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LE TERRITOIRE DES LOUPS (critique)

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Carte d’identité :
Nom : The Grey
Parents : Joe Carnahan
Livret de famille : Liam Neeson, Dallas Roberts, Frank Grillo, Dermot Mulroney, Nonso Anozie, Joe Anderson, Ben Bray, James badge Dale…
Date de naissance : 2011
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h57 – 34 millions $.

Signes particuliers (+) : Immersif, haletant, tétanisant, à couper le souffle, maîtrisé. La réal hargneuse de Carnahan magnifie les décors et décuple la puissance de l’effroi et de la rage de survivre.

Signes particuliers (-) : x

 

AU MOINS, ILS AURONT VU LE LOUP…

Résumé : Un avion transportant des employés d’une compagnie pétrolière du fin fond de l’Alaska vers Anchorage, s’écrase au milieu de nulle part dans l’immensité sauvage du Grand Nord. Les survivants s’organisent pour faire face aux attaques des loups rôdant dans les parages…

Plus besoin de présenter Joe Carnahan, solide réalisateur de films remarqués tels que Narc ou Mise à Prix. Son style séduisant et rugueux est au centre de bien des discussions, le cinéaste étant souvent présenté comme le digne héritier des grands metteurs en scène des viriles bobines d’action des années 80. Le voilà de retour après sa dispensable mais fun et pop-cornesque adaptation de L’Agence Tout-Risque, pour un nouveau film d’hommes, de vrais, qui s’annonce comme un survival ultime à l’état pur, dans un Grand Nord sauvage et encore en grande partie inconquis, terre d’accueil d’une des plus grandes terreurs enfantines et dans l’imaginaire humain collectif : les sauvages et mystérieux grands loups des contrées glaciales.

Produit par les frères Scott (Ridley et Tony, pas la série télé pour midinettes) Le Territoire des Loups affirme tout ce que l’on en attendait. Prenant le meilleur des deux cinéastes ici producteurs et confirmant son statut de digne successeur faisant revivre un cinéma à l’ancienne, Joe Carnahan livre une pépite de sauvagerie brute et primitive où l’affrontement entre une bande de gueules cassées baraquées et des loups carnassiers impitoyables loin de la déformation gentiment horrifique des contes pour enfants, va s’avérer dantesque, saignant dans un combat acharné pour la vie où l’instinct de survie va être déterminant.

Carnahan pose d’emblée les bases de son récit. D’un côté, un avion affrété par une compagnie pétrolière. A son bord, des hommes, des trognes burinées, du genre à qui l’on ne cherche pas des noises sous peine de repartir la mâchoire fracturée en douze morceaux. Une ambiance qui rappelle, pour les plus jeunes Les Ailes de l’Enfer et son engin tenu par des tarés psychopathes et pour les plus anciens et cinéphiles, Predator et son hélico convoyant des montagnes de muscles sévèrement burnées. Cette bande à qui la peur semble ne rien vouloir dire va pourtant déchanter. Car ils vont être placés face à la pire des menaces pour l’homme, celle que l’on apprend à craindre dès la plus jeune enfance : le loup. Dans l’inconscient et l’imaginaire collectif, le loup a toujours représenté le mal et le danger incarnés. Pas de hasard si cette bête sauvage, en apparence pas plus dangereuse qu’un berger allemand, a toujours été objet de fascination et de crainte. Car les apparences sont trompeuses et s’il est bien une créature sur cette terre que l’on doit redouter plus que tout, c’est bien le loup. Organisé, rusé, chassant en meute, impitoyable, le loup représente à tout âge, l’incarnation sur terre de la vie sauvage, de la nature dans toute sa dangerosité à l’image du requin en mer. Et Le Territoire des Loups de devenir une sorte de conte horrifique cauchemardesque pour adulte, un survival pur et dur, loin des oppositions entre jeune débilos et redneck bouseux. Ici, c’est l’horreur, la vraie, la pure, la réelle qui prend place. Une bataille rageuse et hargneuse née de la volonté de survivre, née de l’instinct inné de guerre et d’auto-préservation, va se déclencher. Les protagonistes ont cru avoir passé le pire en survivant à un terrible crash aérien meurtrier. Sorti d’un pré-enfer, ils vont plonger dans le véritable et découvrir que l’horreur du drame vécu n’était que le commencement de leur calvaire. Le pire est à venir. L’enfer, c’est maintenant, dans ces vastes plaines glaciales où rôdent un ennemi prêt à exploiter la moindre faille, la moindre faiblesse humaine.

