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MA FILLE de Naidra Ayadi : la critique du film

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Carte d’identité :
Père : Naidra Ayadi
Date de naissance : 2018
Majorité : 12 septembre 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h20 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Roschdy Zem, Natacha Krief, Darina Al Joundi…

Signes particuliers : Une déambulation tragique et désespérée dans Paris et à travers elle, plein de thématiques esquissées.

JAMAIS SANS MA FILLE

LA CRITIQUE DE MA FILLE

Résumé : Hakim et Latifa ont fui la guerre civile algérienne au début des années 90. Ils vivent depuis dans le Jura, avec leurs deux filles : Nedjma 14 ans, et Leïla, l’aînée, partie suivre ses études de coiffure à Paris. Trois jours avant Noël, Nedjma reçoit un SMS laconique de sa grande sœur. Elle ne pourra pas venir les rejoindre pour les fêtes, prétextant une nouvelle fois une surcharge de travail… Latifa s’en prend à Hakim et le pousse à aller chercher Leïla. Nedjma viendra avec lui, ils en profiteront pour découvrir Paris. À leur arrivée dans le salon de coiffure, ils apprennent que Leila n’y a en réalité jamais travaillé. C’est le voyage d’un père qui commence, dans Paris, une nuit, jusqu’à l’aube. Quand Roschdy Zem passe derrière Fernandel. Curieuse proposition mais c’est plus ou moins l’argument du film Ma Fille, tiré du roman Le Voyage du Père de Bernard Clavel déjà porté à l’écran en 1966 par Denys de la Patellière, à l’époque avec Fernandel en vedette dans un rôle à contre-emploi. Dans cette nouvelle adaptation, il est toujours question d’un père à la recherche de sa fille, partie faire des études de coiffure à la ville. Mais quand celle-ci envoie un message disant qu’elle ne viendra pas pour Noël, Hakim décide d’aller la chercher à Paris. Il va vite découvrir que la vie de sa Leïla n’est pas du tout celle qu’il croyait. Le temps d’une nuit, le voyage de ce père va se transformer en cauchemar.

Sur la même histoire somme toute assez simple d’un père désespéré lancé sur les traces de sa fille introuvable dans un Paris nocturne interlope, cette version modernisée du roman de Clavel aurait pu très bien devenir le prétexte à un énième thriller d’action bisseux à la Taken, du genre produit par Besson et dirigé par l’un de ses sbires. Mais la comédienne Naidra Ayadi (Polisse) qui signe là son premier long-métrage en tant que réalisatrice, avait une autre idée en tête, proche de celle du roman, proche de celle du film avec Fernandel. Cette idée, c’est celle d’un drame familial, d’une errance bouleversante, parfois même suffocante voire nauséeuse, c’est celle d’une sorte d’enquête intimiste de laquelle plusieurs thématiques vont découler en cascade.

Dans Ma Fille, il est question des liens père-fille, des non-dits, de la pudeur de ces pères taiseux et de la peur de ces enfants craignant de les décevoir. Il est aussi question de conflit générationnel, de déracinement culturel, du trauma de ces immigrés de première génération qui fuit la guerre civile algérienne, et des valeurs de nos aïeux qui se confrontent à la liberté sur-exacerbée de la jeunesse d’aujourd’hui. Personne ne semble se comprendre et pourtant tant de choses les rapprochent. Tous ces sujets sont évoqués en filigrane d’une chronique nocturne pensée de manière universelle, gravitant autour de l’intimité d’un père déchirant de sincérité pudique. Et si l’émotion naît au fil des pérégrinations de cet homme déstabilisé au plus profond de son être, c’est principalement grâce à à l’écriture de Naidra Ayadi qui aborde plein de choses autour de son histoire simple comme bonjour mais densifiée par la finesse et la sensibilité qu’elle lui confère. Grâce à cela, mais surtout grâce à la conviction d’un immense Roschdy Zem dont la justesse d’interprétation toute en retenue attise les frissons. A l’image de ces cinq minutes de fin magnifiques où le comédien délivre tant en seulement quelques plans poignants. A ses côtés, impossible de ne pas évoquer la jeune Natacha Krief (la seconde fille de ce père angoissé) dont la fraîcheur éclabousse ce drame imparfait mais rendu intéressant par ses nombreuses qualités de fond.

Seul regret, celui de voir Ayadi en faire parfois un peu trop. Non pas dans son étude psychologique mais plutôt dans sa manière d’appuyer son histoire à grand renfort de clichés assombrissants sur la nuit parisienne, ville anxiogène présentée comme un temple de la dépravation où tout n’est que saleté, agressivité, violence et déliquescence. Le but était d’établir une opposition entre l’équilibre familial de cet homme venu de sa campagne nordique et le stress de la capitale pervertissante, mais Ayadi force trop le trait au point de basculer parfois dans un léger excès doucement comique. Néanmoins, on peut pardonner cette petite maladresse tant Ma Fille se rattrape sur l’empathie qu’il déploie. Un film qui se bonifie en mémoire après la séance.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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