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THE LAND OF HOPE (critique – drame)

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THE+LAND+OF+HOPEMondo-mètre :
note 6
Carte d’identité :
Nom : The Land of Hope
Père : Sono Sion
Livret de famille : Isao Natsuyagi (Yasuhiko Ono), Jun Murakami (Yoichi), Megumi Kagurazaka (Izumi Ono), Hikari Kajiwara (Yoko), Denden (Ken Suzuki), Mariko Tsutsui (Meiko Suzuki), Motoki Fukami (Arai), Mitsuru Fukikoshi (Mizushima)…
Date de naissance : 2012 / Nationalité : Japon, Angleterre, Taïwan
Taille/Poids : 2h13 – Budget NC

Signes particuliers (+) : Un film plein de tendresse malgré le portrait terrifiant qu’il brosse sur les conséquences d’un dramatique accident nucléaire. Résonnant d’actualité, The Land of Hope séduit par ses personnages attachants et son atmosphère ubuesque signifiant l’incompétence des dirigeants. Un pamphlet misant plus sur la sensibilité que la virulence directe.

Signes particuliers (-) : Des longueurs, un ton moins corrosif qu’attendu et une émotion pas toujours exploitée au mieux.

 

MANIFESTE ANTI-NUCLÉAIRE

Résumé : Quelques années après l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima, un nouveau tremblement de terre déclenche un second accident dans une centrale à Nagashima. Les populations dans un rayon de 20 kilomètres sont évacuées. A la limite du cordon de sécurité, une famille va se retrouver séparée. Sous la pression des parents, les jeunes fuient les lieux. Les anciens eux, décident de rester…

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Grand artisan pourtant discret de la scène cinématographique nippone avec un style singulier à la lisière de l’underground et du punk-cinéma, Sono Sion a toujours composé ses films avec pour base un regard déviant sur la société japonaise, ses phénomènes sociologiques, ses caractéristiques et ses changements. C’est ainsi qu’en 2003, il abordait le thème délicat du taux de suicide record de son pays à la manière d’un film de genre pour livrer l’excellent Suicide Club de la même manière qu’en 2010 avec Guilty of Romance, il s’emparait de la dichotomie de la société japonaise errante entre ultra-traditionalisme refrénant ancré dans les mentalités et abandon fugace à des pulsions violentes et explosives d’une culture trash radicale tranchante. Les déviances d’un société japonaise malade qui se retrouvaient déjà dans le fascinant et étrange Strange Circus en 2005 par exemple ou dans Himizu, en 2011, où il questionnait la violence de la jeunesse dans la société du pays du soleil levant

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En 2012, Sono Sion investit le drame épuré et peut-être face à la gravité de son nouveau sujet, il laisse de côté son univers punk-underground à l’étrangeté souvent troublante pour ne pas manquer le grand événement qui va certainement changer à jamais la face de son pays et de la société japonaise. L’accident nucléaire de la centrale de Fukushima, en mars 2011, a défiguré un pays qui en portera pour longtemps les stigmates, à jamais associé à une angoisse de cette forme de modernité désormais palpable. Subversif, Sono Sion a voulu investir ce terrain tabou au Japon et a dû batailler pour mener son projet à terme comme il l’explique dans les interviews presse, cernant le fait que finalement, au Japon, le tabou de l’accident nucléaire est devenu bien fort que le sexe ou la violence presque banalisés par un cinéma dont les excès reflètent souvent la face sombre de la société. Le drame est survenu alors que le cinéaste tournait Himizu qui prenait place dans un contexte de tsunami dévastateur et pour Sion, il était important de ne pas s’arrêter là et de poursuivre vers ce sujet, d’aborder encore à chaud ce récent drame, lui qui est un grand partisan du non-nucléaire., technologie qu’il ne juge pas encore suffisamment au point pour être utilisée. La preuve un tragique 11 mars 2011.