Sur ses solides fondations, Carnahan va alors se lâcher et pondre probablement son plus grand film à ce jour. Prenant tout son courage à une main pour tenir son talent dans la seconde, le cinéaste va non pas nous faire assister au cauchemar de ses personnages. Ça serait bien trop facile. Il va préférer nous y plonger, les deux pieds dedans. Ultra-immersif, totalement prenant, Le Territoire des Loups ne se regarde pas, il se vit au plus près et ce dès une séquence de crash comme jamais l’on a pu en voir au cinéma. Brillant et bouillonnant d’idées, Carnahan nous plonge dans la longueur intense de la catastrophe pour nous faire vivre un véritable moment de sensation faisant passer le plus immense des Grand Huit pour un manège pour enfant tourbillonnant à deux à l’heure. Tout y passe, la longueur harassante de la chute, la brutalité de la situation où tout se confond entre réalité et cauchemar rêvé. Visuellement, même les décrochages de l’avion sont retranscris et retransmis par le personnage de Liam Neeson revivant sa vie au fil des longues et quelques minutes passant. Des décrochages temporels qui ont pour effet de nous replonger à chaque retour au présent dans la folie indicible de la situation. Si l’on pourrait être en droit de penser que ce moment de bravoure dès le début du film restera comme le grand moment de l’œuvre entière, c’est faire fausse route. Carnahan nous prépare une intense expérience qui va se prolonger encore deux heures durant. Chaque attaque de loups, chaque pas d’effectué dans cette haute neige épaisse et épuisante, chaque moment de tension palpable est vécu comme dans toute sa dimension au point que l’on ressort de la séance exténué, vidé et glacé. Glacé car même le froid piquant de ces vastes étendues se fait sentir jusqu’au plus profond des os. De même que la blancheur lumineuse de la neige en plein jour, renvoyant à l’énormité du voyage à accomplir, nous éblouit par opposition aux sombres nuitées tendues évoquant elles, les nuits les plus terrifiantes de notre enfance où l’on craignait les créatures potentiellement cachées sous le lit ou dans un placard à la porte entrouverte.

Carnahan signe un chef d’œuvre, un grand moment de cinéma où l’expédition de survie se mue en chasse à l’homme par des prédateurs pouvant surgir de n’importe tout. Liam Neeson, qui, à l’instar d’un Denzel Washington, est devenu avec l’âge, une icône d’un cinéma rageur et brutal, prête à merveille son physique et son état d’esprit cabossé qui prend tout son sens à la vision du film (l’acteur ayant perdu tragiquement sa femme il y a peu). Sa prestation est sidérante de véracité où il crie à gorge déployée sa volonté de vivre, de se battre, malgré les échecs, malgré les drames de vie, malgré l’épuisement. On s’attendait à du bon, mais on ne s’attendait à pareille expérience furieuse, rugueuse et âpre. Dans ce combat entre bêtes sauvages, humaines ou animales, le spectateur est pris aux tripes, à la gorge, par un suspens tendu comme un arc, par un film d’une rare puissance. Du très grand cinéma d’aventure flirtant avec l’horreur. Une sorte de transposition dans le Grand Nord de d’injustement oublié L’Ombre et la Proie mais en carrément plus terrible, plus efficace, plus dantesque et envoûtant. L’un des films de l’année !

Bande-annonce :

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