Carte d’identité :
Nom : The Platform
Père : Galder Gaztelu-Urrutia
Date de naissance : 2019
Majorité : 25 mars 2020
Type : Sortie Netflix
Nationalité : Espagne
Taille : 1h34 / Poids : NC
Genre : Thriller, Horreur
Livret de famille : c Ivan Massagué, Zorion Eguileor, Antonia San Juan
Signes particuliers : Un thriller d’horreur à la fois divertissant et intelligent.
ENTRE CUBE ET SNOWPIERCER
NOTRE AVIS SUR LA PLATEFORME
Synopsis : Dans une prison-tour, une dalle transportant de la nourriture descend d’étage en étage, un système qui favorise les premiers servis et affame les derniers.
Si le confinement est une belle galère pour beaucoup, c’est en revanche une aubaine pour certains. Pour les chaînes de télé par exemple, qui voient leurs audiences en apesanteur. Pour des sites comme Amazon aussi, qui empilent les millions de commandes. Ou encore pour Netflix, qui se frotte les mains en voyant leurs abonnés streamer à mort tout ce qui tombe. Et dans le lot des dernières petites nouveautés qui font parler, il y a La Plateforme, film d’horreur espagnol qui créé le buzz sur… la plateforme. Premier long-métrage du néo-réalisateur Galder Gaztelu-Urrutia, The Platform imagine un futur flippant où ont été créées des sortes de « prisons-tours ». En gros, sur des centaines d’étages, deux personnes sont enfermées par cellule. Une cellule étant un étage. Au centre, un trou par lequel descend une dalle transportant la nourriture de niveau en niveau avec un temps d’arrêt limité. Les premiers niveaux sont les mieux servis puis ceux d’en-dessous mangent leurs restes. Autant dire que plus vous êtes bas dans la tour, moins il reste à bouffer sur la dalle (et plus vous avez la dalle justement). Et histoire de corser l’affaire, chaque mois, vous changez d’étages de manière totalement aléatoire…
Très lapidairement, on pourrait présenter The Platform comme une rencontre entre Cube et Snowpiercer. Galder Gaztelu-Urrutia tricote un film d’horreur bien dégueulasse (âmes sensibles s’abstenir) qui se présente comme un survival gore à la fois divertissant et surtout très politisé. Le message y est assez simple, dans la prison-tour, les premiers arrivés sont les mieux lotis et les autres sont affamés par ces « puissants » qui profitent de leur privilège provisoire. Inhumanité, mépris des autres, petit pouvoir et égoïsme sont les maîtres-mots de ce système que le cinéaste veut comme une allégorie de nos sociétés capitalistes actuelles très « verticales », où les nantis d’en-haut jouissent de leur statut sans penser aux plus démunis « d’en-dessous » qu’ils asservissent et affament. Plus leur égoïsme s’exprime, plus il créé de l’égoïsme chez les autres qui l’exprime à leur tour sur ceux qu’ils dominent à leur niveau et ainsi de suite. Bien senti, le portrait social particulièrement noir au cœur de The Plateforme est redoutable de clairvoyance et hasard du calendrier, il résonne férocement avec l’actualité que traverse le monde aujourd’hui, où l’on a un bel exemple de l’égoïsme des uns qui cause la mort d’autres.
Galder Gaztelu-Urrutia nous plonge dans une représentation sanglante de l’enfer et c’est comme cela que le cinéaste voit le monde d’aujourd’hui. Un monde violent où il est question de survie, de se manger les uns les autres, du cannibalisme physique dans le film imageant le cannibalisme social de nos sociétés. Si le concept tourne par moments un peu en rond sur lui-même, il a le mérite de ne jamais tourner à vide et c’est déjà beaucoup à l’heure où nombre de films d’horreur étourdissent par leur vacuité. Avec sa dystopie hardcore, Galder Gaztelu-Urrutia signe un effort malin qui trouve le juste équilibre entre la petite sensation efficace et distrayante pour les amateurs de péloches racées, et l’œuvre intelligente modelant une vraie réflexion sociale pertinente sur un thème cher au cinéma de genre : le capitalisme carnassier et horrifiant. Comme dans Cube, il est question d’enfermement dans un cadre mystérieux où il va falloir survivre. Comme dans Snowpiercer, i est question de critiquer la hiérarchie sociale et le consumérisme (sauf que chez Bong Joon-ho, la représentation était horizontale et qu’elle est ici verticale).
Passionnant d’un bout à « presque » l’autre (le final ne manquera pas de faire couler de l’encre car s’il est intéressant dans l’idée, il n’est pas forcément bien amené et maîtrisé par le cinéaste), l’entreprise de Galder Gaztelu-Urrutia est imparfaite comme bien des premiers films mais elle a du mérite, celle de nous plonger dans un univers fort, de provoquer des émotions viscérales d’inconfort et de malaise et enfin de pousser à une vraie interrogation existentielle (et philosophique) sur la manière dont nous évoluons tous dans nos systèmes actuels et quels valeurs nous animent. La richesse de ce brûlot à la sauvagerie parfois insoutenable aide à passer outre quelques redondances et petits soucis de rythme.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux