[Note spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : Se Rokh
Père : Jafar Panahi
Date de naissance : 2018
Majorité : 6 juin 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : Iran
Taille : 1h40 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Behnaz Jafari, Jafar Panahi, Marziyeh Rezaei…
Signes particuliers : Après Taxi Téhéran, Jafar Panahi déçoit un peu.
UN PLAIDOYER POUR LA LIBERTÉ
LA CRITIQUE DE TROIS VISAGES
Résumé : Une célèbre actrice iranienne reçoit la troublante vidéo d’une jeune fille implorant son aide pour échapper à sa famille conservatrice… Elle demande alors à son ami, le réalisateur Jafar Panahi, de l’aider à comprendre s’il s’agit d’une manipulation. Ensemble, ils prennent la route en direction du village de la jeune fille, dans les montagnes reculées du Nord-Ouest où les traditions ancestrales continuent de dicter la vie locale.
Trois ans après le succès de Taxi Téhéran (Ours d’or à Berlin), le réalisateur Jafar Panahi fait son entrée dans le grand bain de la compétition officielle cannoise avec 3 Visages, récompensé du prix du scénario au terme des onze jours de festival. Un festival où le cinéaste aura tristement brillé par son absence, victime de son cinéma contestataire mal vu par Téhéran et assigné à résidence par les autorités de son pays. Dans 3 Visages, Jafar Panahi part en balade dans l’arrière-pays iranien, et nous emmène au coeur des villages de montagnes. Après avoir reçu une vidéo d’une jeune fille en détresse voulant se suicider après l’effondrement de ses rêves de devenir actrice, le réalisateur, qui se met lui-même en scène dans un amusant effet de mise en abyme, part en quête de cette adolescente en compagnie d’une amie comédienne à qui ladite vidéo était principalement destinée. Et Jafar Panahi d’ainsi assumer sa filiation avec son père spirituel Abbas Kiarostami dont il a été jadis l’assistant, à travers un road-trip entre humour, tendresse et discours sociétal, dans l’esprit du Goût de la Cerise ou de Ou-est la maison de mon ami ?, classiques du maître Kiarostami, le premier ayant même connu les honneurs d’une Palme d’or en 1997.
Malheureusement, si l’on retrouve bien la patte du cinéma de Jafar Panahi dans ce nouvel effort offrant un regard pertinent sur un pan de la société iranienne, 3 Visages peine nettement plus à convaincre que Taxi Téhéran avant lui. Toujours à cheval entre le documentaire venu d’un observateur de sa société et la fiction minimaliste, s’amusant même à gommer la frontière qui les sépare, 3 Visages vaut surtout pour les intentions à la base de son propos, que pour ce qu’il a à offrir en termes de cinéma. Le metteur en scène y parle de la condition féminine dans son pays à la culture très patriarcale, de l’art et de la place de l’artiste en Iran comme porte-parole social, du progressisme en berne dans les contrées reculées, mais tout cela coexiste dans une oeuvre un peu bancale, très bavarde et souvent hermétique faute de trouver un réel élan cinématographique capable de porter ses sujets et de communiquer des émotions. Avec ce road-movie voyageur qui lui permet de s’extraire des contraintes politiques qu’il subit (il n’a plus le droit de tourner depuis 2010 et compose discrètement avec ce fait), Jafar Panahi signe un film intelligent dans sa proposition mais l’aboutissement de celle-ci ne résonne pas dans une nouvelle oeuvre qui nous laisse un peu à l’écart, tel un spectateur distant face à un voyage dans lequel on est embarqué sans vraiment parvenir à y prendre part. Tout un paradoxe à l’image d’un film lui-même très paradoxal, qui oscille entre le sérieux et un style parfois picaresque, entre le mouvement libre et le trop figé (le road-trip souffre d’une allure curieusement très statique), entre l’épure resserrée et l’absence de rythme et d’intensité, ou entre un sujet fort et le manque de puissance.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux