Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Out 1
Parents : Jacques Rivette
Date de naissance : 1970
Majorité : 18 novembre 2015
Type : Sortie vidéo (Carlotta)
Nationalité : France
Taille : 12h50 / Poids : NC
Genre : Comédie dramatique
Livret de famille : Jean-Pierre Léaud (Colin), Michèle Moretti (Lili), Hermine Karagheuz (Marie), Pierre Baillot (Quentin), Marcel Bozonnet (Nicolas), Karen Puig (Elaine), Edwine Moatti (Béatrice), Michael Lonsdale (Thomas), Bernadette Onfroy (Bergamotte), Monique Clément (Faune), Bulle Ogier (Pauline/Emilie), Bernadette Lafont (Sarah), Françoise Fabian (Lucie)…
Signes particuliers : La plus grande aventure du cinéma français ?
L’ŒUVRE PHARAONIQUE DE RIVETTE
LA CRITIQUE
Résumé : Paris, avril 1970. Deux troupes de théâtre d’avant-garde répètent chacune une pièce d’Eschyle. Un jeune sourd-muet fait la manche dans les cafés en jouant de l’harmonica. Une jeune femme séduit des hommes pour leur soutirer de l’argent. Alors qu’une conspiration se dessine, des liens se tissent entre les différents protagonistes.L’INTRO :
C’est l’une des œuvres les plus emblématiques et paradoxalement, l’une des plus méconnues de la Nouvelle Vague. L’explication est simple, Out 1 est un projet tellement atypique dans sa conception et son résultat, qu’il est demeuré quasi-invisible pendant près de 40 ans. Aujourd’hui, au terme d’un long et important travail de restauration, l’œuvre hors-norme de Jacques Rivette sort enfin en version intégrale, restaurée en 2k par Carlotta Films. Qu’entend t-on par version intégrale ? Tout simplement que Out 1 est disponible dans ses deux versions, d’un côté la version « courte » présentée au cinéma, d’une durée condensée de 4h40 et baptisée Out 1 : Spectre), mais surtout dans sa version complète soit huit épisodes pour un total de près de 13h (version intitulée Noli me Tangere).L’AVIS :
Out 1 est une œuvre très librement adaptée de L’Histoire des Treize de Balzac. Réalisé en 1970 et sorti à l’automne de l’année suivante, cet effort titanesque et iconoclaste de Rivette est particulier à bien des égards. D’abord, pour sa durée extrêmement conséquente qui en fait une œuvre anti-classique par excellence, ensuite, pour sa conception, tourné dans une certaine idée maîtrisée du « vague », sans scénario précis et avec l’improvisation comme fer de lance moteur de l’évolution des séquences. La liberté totale était la visée suprême de Rivette, liberté pour ses comédiens qui pouvait tutoyer l’absolu de leur art, liberté de la mise en scène détachée des codes traditionnels, liberté à l’égard de toutes les conventions narratives, temporelles et autres.Plus qu’un film traditionnel, Out 1 est surtout un manifeste issu des idéaux défendus par la Nouvelle Vague et ce qu’elle tendait à inventer, ou plutôt à réinventer. Le très long et très dense essai filmique de Rivette, s’affranchit de tout et s’impose davantage comme une performance artistique, celle d’un auteur qui disserte sur le cinéma et ses formes, et celle de ses acteurs qui ont travaillé seulement encadrés par un semblant de scénario prédéfini avant de laisser leurs sensations de l’instant les porter. Rivette pousse loin les concepts établis par la Nouvelle Vague, presque aux portes du cinéma expérimentaliste. De longs plans qui ont leur propre rythme interne, une énergie de l’authenticité de l’instant, un rejet du classicisme et de la vision du cinéma traditionnel, un refus de la linéarité d’écriture avec une forme de déconstruction à la fois narrative et formelle, l’improvisation comme argument, une durée anti-conventionnelle de près de 13h, des techniques comme l’art du collage (photos et séquences) pour produire du sens.Out 1 pourrait presque être perçu comme la thèse d’un idéaliste radical sur le cinéma, avec ses nobles qualités mais aussi ses défauts, comme un extrémisme aveuglant. Résolument avant-gardiste, Out 1 est quasiment un happening cinématographique, dont le génie se cherche plus dans les intentions que sur la forme. Car Rivette ne réussit pas tout, à commencer par ses scènes d’impro théâtrales passablement ennuyeuses et qui ont effet bœuf sur un film déjà compliqué à soutenir, dans sa version courte comme longue. Ensuite, car l’on ne peut s’empêcher d’éprouver un léger sentiment de prétention qui se dégage, une fois n’est pas coutume, du travail du cinéaste. Mais des fulgurances traversent cet essai quand il parvient à se dégager des griffes de sa mégalomanie, des segments brillent (pour ceux qui auront le courage de se lancer dans la version feuilletonesque), sa richesse impressionne, tout comme son casting exceptionnel et surtout, son intrigue qui, étrangement, finit par prendre et tenir en haleine au-delà des espérances, faisant oublier une entame lourde et quelque peu laborieuse. Out 1 était une œuvre aussi imposante qu’audacieuse et Rivette signe un monument, dans tous les sens du terme. Mais un monument compliqué, même pour pour les plus purs cinéphiles capables de tout regarder.
LE BLU-RAY
A film hors-norme, édition hors-norme. Aussi difficile et exigeant soit-il, Out 1 bénéficie d’une sortie exceptionnelle soignée aux petits oignons par son éditeur Carlotta qui aura tout fait pour mettre en valeur son entreprise cinéphilique. Non content de distribuer l’œuvre iconoclaste de Jacques Rivette sous ses deux versions, Carlotta accouche d’un coffret prestige d’une richesse exemplaire, preuve de la dévotion de l’éditeur pour la noblesse du septième art. Techniquement, le film de Rivette se livre déjà à travers une restauration magnifique (en 2k) ayant ardemment combattu les ravages du temps. Mais au-delà de la redécouverte du film en elle-même, le coffret prestige porte bien son nom. 6 Blu-ray d’un côté, 7 DVD de l’autre, renfermant donc les deux visages de Out 1, ainsi qu’un documentaire de près de 1h50 (Les Mystères de Paris : Out 1 de Jacques Rivette revisité) revenant sur l’oeuvre sous toutes ses coutures. Les réalisateurs Robert Fischer et Wilfried Reichart proposent notamment des interviews d’époque ou d’aujourd’hui, avec les comédiens (Bulle Ogier, Michael Lonsdale…), avec certains membres de l’équipe de tournage (comme le chef op Pierre-William Glenn, l’assistant-réal Jean-François Stévenin ou le producteur Tchal Gadjeff) ou encore avec Rivette lui-même. Un livre de 120 pages (Out 1 et son Double) accompagne le coffret. Passionnant et riches en entretiens, il participe à nous faire comprendre l’ampleur de l’œuvre, sa difficulté et ses intentions. Magnifique !
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux