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GANGSTER SQUAD (critique)

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Carte d’identité :
Nom : Gangster Squad
Père : Ruben Fleischer
Livret de famille : Josh Brolin (John O’Mara), Ryan Gosling (Jerry Wooters), Sean Penn (Mickey Cohen), Giovanni Ribisi (Conway), Emma Stone (Grace), Michael Peña (Navidad), Anthony Mackie (Coleman), Nick Nolte (B. Parker), Robert Patrick (Kennard), Mireille Enos (Connie), Josh Pence (Gates)…
Date de naissance : 2012 / Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h53 – 60 millions $

Signes particuliers (+) : Un plaisir coupable monstrueusement généreux, filmé avec panache, interprété avec grandiloquence et écrit avec un doux parfum rétro qui s’entrechoque avec la violence graphique moderne et les dialogues percutants.

Signes particuliers (-) : Une affaire d’emprunts. Un peu trop court et manque d’ampleur pour se muer en fresque gangster dantesque.

 

LES INCORRUPTIBLES : NOUVELLE GÉNÉRATION

Résumé : Le policier John O’Mara en a assez de voir Los Angeles sombrer aux mains de la mafia et en particulier de Mickey Cohen, un puissant parrain qui contrôle toute la ville. Lorsqu’on lui propose une mission officieuse, O’Mara saisit sa chance. A la tête d’une petite escouade de braves sans peur, il va s’attaquer frontalement à l’empire de Mickey Cohen en utilisant tous les coups possibles, légaux ou pas…

On était vraiment impatient de retrouver Ruben Fleischer qui s’offre la passe de trois avec un troisième long-métrage en quatre ans, le premier qui n’a rien d’une comédie, de près comme de loin. Le jeune gaillard nous avait fait jubiler de plaisir avec sa folle virée horrifique dingo Bienvenue à Zombieland, le film qui l’avait révélé en 2009, avant de toucher à la comédie d’action avec le plus discret 30 Minutes Maximum, passé relativement inaperçu à sa sortie de par chez nous. Le troisième lui, en revanche, ne peut pas passer inaperçu. Impossible. Rien que son casting clinquant  attire l’œil, enfilant les noms de stars comme les perles. En premier lieu, Josh Brolin, chef d’une équipée de policiers justiciers du LAPD décidée à reprendre le contrôle de la Citée des Anges de plus en plus abandonnée au gangster impitoyable Mickey Cohen alias Sean Penn (qui au passage est tout juste génial en parrain de la pègre). Une escouade composée de, excusez du peu, Ryan Gosling, le beau gosse vedette qui a force de monter est devenue une star (sorte de James Dean des temps modernes), Giovanni Ribisi, Michael Peña (talentueux acteur trop souvent abonné aux rôles secondaires de sud-américain de service et enfin mis sur le devant de la scène par le récent End of Watch) Anthony Mackie (Abraham Lincoln Chasseur de Vampires, Dos au Mur, Démineurs, Real Steel) et ce bon vieux T-1000 : Robert Patrick en as de la gâchette. Des stars en bande organisée face à une star imposant la terreur et autour d’eux, encore et toujours du beau monde. La touche glamour nécessaire est confiée à la décidément somptueuse et princière, quoi qu’elle fasse, Emma Stone, qui dégage ici un parfum rétro de star des années 40, avec la classe et la beauté qui façonnaient les actrices du grand âge d’or d’Hollywood. Le bourlingueur Nick Nolte vient faire office d’anciens parmi les jeunes loups et enfin, moins connu mais notable, Mireille Enos (la série The Killing version US) endosse le costume de la femme enceinte du héros. Et tout ça sans compter la galerie des plus petits rôles où valsent des têtes qui nous rappellent quelque chose comme Wade Williams (le méchant carnassier de la série Prison Break), Josh Pence (The Social Network), John Aylward (l’éternel chef Anspaugh de Urgences) etc…

Parlons peu, parlons bien, Gangster Squad, c’est la rencontre d’un remake déguisé des Incorruptibles de Brian De Palma et du style Martin Scorsese quand il s’attaque aux fresques gangstéristes. On ne peut pas situer mieux. Basé sur un roman éponyme signé Paul Liberman, un ex-chroniqueur du Los Angeles Times, le script de cette transposition cinématographique a été rédigé par Will Beall, un ancien de la Brigade Criminelle de L.A. Il revient sur la bataille rageuse qui a ensanglanté les rues de la ville accueillant Hollywood dans les années 40 et 50, quand la Police a voulu reprendre le contrôle des lieux au puissant et dangereux chef mafieux Mickey Cohen, qui a vraiment existé. Car oui, même s’il est très très romancé, Gangster Squad s’inspire d’un contexte réel, plus que les faits en eux-mêmes (en réalité, il n’y a pas eu d’escouade officieuse combattant Mickey Cohen, d’autant que le vrai personnage bénéficiait d’appuis jusqu’aux sommets de l’Etat, Nixon lui-même compris).

