repose et qui s’inspire des génies du muet ou du langage corporel pour (Tati ou Chaplin) pour donner de la vie et surtout de la présence à son personnage d’orphelin qui ne parle plus depuis sa tendre enfance et la mort de ses parents. Par la gestuelle, par le regard, par la tenue, par son visage, Guillaume Gouix fait passer des centaines d’expressions sans avoir besoin d’une seule ligne de dialogue pour matérialiser de façon concrète ce qui se passe dans sa tête et dans celle de Sylvain Chomet au moment de l’écriture de ce personnage magnifique accroc aux chouquettes.

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Même si Attila Marcel n’est pas parfait, même si Sylvain Chomet ne va pas toujours au bout de ses idées et même si l’incarnation de son cinéma animé dans le cinéma live souffre de quelques maladresses pour ne pas dire incompatibilité sur certains points de détail, il n’empêche que ce cinéma là a une patte, un style, est plus important, se drape d’un courage épatant. Le résultat est parfois déconcertant, l’ambiance parfois biscornue, mais l’ensemble ne manque pas de séduire avec son personnage principal attendrissant et sa belle galerie de seconds rôles épatants d’imagination, des tantes siamoises vampiriques interprétées avec génie par Hélène Vincent et feu Bernadette Laffont (une pensée) à une amusante Anne Le Ny, qui reprend un rôle à la base dévolu à Yolande Moreau (et qui d’ailleurs a du mal à s’affranchir de ce fait, reproduisant un peu trop son jeu au lieu de s’approprier son personnage de gentille « sorcière » excentrique) en passant par un Jean-Claude Dreyfus des grands soirs, un Luis Rego qu’il est toujours plaisant de revoir, une méconnue Fanny Touron qui apporte un peu de charme à cette chimère ou un toquée rigolote Kea Kaing. En quête d’un peu de fraîcheur, voici un joli petit film qui mérite un petit détour agréable. On terminera juste par un petit mot indispensable sur la sublime affiche du film qui d’ailleurs, a visiblement inspiré l’acteur Guillaume Gouix avec cette élégante mise en abîme ci-dessous.

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Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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