Partagez cet article
Nom : The Room Next Door
Père : Pedro Almodovar
Date de naissance : 08 janvier 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : Espagne
Taille : 1h47 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de Famille : Tilda Swinton, Julianne Moore, John Turturro…
Signes particuliers : C’est rare un mauvais Almodovar.
Synopsis : Ingrid et Martha, amies de longue date, ont débuté leur carrière au sein du même magazine. Lorsqu’Ingrid devient romancière à succès et Martha, reporter de guerre, leurs chemins se séparent. Mais des années plus tard, leurs routes se recroisent dans des circonstances troublantes…
LE DROIT DE MOURIR SELON ALMODOVAR
NOTRE AVIS SUR LA CHAMBRE D’A CÔTÉ
Apparemment, il n’y a pas que les voies du Seigneur qui sont impénétrables, il y a celles de la Mostra de Venise aussi. Dans la plupart des réalités du Multiverse, La chambre d’à côté serait passé sous le radar du chef-d’œuvre. Mais allez savoir pourquoi, dans la nôtre, le nouveau Pedro Almodovar a reçu le Lion d’Or au prestigieux festival italien. Un mystère aussi inexplicable que le sacre de Titane à Cannes en 2021. Et encore, autant on peut vaguement comprendre les motivations qui ont pu justifier le succès du body horror de Julia Ducorneau sur la Croisette, autant rien (ou pas grand-chose) n’est de nature à défendre le dernier long-métrage du plus célèbres des cinéastes espagnols.
Réunissant un casting international pour un film tourné en langue anglaise, Pedro Almodovar adapte le roman Quel est donc ton tourment ? de Sigrid Nunez, paru en 2020 dans lequel deux amies de longues dates se retrouvent après plusieurs années, quand l’une d’elle est atteinte d’un cancer incurable.
Tilda Swinton face à Julianne Moore, l’argument était de taille pour faire de La chambre d’à côté, un immanquable. La déception est à la mesure de l’attente. Les figures féminines, le mélodrame, les thèmes durs (ici l’interdiction du droit à mourir), l’homosexualité… Toutes les balises du cinéma d’Almodovar sont bien là mais sans le sel qui les fait vivre habituellement. Scrutant cette intense relation de dernière minute surplombée par une chape tragique, La chambre d’à côté passe à côté de tout ce qu’il aurait pu être. Le cinéaste ibérique signe un film froid, distant, duquel n’émerge aucune émotion. Un comble pour un film sur la mort et l’euthanasie, qui aurait dû -normalement- déployer un torrent de douleurs viscérales et avec elles, une compassion universelle. Pour cela, il aurait fallu qu’Almodovar ne semble pas en mode pilotage automatique, guidant son film selon ses codes sans que ceux-ci fassent toujours sens. Sa bande originale (allant de George Michael à INXS) ne colle pas à l’esthétique du film, les couleurs criardes et l’allusion à l’homosexualité semblent mises là à l’emporte-pièce et l’ensemble paraît terriblement guindé, sentiment renforcé par un amoncellement de motifs chics comme si l’inspiration première était le dernier numéro de Vogue ou de Vanity Fair.
Dans cette froide villa luxueuse, Almodovar nous cause d’un déni de liberté, celle de disposer librement de sa vie et surtout de sa mort. Le sujet est brûlant, actuel, tabou (un autre des codes du cinéaste qui a toujours aimé les bousculer) mais Almodovar n’en fait rien d’autre qu’un très long-métrage bavard et plus creux qu’il n’y paraît, pataugeant dans une volonté de fond bien maladroite. Comme ce commentaire totalement lunaire sur l’écologie et la montée de l’extrême-droite (l’orchestration de la scène est déjà grotesque mais de surcroît, elle débarque comme un cheveu sur la soupe) ou cette évocation des troubles de stress post-traumatiques chez les soldats revenus de l’enfer (ici le Vietnam).
Loin de ses exubérances passées et alors qu’il se définit comme désormais plus austère et mélancolique (voir son Douleur et Gloire), Almodovar fait le choix de la sobriété, glissant d’ailleurs des références à Persona de Bergman ou The Dead de John Huston. Mais le cinéaste n’a jamais la subtilité de ses deux modèles. Mortellement ennuyeux là où il aurait pu prendre aux tripes en étant plus sombre, plus impertinent et plus questionnant, La chambre d’à côté peine à susciter quoique ce soit tant il est couché sur un papier glacé à la minutie esthétique dissonante d’avec cette sobriété recherchée. Tout semble trop fabriqué dans cet épisode de théâtre filmé à la puissance éteinte par l’incapacité du film à nous attacher à ses deux héroïnes trop exquises pour faire vraies, à l’image de leur univers.