Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : The Bling Ring
Père : Sofia Coppola
Livret de famille : Katie Chang (Rebecca), Emma Watson (Nicki), Israel Broussard (Marc), Taissa Farmiga (Sam), Claire Julien (Chloe), Georgia Rock (Emily), Leslie Mann (la mère de Nicki)…
Date de naissance : 2013 / Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h30 – 20 millions $
Signes particuliers (+) : La justesse avec laquelle Sofia Coppola cerne cette jeune génération en mal d’icônes et de valeur crédibles au travers de ce micro fait divers qui arrive à se transcender. L’excellence du jeune casting en présence.
Signes particuliers (-) : Visuellement, le film manque un peu d’homogénéité. Et ironiquement, il participe à ce qu’il dénonce.
THE BLING KIDS
Résumé : Entre 2008 et 2009, un groupe d’adolescents fascinés par l’univers des peoples et du luxe, s’est introduit dans les villas de plusieurs célébrités pour y voler vêtements, bijoux, chaussures, sacs à main etc. Surnommé « The Bling Ring », cette petite bande de cinq amis ont au final subtilisé pour près de 3 millions d’objets de luxe…
L’ouverture de la section Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes s’est faite avec un petit événement cinématographique de cette année 2013 puisque c’est la talentueuse et tendance cinéaste Sofia Coppola qui s’est déplacée pour venir y présenter son attendu nouveau film, The Bling Ring, adapté d’un fait divers qui avait défrayé la chronique américaine pour ce qu’il mettait en lumière de la nouvelle jeunesse actuelle. Miss Coppola fille signe là son cinquième long-métrage en 14 ans de carrière comme réalisatrice et emprunte un virage marqué pour bifurquer dans un autre ton et un autre style tranchant d’avec celui employé sur son précédent Somewhere, délicate comédie dramatique sur une histoire filiale d’apprentissage et de découverte de l’un et de l’autre entre un père acteur lointain et sa fille un peu perdue dans son univers et qu’il ne connaissait finalement pas tant que ça.
C’est après avoir découvert un article dans Vanity Fair retraçant la rocambolesque histoire du gang adolescent surnommé « The Bling Ring » que Sofia Coppola s’est rendu compte du potentiel de cette anecdotique petite histoire criminelle dont elle avait vaguement entendu parler sans plus y prêter cas que cela. Pour resituer dans son contexte, le Bling Ring était une bande de cinq ados californiens de famille plutôt aisées qui, entre 2008 et 2009, s’étaient introduits dans des villas de stars absentes pour les « visiter » au passage y piquer fringues, chaussures, sacs à main, bijoux, argent liquide si possible… Pour ces gamins inconscients de la gravité de leurs actes, il ne s’agissait pas de véritables « cambriolages » au sens où l’on est habitué à l’entendre mais de menues bêtises d’ados comme on en a tous fait. C’est en cela que cette histoire devenait potentiellement exploitable par la cinéaste qui y voyait l’occasion de traiter une fois de plus de ses thématiques de prédilections autour de la jeunesse américaine. Car le Bling Ring ne dévalisait de fond en comble pas les maisons des stars qu’ils visitaient autant qu’ils les admiraient. Ils se contentaient de squatter, de s’y balader, de regarder et d’y rêvasser, en emportant cela dit au passage, quelques « petits cadeaux personnels » mais jamais rien de très visible, seulement des choses qui noyées dans la masse, ne se verraient pas. C’est ainsi qu’ils ont pu s’introduire et piquer des choses chez la starlette Paris Hilton à plusieurs reprises sans même qu’elle ne s’en rende compte. Lindsay Lohan, Rachel Bilson, Orlando Bloom et Mirranda Kerr, Megan Fox et Brian Austin Green ou encore Audrina Patridge furent les victimes de ce scooby gang bling bling rêvant de luxe et de célébrité.
Mais au-delà de l’anecdote, The Bling Ring allait surtout être l’occasion pour Sofia Coppola de revenir à un sujet qui lui est cher, la peinture de la jeunesse américaine, elle qui avait su si bien cerner son mal-être avec la magnifique Virgin Suicides il y a déjà presque quinze ans. Dans un univers glamour et pop acidulé, la cinéaste va s’immerger dans cette histoire, rencontrant les protagonistes de cette affaire y compris la journaliste qui les avait interviewé au moment de l’article paru dans Vanity Fair dont le film s’inspire d’ailleurs pour son scénario. Mais du fait divers, Coppola va réussir à tirer un constat, à brosser un portrait de la nouvelle génération américaine radicalement différente de ses prédécesseurs en cela qu’elle a été élevée dans la culture du factice, du tweet, du statut facebook, de la sur-médiatisation, de la télé-réalité, du star system à outrance, de la presse people, du bling bling, de l’iconisation du rien etc… Peut-être fable moraliste certes (Coppola parle de film de mise en garde et d’avertissement) mais qu’importe, The Bling Ring dresse un constat juste en s’attachant à ne jamais juger, à seulement montrer un peu dans la veine des philosophies d’autres metteurs en scène célébrés pour leurs approches de la jeunesse actuelle, les Gus Van Sant ou Larry Clark notamment. Coppola ne pointe pas sa caméra en mode « j’accuse », pas plus qu’elle n’a la prétention de savoir mieux que quiconque les causes et conséquences de ce phénomène. Elle ne cherche jamais à imposer une réponse sociétale dogmatique aux dérives d’une néo-jeunesse caractérisée par cette bande des 5 mais seulement à présenter une histoire insérée dans un contexte en s’appuyant sur ce qu’elle a pu récolter, entendre, voir, constater. Et au final, elle a su cerner à merveille la jeunesse qu’elle prend pour sujet. Une jeunesse paumée et en manque de valeurs, se raccrochant à des modèles fruit de rêves de vie facile, luxueuse et bling bling. Une jeunesse qui contrairement à celles d’avant, veut sa part du gâteau en ne pouvant se résigner à laisser les fantasmes au rang de fantasmes, les rêves au rang de rêves. L’inaccessible doit devenir accessible coûte que coûte et ce mode de raisonnement, Coppola arrive plutôt bien à en trouver les raisons. Car il ne faut pas occulter que cette jeunesse là, a été élevée avec des icônes starifiées souvent pour de fausses ou inexistantes raisons (téléréalité, buzz furtifs, starlettes, ex-amante de, ou produit préfabriqué sur un détail vendeur etc…). Une médiatisation soudaine et vaine tendant à inculquer que n’importe qui peut prétendre au statut de star et à se pavaner dans le luxe et le monde des apparences factices relayé abondamment par la presse people et les émissions qui vont avec. Cette jeunesse ayant grandi désormais dans un monde de la sur-couverture médiatique où la moindre « info », où le moindre « buzz » monté de toute pièce, fait le tour du monde en trois clics de souris, vit dans une époque lardée de fausses valeurs et d’icônes factices comme modèles de réussites. Ce simple et anecdotique fait divers du Bling Ring en est la preuve jusqu’au bout par le cynisme de son histoire. C’est en commettant ces petits larcins criminels que ces jeunes deviendront des célébrités à leur tour avec couverture médiatique, interviews télé et même téléréalité ou show TV personnel à la Kardashian pour certains… Une issue ironique qui ne fait qu’alimenter le problème dénoncé par le film qui, cela dit au passage, vient à son tour participer à ce phénomène par son existence renforçant la notoriété de ces gamins caricaturaux d’une époque et de leur congénères.
