De passage au Festival de Deauville pour y présenter Whiplash de Damien Chazelle, nous avons la chance de nous entretenir avec l’acteur Miles Teller, qui est longuement revenu sur ce coup d’éclat qui a enchanté la manifestation normande. Pour rappel, Whiplash, qui sortira en salles le 24 décembre, raconte l’histoire d’Andrew, 19 ans (Miles Teller) qui rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s’entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d’intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terrence Fletcher (J.K. Simmons), professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l’excellence…
Comment êtes-vous arrivé sur ce projet ?
Miles Teller : Ce film est venu à moi alors que je vais de finir Divergent. J’étais crevé, le tournage avait été épuisant et je voulais me reposer mais quand j’ai lu le script, je me suis que c’était juste impossible que je laisse le rôle à quelqu’un d’autre, c’était impossible que quelqu’un d’autre ait cette opportunité. Donc j’ai tout envoyé bouler et je l’ai fait.
Vous jouiez déjà de la batterie avant où vous avez eu un coaching particulier pour rendre cette performance aussi crédible ?
Miles Teller : J’ai eu ma première batterie à 15 ans. A 6 ans, je jouais du piano. J’ai joué du saxo aussi. J’ai même fait partie d’un groupe de jazz. Je me suis même mis à la guitare pour impressionner les filles. La batterie, c’était pour ça aussi, mais ça marchait moins bien ! En tout cas, je me suis remis à la batterie de façon plus intensive avant le tournage. Pendant 6 semaines, je travaillais plusieurs heures par jour. Tout ce qu’on peut entendre dans le film, n’est pas toujours de moi mais l’intensité est réelle.
Dans ce film, vous jouez face à J.K. Simmons. Vous avez beaucoup répété ensemble ? Parce que vu votre relation, il est impératif d’avoir une vraie connexion…
Miles Teller : Non, en fait, on n’a pas vraiment travaillé avant. J’ai rencontré J.K. Simmons très tardivement. On a fait une lecture du script peut-être une semaine avant le tournage et après, on s’est retrouvés directement sur le plateau. Ce sont deux personnages qui savent exactement ce qu’ils veulent, ce qu’ils attendent. Et pour moi, il fallait juste arriver en ayant bien préparé les scènes et réagir. Il fallait bien écouter et jouer le plus sincèrement possible. C’est ce que j’ai essayé de faire.
Quelle a été la plus grosse difficulté sur ce tournage parce que votre performance est hallucinante, vos mouvements à la batterie sont très rapides, très douloureux…
Miles Teller : C’est vrai que c’était fatiguant mais bizarrement, pour moi, ça n’a pas été les scènes les plus dures. La scène la plus difficile aura été celle de l’accident de voiture. J’ai déjà eu un très grave accident de voiture (il a failli mourir, c’était en 2008, d’où les cicatrices qu’il a sur le visage – ndlr). Et là, je me suis retrouvé avec du sang plein la figure, je devais sortir de la voiture avec cet air déboussolé et ce sentiment de confusion « je viens d’avoir un accident »… Et je sais ce que ça fait. Mais en même temps, je devais jouer cette scène presque comique où la seule chose à laquelle pense Andrew, ce sont ses baguettes de batterie. C’est presque drôle. Et pour moi qui ait eu un accident de voiture, c’était pas facile.
Cette année, vous avez tourné plusieurs films très importants dans votre carrière. Le magnifique The Spectacular Now, Divergent. Mais j’ai quand même cette impression que Whiplash est un vrai tournant dans votre carrière. C’est une vraie « performance ». Est-ce que vous réalisez que cette performance est une étape ?
Miles Teller : Oui. Je pense que les acteurs masculins reçoivent leurs meilleurs rôles à 30 ou 40 ans. Avant, vous jouez sousvrnt des trucs plus légers. Et c’est très rare d’avoir la chance de faire un film comme Whiplash qui est très exigeant, quand on est un jeune acteur. Et j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire. Quand vous étudiez la comédie, vous jouez des rôles avec des personnages qui sont beaucoup plus vieux que vous. Et c’était génial de jouer un personnage qui avait une aussi grande palette. Le personnage du début n’a plus rien à voir avec le personnage de la fin. Et je suis impatient maintenant, après Whiplash, de jouer dans des films avec de vrais rôles masculins.
