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PARASITE de Bong Joon-Ho : la critique du film [Cannes 2019]

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Spectateurs

[Note des spectateurs]

La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Gisaengchung
Père : Bong Joon-Ho
Date de naissance : 2018
Majorité : 5 juin 2019
Type : Sortie en salles
Nationalité : Corée du Sud
Taille : 2h12 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller

Livret de famille : Song Kang-Ho, Lee Sun-kyun, Cho Yeo-jeong…

Signes particuliers : Une palme d’or ultra méritée.

BONG JOON-HO FILME UN AFFRONTEMENT SOCIAL INTENSE

LA CRITIQUE DE PARASITE

Synopsis : Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne…

Cette année, la Palme d’or est restée du côté de l’Asie. Juste un poil plus à l’Ouest. Après le japonais Kore-Eda pour son excellente Affaire de Famille, c’est au tour du coréen Bong Joon-Ho d’avoir raflé la prestigieuse récompense cannoise avec son fabuleux Parasite, thriller dramatico-social qui a littéralement fait exploser la Croisette de jubilation. Le réalisateur de The Host, Snowpiercer et Okja s’y offre un face à face saisissant entre deux familles, une riche et une pauvre, dans une satire sociale plus mordante qu’un bulldog enragé. Mystérieux (et c’est bien qu’il le reste d’ailleurs) Parasite s’enflamme autour de la rencontre entre la famille désargentée de Ki-Taek et celle du richissime homme d’affaire Mr Park, rencontre qui débouchera sur un engrenage insoutenable.

Dire que Bong Joon-Ho nous a pondu quelque chose d’immense serait un euphémisme. Dire que cela faisait longtemps qu’une palme d’or n’avait pas été aussi méritée serait même encore loin de la réalité. Non content d’avoir signé son meilleur film à ce jour, le génial cinéaste coréen a asséné une énorme claque au public cannois, une véritable symphonie vacharde qui tutoie à chaque instant la quintessence d’une partition quasi parfaite ou presque. Avec Parasite, Bong Joon-Ho entreprend beaucoup de choses et les réussit toutes, une à une, sereinement, sans fausse note, avec une maestria et une maturité stylistique indiscutable. Étincelant, le résultat a la densité d’un chef-d’œuvre, la puissance d’une découverte mémorable et la marque de ces exploits cinématographiques semblables à aucun autre.

Drame ? Thriller ? Comédie ? Film social ? Le pari de Bong Joon-Ho était de réunir toutes ces composantes dans un film cohérent. Pari gagné. Parasite est tout cela à la fois et bien plus encore. Presque un ofni dont l’audace n’a d’égale que son génie et l’intelligence qui articule continuellement tous ces visages brillamment maîtrisés. Il y a d’abord la comédie noire dans laquelle Bong Joon-Ho semble tant se régaler sur cet effort à la lisière du surréalisme. Hilarant de bout en bout, Parasite est tellement barré qu’il prend vite des airs de farce cruelle et méchante dessinant un affrontement diabolique entre deux classes sociales. Le côté social entre justement en piste et vient offrir au film toute sa consistance. Rien n’est jamais gratuit dans Parasite, parabole de la profonde fracture sociale qui défigure la société coréenne d’aujourd’hui. Il y a d’un côté ces pauvres qui vivent à hauteur de caniveau, dans des sous-sols infects ou au mieux, dans des entresols miteux avec la fenêtre à ras des couloirs de pisse et de vomi si chers aux imbibés et aux SDF bourrés. Pas de travail, pas d’argent, une médiocrité comme seconde peau. Le portrait dressé par Bong Joon-Ho à travers la famille du misérable Ki-Taek est rude. Rude mais jamais caricatural ni cynique. Le cinéaste évite justement l’erreur d’en faire des clichés miséreux. Il brocarde un peu, il grossit certains traits pour orchestrer son affrontement, mais il ne rabaisse pas ses personnages en faisant dans l’amalgame facile « pauvreté = stupidité ». Au contraire, c’est même leur intelligence maligne qui va leur permettre de s’incruster dans la vie de cette famille riche qu’ils voient comme une Némésis sociale ennemie. Et tout le film d’être construit sur un jeu de miroir où le luxe des uns s’oppose à la pauvreté des autres mais où finalement tous se rejoignent dans une certaine médiocrité humaine. Bong Joon-Ho déploie des trésors d’images paraboliques pour illustrer ce fossé avec une sagacité rare.

Puis vient la patte du thriller, angoissant, viscéral, parfois suffocant ou anxiogène, mais toujours parfaitement imbriqué au rire, ce qui donne au film ce ton si caustique, déjanté et étourdissant d’intelligence. C’est l’une des choses qui surprend le plus dans Parasite, cette capacité qu’a le film de tendre le suspens jusqu’à l’insoutenable tout en créant l’hilarité générale avec ses ressorts. Plus l’affrontement devient pressurisant, plus le burlesque le magnifie et sublime cette étude de la société coréenne dysfonctionnelle où les fossés créent de l’envie, et l’envie mène à la violence et à la folie. Parasite est un regard acerbe sur la petitesse humaine générée par la médiocrité de notre système défaillant. On pourrait passer des heures et des heures à analyser ce grand film ultra-nihiliste de Bong Joon-Ho, ses scènes symboliques, sa mise en scène fabuleusement virtuose, ses dialogues tranchants, la profondeur qui fait corps avec le ludique jouissif de l’entreprise. Mais pour cela, il faudrait entrer en détails dans un film qui veut s’offrir de manière énigmatique au public pour lui laisser le plaisir de la découverte. Et ce serait criminel d’en dire trop car bon sang, quel choc, quelle baffe, quelle sacrée pièce de cinéma !

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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