Sofia Coppola touche de vrais points de société sensibles avec ce nouveau film marquant une rupture d’avec son précédent Somewhere. Ceux qui auront été ennuyés par celui-ci (donc, pas nous déjà) retrouveront une Coppola au style plus pop, plus déjanté, plus dynamique et surtout plus rock n’ roll, un peu comme si Virgin Suicides (sans le côté dépressif) rencontrait le visuel de Marie-Antoinette. Et d’ailleurs, cette notion de « croisement » illustre parfaitement le rendu de ce dernier film de la maestro de Lost in Translation. The Bling Ring est un film d’entredeux, un film sans cesse à mi-chemin « entre » ou plus concrètement, un film qui a du mal à se positionner et à trouver une certaine cohérence et homogénéité plastique et narrative. Profond et intelligent mais dans le même temps un peu court sur patte et manquant de développement dans certains axes qu’il dessine de loin (il fait à peine 1h30 et ambitionne pourtant de doubler le simple relaiement d’un fait divers, d’une vraie peinture inspirée de la jeunesse actuelle), The Bling Ring navigue entre les tons et entre les styles dans ce qui ressemble plus à un patchwork éparpillé et à un collage cinématographique, qu’à un vrai film fluide et maîtrisé. Tour à tour clip rock dynamique reflétant l’image de cette jeunesse pop déglinguée puis drame à la mise en scène plus lente avec de longs plans séquences tournés caméra à l’épaule (merci Gus Van Sant), ce dernier film est peut-être le plus fouillis de la cinéaste qui a recours à tous les médiums disponibles pour illustrer son propos sur la multiplicité des sources d’informations dans la société de l’information d’aujourd’hui : images internet, archives, vidéos de tapis rouge, photos, capture d’écran d’ordinateurs, de comptes Facebook, interview face caméra façon documentaire, influence du clip bling bling… Sofia Coppola essaie de donner du peps, de la vitesse à un film étourdissant qui veut ressembler à ses protagonistes. Sauf que le style de la metteur en scène finit par un peu se noyer un peu dans ce mélange d’autant qu’outre son style à elle, on retrouve justement des pointes des précédemment évoqués Larry Clark, Gus Van Sant ou même Harmony Korine même si la jeunesse est abordée ici sous un angle différent de chez ces derniers. The Bling Ring navigue à vue, change fréquemment de rapport dans son rythme, son visuel et sa narration au point d’être un peu dans la cacophonie artistique.
Néanmoins, The Bling Ring n’en reste pas moins un film intéressant, certes imparfait et loin de certains chefs d’œuvre de Sofia Coppola mais dans lequel les idées exprimées ne manqueront pas de renvoyer à une belle réflexion sur la société dans laquelle nous vivons. Dans un monde devenu difficile, l’issue la plus facile reste celle de la célébrité et le danger est de voir comment certains sont prêts à tout pour s’en approcher, fascinés par ces icônes et aidés dans leur démarche doublement, d’une par la culture du « c’est facile d’y parvenir » et de deux par l’extrême proximité de ce monde sur-relayé par la presse people et les médias. Les actions de ces jeunes volant dans des maisons de stars peuvent d’ailleurs être perçues comme une sorte de parabole de cette façon d’usurper (de voler donc) un statut qui n’a plus rien de « valeureux » ou de sacralisé aujourd’hui : celui de la célébrité. Avec un casting plein de fraîcheur et d’enthousiasme (pour la plupart, les comédiens sont de nouveaux venus jusqu’alors inconnus à l’exception de la mignonne Emma Watson qui sort de sa période Harry Potter pour, on l’espère, embrasse une vraie carrière durable), Sofia Coppola signe son Spring Breakers à elle mais dans un style radicalement différent et bien plus intelligemment fait que chez le voisin Korine qui abordait la jeunesse paumée avec un racolage même pas passif. Partie de la réalité, la cinéaste a laissé vagabondé son imaginaire pour transcender son fait divers de base tout en gardant quand même un maximum d’authenticité à son histoire au point d’être même allée tourner chez Paris Hilton elle-même (quelle baraque !!) qui d’ailleurs, fait quelques passages dans le film.
Conte moral s’attachant à un phénomène de société, The Bling Ring est une jolie réflexion à la fois pimpante et tragique sur les conséquences de notre culture actuelle moderne sans limite sur une jeunesse dont les priorités et les valeurs ont changé voire sont faussées par le culte du bling bling et du dérisoire. C’est ce qui ressort dans ce petit drame qui montre comment de beaux gamins bien élevés (malgré la mère frappadingue des trois gamines campée par une chouette Leslie Mann délurée et extravagante en mal de célébrité) vont aller trop loin. Sensible, The Bling Ring est l’histoire d’un emballement, personnel, collectif, médiatique, où de pauvres ados coupables mais quelque part touchants, ne vont pas se rendre compte. C’est bien là le tragique cynique de la chose : ils ne se rendaient vraiment pas compte. On attendait un tout petit plus venant de Sofia Coppola et The Bling Ring est peut-être son moins abouti à ce jour. Mais cette talentueuse artiste, véritable icône d’une époque, partait de tellement haut que le résultat reste quand même très acceptable, assez séduisant et mérite d’être vu.
Bande-annonce :