Mondociné

AMERICAN BLUFF de David O. Russell
En salles – critique (thriller/drame)

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Spectateurs

199998.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxMondo-mètre :
note 5.5
Carte d’identité :
Nom : American Hustle
Père : David O. Russell
Livret de famille : Christian Bale (Irving Rosenfeld), Bradley Cooper (DiMaso), Amy Adams (Sydney), Jennifer Lawrence (Rosalyn), Robert De Niro (Tellegio), Jeremy Renner (Carmine Polito), Michael Peña (Hernandez), Jack Huston (Musane), Alessandro Nivola (Amado), Saïd Taghmaoui (le faux Sheik)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 5 février 2014 (en salles)
Nationalité : USA
Taille : 2h17
Poids : 40 millions $

Signes particuliers (+) : Des moments de pur génie associés à une foire aux performances d’acteurs dans une oeuvre ambitieuse lorgnant vers Scorsese, font d’American Bluff un film souvent fascinant, par ailleurs agrémenté d’une reconstitution savoureuse des années 70 et d’un humour aussi subtil que ravageur prenant naissance de ses personnages de looser fabuleux.

Signes particuliers (-) : David O. Russell s’inscrit dans l’imitation du maître Scorsese et s’efforce de signer une fresque dramatico-mafieuse à l’ancienne convoquant Les Affranchis, Casino et autres nobles références. Malheureusement, le cinéaste ne maîtrise pas son oeuvre et échoue dans ses ambitions faute de parvenir à toucher du doigt la grâce scorsesienne. Trop de problèmes de rythme, d’écriture et de mise en scène rendent sa copie appliquée mais fastidieuse et bancale.

 

DANS LA PEAU DE MARTIN SCORSESE

LA CRITIQUE

Résumé : Un escroc particulièrement brillant, Irving Rosenfeld, et sa belle complice, Sydney Prosser, se retrouvent obligés par un agent du FBI, Richie DiMaso, de nager dans les eaux troubles de la mafia et du pouvoir pour piéger un homme politique corrompu, Carmine Polito. Le piège est risqué, d’autant que l’imprévisible épouse d’Irving, Rosalyn, pourrait bien tous les conduire à leur perte…

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L’INTRO :
On l’aura attendu avec une impatience folle ce American Bluff, autrement titré American Hustle en version originale. Le génial et touche-à-tout David O’Russell (Les Rois du Désert, Fighter) revient un an à peine après le succès de son délicat Happiness Therapy pour un thriller dramatico-historique aux allures de fresque gangsterisée portée par un casting absolument démentiel sur le papier, essentiellement composé de fidèles avec qui il a déjà collaboré. Christian Bale, Bradley Cooper, Amy Adams, Jennifer Lawrence, Robert De Niro mais aussi les petits nouveaux Jeremy Renner et Michael Peña ou encore dans des rôles plus mineurs, Jack Huston, Alessandro Nivola et notre frenchie exilé à Hollywood Saïd Taghmaoui. Une sacrée distribution pour un film au look séduisant revenant sur l’un des plus extraordinaires scandales de l’histoire policière de l’Amérique des années 70.

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American Bluff s’inspire lointainement de l’affaire Abscam que Louis Malle avait déjà tenté de porter à l’écran en 1982 avant que la mort de Jim Belushi ne mette un terme au projet. Au milieu des excentriques seventies, des agents du FBI s’étaient associés avec des escrocs pour faire tomber une brochette d’hommes politiques aux agissements douteux, entretenant des accointances avec la mafia. La précision du détail dans le cinéma de David O’Russell, sa faculté à nous immerger dans des univers forts et la brochette de talents en place, avaient tout pour faire de cette œuvre clinquante, un must fiévreux de l’année 2014.

