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RIEN A PERDRE de Delphine Deloget : la critique du film

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Nom : Rien à Perdre
Mère : Delphine Deloget
Date de naissance : 22 novembre 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h52 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Virginie EfiraFélix LefebvreArieh Worthalter

Signes particuliers : Un film bouleversant porté par une grande Virginie Efira (comme toujours). 

Synopsis : Sylvie vit à Brest avec ses deux enfants, Sofiane et Jean-Jacques. Une nuit, Sofiane se blesse alors qu’il est seul dans l’appartement. Les services sociaux sont alertés et placent l’enfant en foyer, le temps de mener une enquête. Persuadée d’être victime d’une erreur judiciaire, Sylvie se lance dans un combat pour récupérer son fils…

 

JAMAIS SANS MON FILS

NOTRE AVIS SUR RIEN A PERDRE

Toute enceinte jusqu’aux yeux qu’elle était, Virginie Efira n’a pourtant pas fait le voyage à Cannes pour rien cette année. La comédienne n’est pas descendue sur la Croisette juste pour ajouter sa pierre à l’édifice du glamour cannois mais bien pour y présenter non pas un, mais deux films. D’abord, le remuant thriller dramatique L’amour et les forêts de Valérie Donzelli sur les relations toxiques et les violences psychologiques faites aux femmes dans lequel elle partageait l’affiche avec Melvil Poupaud. Ensuite, moins ronflant mais tout aussi intéressant, le drame Rien à Perdre, premier long-métrage de Delphine Deloget, présenté dans la sélection Un Certain Regard. Virginie Efira y incarne une mère célibataire qui voit son enfant lui être retiré par les services sociaux à la suite d’une blessure survenue dans l’appartemement familial alors qu’il était seul.

Primé à Angoulême, primé à Deauville. S’il n’a rien eu à Cannes, Rien à Perdre s’est bien rattrapé ailleurs depuis, et c’est grandement mérité tant ce drame à la fois bouleversant et oppressant fonctionne comme un roller coaster émotionnel porté avec excellence par une très grande Virginie Efira (encore et toujours). A la base, une simple envie de frites. C’est comme ça que le petit Sofiane va faire écrouler l’équilibre précaire de sa famille. Sa serveuse de mère travaillait, son grand frère n’était pas encore rentré, il avait faim, et voilà que le gamin a foutu le feu par mégarde à la cuisine, se brûlant au passage à la main. Rien de grave mais suffisamment pour que les services sociaux s’interrogent. Pourquoi ce gosse est-il seul chez lui, à se faire lui-même à manger ? Est-ce une habitude ? Qu’en déduire ?

C’est un film profondément émouvant et indéniablement pertinent que signe l’ancienne documentariste Delphine Deloget, sur un sujet sociétal qui aurait pu inspirer Ken Loach et autres frères Dardenne. Le risque de « copie » était réel mais il n’en est rien. La jeune cinéaste prend vite ses marques dans le genre et livre un drame enrubanné d’intelligence dans le regard qu’il appose sur son sujet. Plutôt que de sombrer dans un manichéisme à la mécanique binaire dont le seul but aurait été de nourrir le côté lacrymal et empathique du drame, Delphine Deloget dresse un portrait plus subtil d’une situation à la fois banale et terrible. D’un côté, il y a cette mère aimante et dévouée, une mère qui se découpe en quatre pour ses enfants, la prunelle de ses yeux. De l’autre, il y a ces services sociaux qui n’ont rien d’inquisiteurs déshumanisés mais qui ne peuvent se permettre de passer à côté d’un « possible » mauvais traitement. L’erreur coûterait trop cher. Et il y a aussi le mode de vie parfois un peu bohème de cette mère courage mais défaillante, pas toujours bien consciente des choses. Et il y a aussi la rigidité de la machine administrative qui parfois se grippe alors qu’elle gagnerait à être plus souple pour mieux appréhender son travail au lieu de s’approcher dangereusement de l’injustice. La subtilité de Rien à Perdre est de ne laisser aucun de ces paramètres de côté et de tenter d’embrasser la complexité d’une situation aux points de vue qui s’affrontent sans verser dans le résumé unilatéral. Il aurait facile de pondre un film noir ou blanc, sur une terrible injustice ou sur une mission de sauvegarde d’un enfant maltraité. Mais Rien à Perdre est plus subtil que ça, et nos certitudes de départ vacillent un peu pour finalement s’inscrire davantage dans des nuances de gris que dans la pure dichotomie simpliste. Et si la vérité n’était pas aussi évidente ? Et si elle était à mi-chemin de plusieurs cordes tendues et nouées entre elles ?

Récit du combat d’une mère par amour pour son fils et portrait social d’un monde soumis à la complexité de ce qu’il touche, Rien à Perdre est un drame émotionnellement fort qui montre que dans toute observation, il faut se méfier des angles morts. Ils peuvent changer du tout au tout la donne et l’expérience. Rien à Perdre pose la question de comment gérer des situations si complexes, qu’en voulant bien faire on prend le risque de décupler le mal. Mais ne rien faire est-il la solution ? Quelle est la solution d’ailleurs ? Le malaise qui accompagne le film croit crescendo et c’est meurtri que l’on accompagne cette mère dévastée, ce gamin éploré, cette famille détruite. Delphine Deloget signe un drame juste et ambigu, qui touche en plein cœur.

 

 

Par Nicolas Rieux

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