Damien Chazelle vous a recommandé des chansons, des musiques à écouter avant le tournage ?
Miles Teller : Il m’a envoyé des choses, oui. Et puis Youtube était une chose géniale pour un acteur. Je peux regarder tout ce que je veux sur mon téléphone ou l’ordi. Et j’ai regardé beaucoup de vidéos sur Joe Jones, Charlie Bird etc… Tout est si accessible. Il fut un temps où il aurait fallu aller à la bibliothèque et tout le bordel. Maintenant, tout est accessible.Vous disiez que vous aimeriez maintenant avoir plus de vrais rôles « masculins ». Là, vous avez joué dans Les 4 Fantastiques. Vous pouvez nous en parler un peu ou pas ? Et surtout, pour l’avenir, vous aimeriez jouer des rôles de méchants ou des rôles plus psychologiques ? D’autant que dans Whiplash, on voit un tout petit fond de méchanceté involontaire…
Miles Teller : Je ne suis pas à la recherche spécialement de ça. Avec Divergent, j’ai joué un personnage qui, dans un sens est un peu méchant mais… Mais je ne cherche pas ça particulièrement. Là, je vais jouer le rôle d’un boxeur (dans le film Bleed for This de Ben Younger). C’est un vrai challenge, avec transformation physique, régime alimentaire, entraînement physique etc…
Et vous allez retravailler avec Damien Chazelle ? Peut-on dire qu’il y a un truc de spécial entre vous, vous êtes comme une team ?
Miles Teller : Oui. Quand vous travaillez avec quelqu’un et que le processus créatif est bon, que vous êtes heureux et productif, vous avez envie de recommencer. D’autant qu’après, il y a en plus l’histoire commune, la confiance et le confort. Je n’ai jamais passé autant de temps avec un réalisateur. On a une vraie relation de confiance. Et je n’ai pas envie qu’il travaille avec un autre acteur ! Surtout qu’après Whiplash, tout le monde va vouloir travailler avec lui !
Quand vous rêviez de devenir un jour un acteur, étiez-vous comme votre personnage dans Whiplash, prêt à tout pour atteindre votre rêve, prêt à souffrir pour votre rêve ?
Miles Teller : Non. En fait, je n’ai pas eu à vivre cela. J’ai eu de la chance. Mais je sais que j’ai besoin de beaucoup travailler, de bien me préparer. Jouer la comédie, c’est vraiment un métier formidable. Mais non, je n’ai jamais eu besoin de dire à mes parents d’aller se faire foutre ou de m’isoler complètement pour jouer. De toute façon, être un acteur, c’est déjà être souvent seul, dans votre hôtel, loin de vos proches etc…
Et à propos des 4 Fantastiques ?
Miles Teller : Donc, ils sont 4.
Il y a un sniper qui pointe son laser sur vous en ce moment ?
Miles Teller : Oui, c’est ça ! Il rode par là. Ce que je peux vous dire, c’est que c’est un film… Ça fait plus de 50 ans que Les 4 Fantastiques existe. La difficulté a été de les adapter aux années 2000, à 2014, et de ce qu’ils seraient devenus maintenant. À quoi ils ressembleraient en tant que Super Héros d’aujourd’hui. Ce qu’ils sont ou ne sont pas. C’est la partie la plus excitante, de poser une marque, une empreinte sur un personnage.
Il va être donc très différent des anciens films ?
Miles Teller : Trèèèèèèèèès différent. Déjà, Michael Chicklis n’est pas dans le film et il ne porte pas un énorme costume…
Un petit mot à propos de Shailene Woodley qui devait venir à Deauville, justement…
Miles Teller : Oui, elle n’a pas pu.
On lui pardonne…
Miles Teller : Je lui dirai.
Vous avez joué ensemble dans The Spectacular Now, puis dans Divergent. Vous avez d’autres projets de films ensemble, quelque-chose de différent peut-être, recollaborer ?
Miles Teller : Oui. Elle n’a jamais fait de vraies comédies. Et pourtant, c’est une fille très drôle. On essaie de trouver un truc pour retravailler ensemble. On aimerait bien.
Vous avez vu White Bird ?
Miles Teller : Non, pas encore. Il faut que je le vois.
Merci à Damien Chazelle et Michel Burstein et Yuki de l’agence Bossa Nova.
Propos recueillis par Nicolas Rieux.