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L’AVIS :
Malheureusement, c’était encore une fois sur le papier car American Bluff est une déception, probablement parce qu’elle suscitait justement trop d’attente. Et le film n’est pas la claque magistrale espérée. Plus précisément, American Bluff souffre du syndrome de l’œuvre qui boîte. Un pied grand comme le génie reconnu de son auteur et l’autre trop court sur patte et le rend bancal, soulignant au passage tout le chemin qui lui reste à parcourir pour égaler ses nobles références ouvertement affichées. Passée une séquence d’introduction qui aura sa place sur le rayonnage des moments cultes à retenir de cette nouvelle année, le début fait instantanément penser aux Affranchis, de même que plusieurs séquence évoqueront ouvertement Casino à la fois narrativement et stylistiquement. David O. Russell enfile les pantoufles trop grandes pour lui de Martin Scorsese et avance péniblement avec sans jamais trouver la cadence qui faisaient des illustres œuvres du maestro new-yorkais, de purs bijoux de cinéma.

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Le cinéaste semble s’efforcer d’imiter la marque de fabrique scorsesienne sans jamais l’égaler ni de près ni de loin, malgré l’envie de bien faire évidente. Voix off, raccords dans le mouvement et le son, rhétorique luxueuse, dispositif clinquant, dialogues peaufinés, musique d’époque « vintage mais cool », comédiens incarnant des rôles puissants, le metteur en scène étale toute la panoplie du bon élève mais voilà, Scorsese a un sens inné de la maîtrise et du rythme qui rendent ses films semblables à des valses gracieuses au tempo parfaitement étudié, alternant temps forts et temps de répit dans une maestria épatante. American Bluff ressemble lui davantage à un slow truffé de faux pas où l’on se marche sur les pieds, dénaturant ainsi la grâce du moment en égratignant sa magie romantique. Dès lors, ce qui apparaissait comme une œuvre grandiose et intense aux allures de fresque policière épique entre petits escrocs, police et mafia, se retrouve lézardée par ses ambitions et brinquebalante, partagée entre sa dimension majestueuse et ses défauts qui en annihilent l’impact.

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Car American Bluff n’est pas un échec sur toute la ligne et c’est qui le rend d’autant plus frustrant. Certes, le film aligne les maladresses comme un manque de rythme flagrant, des séquences incessamment étirées là où elles auraient méritées davantage de concision pour gagner en efficacité pure ou une tendance facile et exagérée à jouer de la carte de la chouette BO rétro-cool pour séduire en plongeant dans l’ambiance de l’époque, point sur lequel David O. Russel semble plus dérouler une playlist finement préparée et programmée sur son Ipod maladroitement placée et sur-présente comme si le film se payait des incursions dans le clip stylisé (le même tort que Guillaume Canet sur Blood Ties au passage). Mais pour autant de défauts, autant des séquences absolument exceptionnelles. American Bluff se retrouve le cul entre deux chaises, sans cesse tiraillé entre ses fulgurances nourrissant des moments de génie purs et les instants suivants qui le font reculer en mode sous Scorsese non maîtrisé. Néanmoins, American Bluff est un film à voir. Pourquoi ? Pour ses moments de brio à se damner, pour son script magnifique bien que mal restitué, pour sa drôlerie second degré, souvent le résultat le personnages de loosers savamment composés tels des pieds-nickelés pathétiques (voir Christian Bale se coller sa moumoute sur son crâne dégarni ou Bradley Cooper avec ses bigoudis pour donner du volume à ses frisettes est un délice en soi). Et si ce n’est pas suffisant, il reste encore un étalage hallucinant de performances d’acteurs incroyables, entre le caméléon gallois Bale auteur d’une nouvelle transformation physique impressionnante et d’une démonstration d’acting sublime, une Amy Adams sexy toute en sensualité, une Jennifer Lawrence poignante en dépressive écervelée, un Bradley Cooper phénoménal en agent ridiculement habité ou un De Niro dont les rares scènes suffisent à déclencher un charisme glaçant envahissant l’écran…

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Au final, American Bluff frustre plus qu’il ne déçoit. Parce que l’on perçoit la grandeur de l’œuvre sans réellement la toucher du bout des doigts. Parce que son génie est trop aléatoire, parce que le meilleur y côtoie un moins bien qui lui fait du tort. Entre ennui fastidieux et fascination enivrante, entre adoubement contraint et gêne parfois pénible, il est un bel exemple de chef d’œuvre anéanti par sa « bancalité ».

Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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