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SILENCED (critique)

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Carte d’identité :
Nom : Do-Ga-Ni
Parents : Hwang Dong-hyuk
Livret de famille : Gong Yu, Jeong Yu-mi, Kim Hyeon-su, Jeong In-seo, Baek Seung-hwan, Jang Gwang, Lee Gang-seok, Kim Min-sang, Im Hyeon-seong, Kim Ju-ryeong, Eom Hyo-seop, Jeon Guk-hwan, Choi Jin-ho, Gweon Yu-jin…
Date de naissance : 2011
Nationalité : Corée du Sud
Taille/Poids : 2h03 – Budget N.C.

Signes particuliers (+) : Un mélange des genres ambitieux pour un film courageux mettant en lumière un sujet aussi lourd que tabou en son pays.

Signes particuliers (-) : Des ficelles dramatiques un peu grossières, une mise en scène un peu trop démonstrative et quelques choix discutables.

 

PAS DE LANGUE, PAS DE PLAINTE !

Résumé : Un jeune professeur au passé dramatique, vient enseigner dans une école pour sourds-muets. Il se rend rapidement compte de la tragédie qui se déroule depuis des années dans les murs de l’école : les enfants y sont abusés sexuellement, frappés, parfois même torturés…

Pour seulement son second long-métrage, le cinéaste Hwang Dong-huyk va frapper de plein fouet le paysage cinématographique coréen avec étincelles et grand fracas, par une œuvre tragique et marquante qui va faire grand bruit pour son sujet brûlant et son terrible contenu dérangeant. Basé sur un livre, lui-même inspiré de faits réels et dramatiques mis au jour dans les années 2000, Silenced se penche sur la douloureuse question de la pédophilie et de la sauvagerie envers l’enfance, plus particulièrement envers les enfants handicapés dont les moyens de défense sont encore plus limités que les autres. Silenced aura fait grand bruit à sa sortie coréenne où le film a rencontré un fort succès. Les remous seront remontés jusqu’aux plus hauts sommets de l’État puisque le Président lui-même, choqué après la vision du métrage de Hwang Dong-huyk, ordonnera que des mesures de préventions soient prises pour que de tels faits ne se reproduisent. En cause, les condamnations prononcées à l’encontre des auteurs de ces crimes atroces, plus que légère voire révoltante. Au moins, Silenced aura réussi à éveiller les consciences et attirer l’attention sur une affaire juridique trop vite enterrée et oubliée, et à tort.

Le cinéaste Hwang Dong-huyk déploie toute sa technique pour apporter force et puissance à son film et va surtout aller loin, très loin, dans la représentativité des évènements tragiques et révoltants en question. Dès l’entame de son récit, il annonce métaphoriquement l’horreur par l’emprunt d’une esthétique renvoyant directement au film de genre. Le personnage du jeune professeur In-ho Kang (interprété par l’acteur Yoo Gong) est muté dans la ville (imaginaire) de Mujin, surnommée la citée des brumes. En effet, la descente dans cette contrée nichée au creux de montagnes, fait l’objet d’un passage de la clarté à un épais brouillard permanent rendant la visibilité difficile. Cette brume lourde et troublante est, pour Hwang Dong-huyk, un moyen d’induire la descente de son personnage dans un lieu mystérieux, aux allures fantastiques, tel une plongée dans un cauchemar, renfermant de sombres et terribles secrets cachés, masqués derrière cette fumée empêchant toute clarté, toute lucidité. L’emploi de cette esthétique très estampillée film d’horreur ou fantastique est annonciatrice de la suite, d’une descente aux enfers dont l’insoutenabilité est presque irréelle et hors du monde normal et logique. Cette histoire, c’est celle de cette école pour jeunes sourds-muets, êtres démunis et sans défense contre la cruauté, la tyrannie et la méchanceté. Le jeune professeur va se retrouver confronté à une horreur dépassant toutes les limites du concevable où professeurs et principal usent de leur pouvoir et de leur statut pour abuser sexuellement et physiquement de leurs jeunes étudiants dont ils sont la charge. Fort d’une aura de bienfaiteurs à la générosité impossible à remettre en question, cette petite bande de tortionnaires psychologique et physique cache bien leur jeu derrière leur soi-disante respectabilité. Hwang Dong-huyk poursuit dans son esthétique très fantastique dépeignant cette affreuse école comme un lieu sombre, hanté, quasi mystique et horrifique où les fantômes sont les instituteurs et le diable, le principal doublement maléfique puisqu’il partage ses exactions avec son frère jumeau (autre élément sonnant très fantastique).