Ca valait décidément le coup d’attendre le grand retour fracassant du petit prodige Ruben Fleischer qui nous assène une belle baffe jubilatoire avec ce plaisir coupable foutrement efficace. Massacré par la critique française, Gangster Squad est pourtant n grand moment de cinoche auquel on peut seulement reprocher de vouloir jouer dans une cour pour laquelle il n’était pas taillé. Fleischer doit se contenter du coup d’un bas à sable d’en-dessous mais qu’importe, il y est le roi. En fait, le cinéaste essaie de refaire du Scorsese et du De Palma de toutes ses forces durant tout son film. Et il parvient… par moments. Peut-être eut-il été mieux qu’ils ne s’affranchissent de ces références pesantes mais au moins, l’hommage est propre car il le rend bien. Pour De Palma, c’est évident. Gangster Squad est clairement un avatar des Incorruptibles, allant jusqu’à lui piquer des séquences entières. Une équipe de flics intègres réunis par un homme volontaire et passionné, le combat contre le crime en frappant de grands coups, une figure mafieuse charismatique et tétanisante, des victoires, des défaites, des petites joies, des peines, des répercussions sur la vie privée… Les Incorruptibles quoi. Sean Penn est De Niro et Josh Brolin est Kevin Costner. Et le mimétisme est même poussé loin puisqu’on peut voir en Robert Patrick, l’écho de Sean Connery en vieux de la bande et en Ryan Gosling, ce cher bon vieux Andy Garcia. Bref, qu’importe, Les Incorruptibles était génial, pourquoi se priver de s’en resservir une tranche si elle est aussi bien exécutée. Et c’est là qu’entre Scorsese et son « style » visiblement imitable. Réalisation ample, rythmée, virevoltante et stylisée, raccords dans le mouvement incessants, trouvailles visuelles dans les transitions, montage ultra-travaillé, dialogues percutants, personnages très typiques et charismatiques, violence graphique, écriture et progression dramatique soignée, Gangster Squad multiplie les emprunts aux travaux du père des Affranchis et de Casino avec élégance et respect. Le résultat donne une réalisation à la fois légère et clinquante, fluide et percutante, magnifique de grâce, de volupté et de rigueur. Fleischer régale et en vrai maestro, délivre toute la mesure de son talent. Gangster Squad devient un régal jouissif où tous les éléments sont réunis pour un grand spectacle dantesque et sans pitié. Violence coup de poing, fusillades dantesques, romance glamour (Emma Stone en vraie femme fatale, est à la fois douce et chétive et vampirique dans sa sublime robe rouge fendue, le porte-cigarette à la main et la chevelure qui se déploie autour d’un regard profond hypnotisant, devant un Ryan Gosling à la classe innée), choix tortueux et personnages torturés entre sens du devoir et responsabilités personnelles, dialogues millimétrés, humour (et oui, Fleischer arrive à glisser quelques petites notes rafraîchissantes dans la construction de cette équipe de pieds nickelés) et bien évidemment, un sens du show, du spectacle qui fait que les quasi deux heures du film passent en un éclair.

Un peu trop vite peut-être d’ailleurs et ça là, la seule limite de Gangster Squad et ce qui l’empêche d »être un monstrueux classique instantané. Fleischer est trop concis, trop direct dans sa narration resserrée, là où un Scorsese prenait le temps de déployait son univers, d’installer son contexte, de présenter ses personnages. Fleischer évacue le gras (sauf que dès fois, il y a du bon gras) et ne garde que l’essentiel. Et ça se ressent dans un film qui laisse de côté tous les moments « de plus » qui faisaient des chefs d’œuvre scorsesiens, des fresques et non plus de simples « films ». En même temps, peut-on le lui reprocher quand on voit que le cinéaste ne disposait que d’un court sur pattes 60 millions pour mettre en boîte un film qui requérait reconstitutions historiques, casting attractif, spectacle impressionnant…

Si Gangster Squad n’est pas un chef d’œuvre, Ruben Fleischer accouche au moins de l’un des grands temps forts de 2013, injustement boudé par la critique mais on l’espère, pas par le public même si la conjecture n’est pas encourageante avec une période fraîche qui voit les cinémas un peu désertés. Intense, distrayant, superbement interprété à tous les niveaux, le polar du cinéaste est un grand moment multipliant les scènes énormes, y compris celles tournées « à l’arrache ». On aura une pensée pour celle dans le Chinatown des années 50, tournée à la va-vite bien longtemps après le clap de fin du tournage, nécessaire pour remplacer une scène initialement tournée mais que les studios Warner décidèrent de couper au dernier moment. Et pour cause, la fusillade originelle prenait place dans un cinéma et la récente tuerie d’Aurora pour l’avant-première de The Dark Knight posait un problème de conscience. Alors voilà, reste à profiter. Fleischer fait du Fleischer, c’est-à-dire de la générosité en barre. Gosling fait du Gosling, une interprétation tout en classe, en retenue et en stoïcisme amusant. Sean Penn est égal à lui-même, monstrueux quand il est habité comme ça par un personnage. Brolin impose sa carrure de brute épaisse et son visage carré, Stone magnifie et éclaire le film par sa beauté et les seconds rôles brillent tous de mille feux. Si Ruben Fleischer n’évite non plus pas quelques clichés que son film se prend en pleine poire, il livre quand même un sacré moment de bravoure cinématographique, soutenu par une réalisation frôlant l’extase.

Alors oui, Gangster Squad, c’est Les Incorruptibles un cran en-dessous, oui c’est très très copié sur Martin Scorsese… mais en même temps, c’est bon, bien foutu et génialement plaisant surtout quand il brocarde le style des polars des années 40-50 et ingérant ses clichés pour mieux les resservir en se doublant d’un ton estampillé comic book policier graphique à la Dick Tracy pour s’éviter de jouer entièrement sur le même registre sérieux qu’un L.A. Confidential. Alors, on s’en balance et au diable la subtilité, quand un plaisir aussi généreux est à portée de main, il faut savoir le saisir sans se priver car pas sûr qu’on en remange une part tout de suite !

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