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Avec The Land of Hope, Sono Sion imagine un futur proche, dans quelques années, dans une ville fictive, où un nouvel accident nucléaire se produit consécutif à un tremblement de terre. Le souvenir de Fukushima est encore frais dans l’esprit des japonais et l’action va se concentrer sur un microcosme rural, dans une famille d’agriculteur désemparée face à la catastrophe. Pour ce faire, Sion va signer un film sobre, dépourvu d’artifices, une sorte de petite fresque à mi-chemin entre le drame mélancolique et le film sentimental crépusculaire, dominée par une atmosphère lourde et angoissante avec un zeste de « faux fantastique » donnant du mystère à ce pamphlet anti-nucléaire où la menace semble poursuivre les pauvres personnages qui n’arrive pas à s’en défaire dans leur fuite, pour ceux qui fuit. Car Sono Sion ancre son récit une fois de plus dans la société japonaise entre traditionalisme et modernité. Les jeunes fuient, poussés par leurs aînés, alors que les anciens restent, fidèles à leur chez-eux qu’ils ne quitteront jamais quoiqu’il advienne. Avec beaucoup de douceur et de sensibilité et une pointe d’ubuesque, le cinéaste brosse un tableau intimiste d’une catastrophe par le biais de deux couples, les jeunes et les parents. Chacun fait face à sa manière, à ses angoisses et à l’inquiétude ambiante d’une région désormais désolée.

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The Land of Hope est l’antithèse du film catastrophe par excellence. Point de plans spectaculaires d’un pays dévasté, point de dramatisation excessive et d’action, Sono Sion œuvre dans la sobriété la plus extrême pour se contenter de dépeindre les conséquences humaines d’une catastrophe qui récemment a de nouveau éveillé le monde sur une question sensible, 26 ans après celle de Tchernobyl. Le film ne manque pas de force et de corrosif au détour de plans composés avec une grande beauté et une puissance résonnante. Mais on attendait dans le même temps peut-être plus de hargne de la part d’un auteur marginal comme Sono Sion qui nous a souvent habitué à enfoncer des portes soigneusement refermées avec plus de mordant. D’autant que le film manque un peu d’émotion, ce qui le rend imparfait sur les deux tableaux et finalement presque décevant face aux attentes placées en lui. L’impression de redondance de plusieurs scènes donnant au film une longueur peut-être trop imposante (2h13) achève de rendre ce The Land of Hope un peu bancal malgré ses qualités néanmoins évidentes. Des qualités qu’il faut aller chercher dans la partie « conte absurde » qui ne fait que matérialiser certaines idées nonsensiques tragi-réelles transformant le film en critique doucement virulente, comme ce village coupé en deux par la limite de la zone irradié. Deux maisons, deux familles de voisins au destin divergeant, entre ceux qui doivent évacuer et ceux qui peuvent rester alors que cinq mètres les séparent ! Ou encore ces courriers gouvernementaux récurrents qui arrivent au domicile de la famille d’agriculteurs concernés par l’histoire, courriers dramatisant progressivement une situation que tout le monde a perçu comme dramatique depuis longtemps avec un non-sens presque tragi-comique.

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The Land of Hope, même s’il se classe en-deçà des attentes, est un joli drame d’un auteur décidément à part qui, même s’il s’assagit dans son style, reste corrosif dans son entêtement à vouloir pointer du doigt de façon cinglante les sujets qui fâchent. Il fallait du courage pour aborder le drame nucléaire de Fukushima à chaud et Sono Sion le fait avec une belle élégance auteuriste en désignant ce mal invisible comme un fléau frappant les petites gens, de même qu’il le fait animé d’un esprit dénonciateur visant les gouvernements et leur incompétence face à une menace qu’ils maîtrisent bien mal. On lui pardonne du coup ses défauts et ses longueurs car le résultat est quand même aussi attachant que ses personnages entre ce couple de jeunes amoureux déraciné, lui mortifié et angoissé, elle se baladant avec sa combinaison protectrice telle une extraterrestre, entre ces anciens, lui tendre et protecteur, elle gravement atteinte d’Alzheimer ce qui empêche la catastrophe d’avoir une emprise sur elle. Empli de sensibilité à fleur de peau voire parfois décalée, The Land of Hope peut ennuyer ou bouleverser mais dans tous les cas à quelque chose de fascinant dans sa balade tragique face à un ennemi invisible et tapi dans l’air. Mais au final, c’est bien la tendresse et l’amour qui l’emporte sur le malheur et le deuil. Et le film de s’illuminer dans son fatalisme.

Bande-annonce :

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