Mais la grande particularité de Silenced est son extrême jusqu’au-boutisme, allant représenter à l’image ce que bien peu d’autres ont osé faire avant, s’inscrivant ainsi dans la mouvance d’un cinéma coréen allant de plus en plus loin dans la monstration. Hwang Dong-huyk ne recule devant aucune séquence pour traduire toute l’horreur de la situation et des crimes sordides commis allant jusqu’à montrer visuellement les moments d’attouchements et de viols provoquant une sensation de mal à l’aise recherchée et assumée. Silenced en devient dur, glauque et particulièrement insoutenable, choquant le spectateur le plus insensible. Épurant certaines scènes au maximum, sans musique et par une mise en scène privilégiant la force et l’horreur émotionnelle, le cinéaste donne la pleine mesure du traumatisme des évènements par des séquences poignantes de dureté. On pense notamment au récit des mésaventures de ces enfants, racontant face caméra aux personnels de la ligue des droits de l’homme, ce qu’ils ont pu subir. Des scènes épouvantables donnant une puissance réaliste évocatrice tendue et douloureuse au regard. Mais la crudité de ces images est en revanche désamorcée par une mise en scène trop présente à d’autres moments, entrecoupant le récit, par des flash-back où se multiplient effets de style et musique dans une rhétorique dramatisante, tranchant avec le réalisme froid et glaçant dans lequel le film nous a plongé. Des effets nuisibles à la qualité et à la force d’un film jusque-là provoquant une tension horrifiante. Mais finalement, heureusement peut-être pourrait-on dire tant le film va loin dans sa représentation des abus subis, tant physiquement que psychologiquement. Toujours est-il que ces quelques scènes poussent le film vers une théâtralisation des évènements le faisant basculer tour à tour entre récit à vif cru et mélodrame presque voyeuriste.

Silenced choque, et si les intentions sont louables dans la volonté d’éveil des consciences et de relance du débat sur une chronique judiciaire pathétique et risible, la façon de retranscrire le tout est parfois maladroite, oscillant entre deux esthétiques se mariant mal ensemble entre rendu clinique et saisissant d’effroi et dramatisation trop maniérée dans une logique de film over-dramatisé. Toujours est-il que le film de Hwang Dong-huyk reste une plaie ouverte, scindé entre un récit proche du thriller dramatique ou du polar et le film judiciaire relatant une parodie de procès. Les qualités de Silenced représentant visuellement ce qui d’ordinaire reste cantonné au hors-champ afin d’en révéler l’indiscutable atrocité, sont parallèlement ses faiblesses par une gestion mal réfléchie et pensée laissant la porte ouverte à une réception comme du voyeurisme dérangeant par pur effet de buzz. Ce qui est certain, c’est que Silenced ne peut laisser indifférent et se sent passer comme un oursin placé en pleine bouche malgré ses défauts de mise en scène où un réalisateur plus rompu à un cinéma intimiste aurait su donner plus de délicatesse à un récit mêlant ficelles grossières du film traditionnel et volonté d’aller au-delà, dans une zone très délicate et sensible de traitement à l’image.

Bande-annonce :

2 thoughts on “SILENCED (critique)

  1. J’espère que ce film, a fait que ces pédophiles et d’autres , soit dans une horrible prison avec des tueurs qui aiment justement pas les pédophiles

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